Le travail et la culture sont-ils deux mondes séparés ? Un temps pour travailler, un temps pour se cultiver ? A rebours de cette tendance qui asservit le travail à la seule exigence de rentabilité et réduit la culture au divertissement, ce numéro met en lumière les créations qui prennent leur source dans le quotidien des salariés et dans le contenu leur rencontre avec les auteurs et les artistes. D'un côté la culture, de l'autre le travail ? Comme si le travail était un désert en terme de création et la culture un oasis débarrassé des contingences du quotidien de millions de salariés.
Cette vision pauvre et simplificatrice est de plus en plus démentie par le désir conjoint de créateurs et de salariés de briser les murs qui les assignent pour les premiers au divertissement, pour les seconds à la rentabilité. Des auteurs de romans comme Mayliss de Kérangal (Naissance d'un pont) placent le travail au centre de leur écrits, des salariés jouent leur propre rôle dans des pièces de théâtre (Samsonite, les ex-Fralib), des créateurs interviennent dans des sites industriels, des livres mettent en valeur des récits de travail, des comités d'entreprises engagent des rencontres avec des cinéastes, des écrivains et des plasticiens.
Quel nouveau paysage culturel dessine cette variété d'expressions et de rencontres ? Ce numéro des Cahiers de l'Atelier fait l'état des lieux des principales évolutions en cours dans ce domaine. Il révèle une aspiration croissante à décloisonner les mondes et à croiser les savoirs pour mettre en valeur la création des uns et des autres : la culture que révèle le travail, la valeur symbolique d'une lutte pour éviter des suppressions d'emploi, l'énergie engagée pour concevoir une oeuvre, l'apport du temps pris pour lire et partager des lectures etc.
Ce ne sont plus deux mondes, celui du travail et de la culture, qui se rencontrent comme s'ils étaient étrangers l'un à l'autre mais des créations qui dialoguent.