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Toujours en cheminement ("comme frères mineurs vont leur chemin faisant") vers un insaisissable point, "éternel tiers" ou "ici-loin" , Beckett ne cesse de nous prévenir, comme Pascal en son temps, de deux erreurs fatales : "1 prendre tout littéralement. 2 prendre tout spirituellement" . En acceptant l'inconnaissable, l'écrivain a su convertir l'esprit trivial irlandais - cette lande ironique, quoique parfois mystique - en chair spirituelle, en langue (a-)visuelle.
Le travail beckettien - pas seulement textuel, lorsqu'il est théâtral, radiophonique, télévisuel... - oeuvre à la "transsubstantiation" de la matière en lumière, relie le concret à l'abstrait, bien que la lumière puisse encore être de l'ordre du phénomène, en tant que vestige d'un big-bang esthétique inédit. Pour Beckett, face à la mise en doute de "l'être-là" comme de "l'au-delà" , l'auteur a préféré employer la notion d' "autre-là" .
Car "il n'y a rien ailleurs" , tout est dans "l'autre-là" d'un passage luminescent, d'une trace, d'un mirage, ou d'une réelle lucidité. La solution paradoxale d'un réalisme mystique, d'une spiritualité sans dieu, sans religion, sans évidences, ouvre au "dépaysement" , à la glissade - ou à l'élan - "vers l'inconnu en soi" , ce "hors-sujet" indiscernable, encore une fois cet "autre-là" , à la fourche des voies.