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« La corvée de bois était le nom donné aux exécutions sommaires. On emmenait en pleine campagne un groupe de prisonniers ou de simples suspects pour effectuer une corvée de bois, et là, on faisait mine de leur rendre leur liberté et on les abattait comme des lapins. Et comme on ne pouvait pas obliger les appelés à commettre des assassinats, Rolles choisissait parmi eux des volontaires. Il arrivait souvent que ceux-là se rétractent au dernier moment.
» Jacques est un jeune appelé du 35e régiment, un de ces hommes envoyés en Algérie dans les années 1959-1960 pour accompagner la transition après les années de guerre, se faire les dents et devenir des hommes, leur dit-on. Il laisse derrière lui son père, et surtout celle qu'il aime, Jeanne, qui reste tout près, en pensée, tout au long de son exil. Là-bas, en Algérie, Jacques retrouve son ami d'enfance, François, un jeune officier plein d'assurance, qui viendra, juste après la proclamation de l'indépendance, rappeler lors d'une cérémonie officielle le sens de l'engagement militaire et les valeurs patriotiques, comme pour mieux organiser l'occultation de l'horreur qui vient de se dérouler.
Jacques ne reconnaît plus son ami, devenu un étranger pour lui. Que fera-t-il de son sentiment de trahison ? Marie-Aimée Lebreton, après Cent sept ans (Prix Alain-Fournier), revient une fois encore sur la guerre d'Algérie, explorant cette fois le sort de ces jeunes Français engagés dans un conflit qui leur est étranger. Une ouvre lumineuse qui emprunte au conte.
Jacques et la corvée de bois
Qu’il est beau ce texte, ces courts chapitres qui s’enroulent comme un chapelet de sensibilité, d’émotions et de silences. Ces courts chapitre qui écrivent une histoire en filigrane, pleine de retenue. Une histoire terrible qui se passe d’effets pour montrer les drames et l’hypocrisie, les blessures de la guerre.
Une histoire marquée par les ombres fuligineuses du colonialisme, les souvenirs heureux de la jeunesse et les vertus soi-disant émancipatrices de l’engagement militaire.
L’écriture au plus vif, scalpel qui ouvre à nos yeux un vivier de mots glissés là, dans l’interstice des portes de la bibliothèque du monde. Une mélodie de l’indicible, une petite musique qui continue de planer encore après avoir refermé le livre.
De cette guerre d’Algérie finissante, Marie-Aimée Lebreton signe un roman d’une sublime pudeur et d’une profonde poésie.