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Depuis toujours les écrivains comme les artistes se sont trouvés confrontés à des situations ou à des
événements qui par leur gravité, par leur intensité ou par leur caractère insupportable, posent la question des pouvoirs et des limites de la littérature. Ces événements sont d'ordre naturel (Pline et l'éruption du Vésuve, Voltaire et le tremblement de terre de Lisbonne…) ou humain (les épidémies, les guerres, les massacres et les génocides, où le 20ème siècle s'illustre particulièrement) ; ils sont collectifs (la Shoah) ou singuliers (les assassinats de Socrate, de Giordano Bruno et peut-être demain de l'iranienne Sakineh), et tous à la fois semblent imposer leur nécessité à l'artiste (on songe à Guernica) et à l'écrivain, et à la fois les questionnent sur cette nécessité et sur leur capacité de traduire ce qui relève de l'horreur absolue, c'est à dire de l'indicible : devant une telle horreur, faut-il se taire ou en témoigner, et certainement certains se sont tus ou se taisent sans laisser de trace ? Et cette horreur, comment la dire ? Que peut la littérature, et que peut-elle de mieux le cas échéant que d'autres formes d'information, comme le journalisme, la parole politique ou religieuse, ou le discours académique ? L'histoire récente n'est pas la moins fertile en horreurs de tous genres, naturelles et humaines : le tremblement de terre en Haïti, les inondations du Pakistan, le génocide rwandais, les attentats du 11 septembre, et tant d'autres, demain la lapidation promise de Sakineh, etc.
Riveneuve Continents propose aux écrivains de reprendre cette interrogation sur la légitimité de la littérature, sous l‘angle général de la confrontation entre l'auteur et l'indicible, comme expérience des limites.
Un petit complément d'information
La revue française "Riveneuve Continents" a consacré un numéro spécial à Haïti. Publié aux éditions Riveneuve, "Haïti, le désastre et les rêves" est sorti fin mai en France. Dans le texte de présentation reproduit ci-dessous, les deux coordonateurs de la revue, le critique Alain Sancerni et l'écrivain Lyonel Trouillot, ont expliqué les motifs de cette parution.
"Haïti pose problème. Impensable au moment de sa naissance qui confronte les Lumières à leurs propres limites. Modernité de fait du seul Etat criant victoire sur le système colonial esclavagiste, s'inscrivant d'entrée dans le débordement, la marge. Quel est le poids de cette solitude native sur le langage, l'organisation sociale ? Avec quels mots dire soi et l'autre quand nul ne vous accorde le statut de "prochain" ? A quels doutes, impasses, chemins et cohérences conduisent cette solitude native et son prolongement dans la durée ?
"L'Histoire donc. Celle, sociale et politique, des structures et des pratiques. Celle, formelle, des arts en général et de la littérature en particulier qui demeure le lieu où ça parle et ne parle pas, où se dit l'indicible, où l'impensé se pense enfin avec la force et la faiblesse du trope, du mythe, de l'inconscient entre le je et le collectif.
"Récemment - le 12 janvier 2010 -, le tremblement de terre est venu renouveler l'aventure épisodique du désastre naturel, mais rappeler aussi la part de l'homme dans le malheur dont la nature est l'occasion, et par contrecoup que l'homme tout seul est aussi capable de plus grands désastres encore et d'une horreur à en couper les langues. La littérature du monde est pleine de ce partage entre bruit et silence : à partir d'Haïti, et autour, Riveneuve Continents a proposé aux écrivains de reprendre et de continuer cette élucidation sur la légitimité de la littérature, sous l‘angle de la confrontation entre l'auteur et l'indicible, comme expérience des limites.
source : Haiti Press Network