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Les sciences sociales ont peu à peu constitué la sexualité comme champ de recherches légitime, sans toutefois s'interroger suffisamment sur les outils et les méthodes dont disposent les chercheurs pour en faire l'histoire ou la sociologie aujourd'hui. Dans ces conditions, penser l'homosexualité requiert un sérieux retour critique sur les discours et les représentations. Dans la perspective d'un comparatisme européen, Florence Tamagne montre le difficile accès des historiens à la réalité des pratiques : discours littéraire déformant, stéréotypes participant du mythe du complot, sources judiciaires développant un discours omniscient sur des pratiques présumées déviantes.
David Halperin pose, dans son article programmatique, les jalons d'une généalogie de l'homosexualité masculine en identifiant les discours (profanes et
scientifiques) et les typologies (sexuelles et de genre) qui l'ont historiquement constituée. Une micro-histoire de la bisexualité par Cyril Olivier montre comment les mœurs et la fluidité des pratiques bisexuelles d'une commerçante de
Poitiers, sous le régime de Vichy, se heurtent à la rigidité des catégories judiciaires.
George Chauncey nous offre une vision inattendue de l'après Stonewall en interrogeant l'idée quasi
téléologique d'une émancipation des gays, passés du placard à la lumière, révélant ainsi le lien complexe qui unit les identités individuelles aux revendications collectives. Enfin, un entretien avec Eric Fassin interroge l'articulation entre genre et sexualité dans la recherche, et examine les outils offerts
par l'héritage foucaldien, les études féministes et les gay and lesbian studies en France et aux Etats-Unis.
En proposant plusieurs travaux d'orientation constructionniste, ce dossier explore donc la complexité des liens entre sentiment de soi et normes sociales, entre assignation de genre et identités sexuelles.