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C'est faire justice aux Lettres de mon moulin que de les donner à entendre au public adulte auquel elles étaient initialement destinées. C'est également réhabiliter Alphonse Daudet, conteur prodigieux et
figure particulièrement attachante du XIXe siècle. Par l'habile procédé de la correspondance, Daudet dresse dans ces lettres le tableau d'une terre luxuriante, source d'intarissables émerveillements pour une âme de poète.
Observateur attentif et minutieux, il repère avec habileté les moindres traits de caractère de ses concitoyens et ébauche en cela bien plus qu'une comédie provençale : une sorte de Comédie humaine - à la manière de Balzac. A la lecture des Lettres de mon moulin, on découvre sous un angle inusité la fin d'un XIXe siècle en pleine mutation. On imagine un Daudet bien plus contrasté - voire torturé - que le fantaisiste et brillant auteur que l'on serait en droit d'attendre d'une œuvre comme Tartarin de Tarascon.
Sans doute Daudet tient-il plus de Montaigne, son maître, que de Rabelais, car c'est une "tête bien faite", seule, qui peut relever les tendres rodomontades de ses personnages hauts en couleurs ; sans doute le Daudet épistolaire distille-t-il tout autant le spleen que le parfum de saturnales auquel ses méridionaux débonnaires semblent appeler. Ariane Ascaride et Roland Giraud relèvent un défi bien plus compliqué qu'il n'y parait dans cette interprétation : ils font apparaître l'au-delà du conte, ils révèlent la profondeur de cette prose.
La finesse avec laquelle ils s'emparent de la dimension orale des Lettres de mon moulin n'en fait que mieux ressortir le travail stylistique et rythmique de Daudet, qui sort pleinement accompli de cet enregistrement.