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Solaire et musicale, Mylena est de l'étoffe féerique dont son amant rêve d'habiller le français.
Détaché de son ancienne vie, chargé de son vélo et de ses écrits, ce dernier prend le train un matin et traverse les brumes, de Paris jusqu'à Heidelberg, où l'attend Mylena.
Là, dans un chalet perché au cour des bois, le narrateur réinvente sa vie. À travers monts et forêts, il pédale tout le jour, puis rejoint la jeune femme dans son nid d'aigle, mais les nuits souvent le ramènent au souvenir de ses vingt ans, quand il quitta la banlieue de béton de son enfance pour les classes de lettres supérieures.
L'histoire intense de ce nouvel amour alterne avec les réminiscences des heures terribles vécues dans ces classes d'élite, quand, enfui de la cité des mauvais parlers, le narrateur vit la promesse de haute langue française céder la place à l'apprentissage de langues maléfiques.
Au fond de ces mêmes vallées boisées du Neckar s'est retiré un ancien camarade de classe, auprès de qui le narrateur découvrira le secret de ces sortilèges subis à vingt ans.
Dans Cavalier noir se mêlent l'amour d'une femme et l'amour de la langue.
L'écriture singulière et sensuelle de Philippe Bordas ouvre à la traversée envoûtante des forêts et des paysages encore pleins de l'empreinte des poètes romantiques allemands.
Chevauchée fantastique...
Ses derniers vinyles de Monk lâchés dans une brocante, un homme abandonne tout et fuit la morosité parisienne pour y rejoindre les frissons volcaniques d'une jeune femme, de l'autre coté du Rhin.
Il ne reste que lui, son vélo comme seconde peau, son amour des mots scotché au bitume de sa jeunesse et le spectre flamboyant, apaisant de Myléna qui se dessine en ligne de mire dans cette petite cabane nichée dans la forêt allemande.
C'est l'histoire d'un exil et d'un amour fou qui fait ressurgir les souvenirs d'un gamin de sarcelles arraché à sa gouille bétonnée et au vélo par un désir de "mots pleins" puis déçu par la doxa cadenassée des salles feutrées des prépas lettrées de la république.
C'est une histoire de brumes que l'on traverse, celles d'un passé qui remonte à la surface, comme celles d'un matin vibrant de poésie et d'un langage que l'on dessine à deux.
On y effleure les paysages du sensible et les souvenirs contrastés d'une jeunesse, les mains rivées sur le guidon d'un éternel saltimbanque cherchant l'équilibre sur les routes sinuées de traverses.
Ce "Cavalier Noir" regorge d'élégance et de sensualité à tous les braquets, la langue y vibre de ses ondulations, elle y voltige de nuances et de virtuosité, de couleurs comme de musicalité.
De ce récit sublime sur les rives charnelles de l'intime et de la langue française, il nous reste le panache et la grâce d'une plume et ce refuge vibrant de désir et de liberté.
Philippe Bordas pose les mots comme il pédale avec la flamboyance d'un lyrisme déconcertant de beauté, affranchit des mélanges qui le constituent, délesté des freins qui le hantent.
C'est un écrivain de bordures, de celles qui font frissonner la langue comme le macadam et les sens de l'existence, au-delà des carcans enserrant.
Dans cette quête sillonnée de fantômes et de clins d'œil, l'amour s'y conjugue à celui des mots. Le suivre, le temps d'une lecture comme dans l'expression du grain mat d'une photo, reste un moment rare et toujours précieux.
Un exercice de haute voltige, que l'on déguste lentement comme un bout de lune écorchée que l'on irait décrocher à deux roues, les yeux gonflés de ces entre-deux qui nous traversent.