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Un médecin raté. La moiteur et le racisme des Indes néerlandaises en 1912. Une femme hautaine, mais fragile. Le secret qu'elle porte. L'ensorcellement du désir. Et l'amok. Ce récit où l'enfantement, la jalousie et la paranoïa s'entremêlent jusqu'au drame nous offre une puissante illustration du poison des normes sociales et de la charge brutale, aveugle, de la passion lorsque soudain elle nous étreint.
Amok et La ruelle au clair de lune
Si Amok et La ruelle au clair de lune sont rassemblées dans un recueil avec Lettre d’une inconnue, c’est que la thématique est commune à ces trois nouvelles, celle de l’amour fou, désespéré, qui amène au bord du gouffre. Je vous laisse vous reporter à ma lecture de Lettre d’une inconnue, que je n’ai pas relue, et je me concentre ici sur les deux autres nouvelles.
En ethnologie, Amok désigne un comportement meurtrier, toujours individuel, observé en de nombreux endroits du monde et théorisée à partir de sa forme institutionnalisée en Malaisie (dixit wikipedia). C’est un comportement exclusivement masculin. En cela, il pourrait s’appliquer aux deux nouvelles que j’ai lues. Ce mot est porté comme titre plus spécifiquement par la première puisque le narrateur se trouve sur un bateau qui quitte les Indes.
Construite sur le modèle assez classique chez Zweig, cette nouvelle est le récit d’un narrateur à la première personne (récit-cadre, se passant sur un bateau) qui reçoit le récit principal de la nouvelle par l’intermédiaire d’un autre personnage. Cet autre personnage est un médecin, littéralement rendu fou d’amour, à en mourir. Après une longue période d’isolement et de frustration, une femme blanche et hautaine vient faire une requête particulière à ce médecin. Celui-ci n’oppose pas de cas de conscience à la patiente, juste une requête visant à assoir sa supériorité. Il veut rabaisser la jeune femme. Celle-ci refusant, il va la poursuivre jusqu’à la fin que tout amok connaît. L’ambiance humide du bateau est très bien rendue, ainsi que celle plus oppressante de la moiteur de la forêt malaisienne.
La deuxième nouvelle, La ruelle au clair de lune, met en scène un avare assez riche, qui a épousé une pauvresse et est tombé amoureux d’elle, au point de chercher à se l’asservir par l’argent. Lorsqu’elle le quitte, il ne peut l’accepter. Pourtant, pour lui échapper, sa femme va jusqu’à se vendre elle-même. Là aussi, le narrateur reçoit le récit de cet avare.
Plus courte, moins contextualisée, cette nouvelle amène plus difficilement l’adhésion du lecteur. D’autant que la lire après Lettre d’une inconnue qui est si forte en émotion ne peut qu’être décevant à mon sens.
Par l’intermédiaire de cette technique du récit dans le récit qui lui est si commune, Zweig fait de ses narrateurs les principaux protagonistes. Ils racontent leur propre histoire, ne permettant ainsi pas au lecteur de mettre en doute leurs dires et le plongeant directement dans l’émotion. On ressent la fébrilité qui prend ces hommes, qui s’empare d’eux. Le lecteur est dans la même position que le narrateur-receveur, prenant directement les sentiments passionnés du protagoniste.
Une lecture sympathique mais que j'ai trouvé moins prenante que les autres récits de l'auteur.
Ce système d’enchâssement de récits m’a fait penser aux Mille et une nuits. Et du coup, devinez qui a sorti le tome 3 de ses étagères ? Eh oui, c’est bibi ! On se retrouve donc sûrement bientôt avec un billet sur Shéhérazade.
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2014/02/amok-stefan-zweig.html