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Daily Express, 4 septembre?1945?: « ?Personne ne sait encore pourquoi Sonia A., une artiste espagnole de 23 ans, a chuté mortellement de 80 pieds sur le pavé de Queensway, Bayswater. Hier matin, elle a passé un appel téléphonique depuis l'immeuble. Quelques minutes plus tard, elle gisait nue et mourante dans la rue.? »
Quand on a vécu son enfance dans une absolue liberté et que l'entrée dans l'âge adulte ne s'est assortie d'aucun harnais, d'aucune obligation ni désir de servir, de consacrer les bonnes heures du jour au travail, aux soins des enfants ou des animaux, alors la faim de liberté se déplace, elle mute, elle trouve aussitôt d'autres murs à quoi se heurter, d'autres insuffisances?: la société, bien sûr, la liberté qu'on n'a pas d'y faire ceci, d'y être cela, mais aussi la limitation du corps et la limitation de l'esprit.
Poursuivant un désir à quoi rien ne saurait répondre, Sonia amorce un envol qui n'aura pas de fin.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Pourquoi Sonia Araquistáin s'est- elle suicidée en septembre 1945 ? Pourquoi cette artiste espagnole de 23 ans fille d'un ancien ambassadeur s'est-elle retrouvée fracassée et entièrement nue sur le pavé de Queensway près de Bayswate à Londres, après une chute de 80 pieds. Elle vivait à Bayswate depuis 1939 avec son père et se rendait quotidiennement à son atelier tout près de là. Elle avait révélé à son père qu'elle allait fonder "une nouvelle race d'immortels" et puis ... la mort.
Ce destin brisé, avait passionné, à l'époque, la presse britannique et plus de 60 ans après David Bosc nous propose une reconstitution de cette vie trop courte à travers un journal apocryphe. La plume de l'écrivain se glisse dans celle de la jeune femme et tente de reconstituer des fragments d'existence à travers les évocations successives et discontinues. On se laisse prendre par la langue de Bosc qui parvient à faire revivre Sonia et ses obsessions à travers une écriture qui conjugue lyrisme et profondeur. La jeune femme évoque la vie affective de son père, la langue des animaux, la mort de sa mère, les rêves - qui la passionnent - son rapport à la création et à l'amour. Le journal se présente avec ses imperfections, des passages rayés ou illisibles, des pages arrachées. Le texte de Bosc est si réaliste que le lecteur a parfois l'impression de lire ce journal à la dérobée. Le personnage complexe de Sonia ne s'éclaire pas vraiment, au contraire ce journal, l'écriture la rend plus ombreuse et insaisissable. En revanche - et c'est sans doute la force de cette approche littéraire - Bosc nous permet de saisir toute la difficulté de dire, à travers les mots, le travail artistique, L'évocation des pulsions qui habitent la jeune femme et qui l'ont peut-être conduite à mettre fin à ses jours est, à ce titre, très réussie. Ce "Mourir et puis sauter de son cheval" est une vraie réussite.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)