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En dépit de la nourriture infâme que ses parents lui impose et qu'il rejette, Elie Elian s'attarde à l'arrière du restaurant qui vient de s'ouvrir dans leur quartier. Les gestes qu'il observe et les effluves qu'il inhale sont une révélation. La découverte des saveurs d'une tarte aux fraises offerte par une voisine achève de le décider : il sera cuisinier. Dans un premier temps, il offrira son inventivité aux oiseaux et aux errants avant d'oser proposer ses services dans divers établissements.
Là, tout en récurant verres et casseroles, il ne cessera d'étudier et d'apprendre avec les yeux. Mais à force de casser la vaisselle, Elie est renvoyé à la rue, où il côtoie alors des individus louches, prêts à tout pour s'en mettre plein la panse et qui tenteront de lui enseigner les principes de la grivèlerie. Sa première tentative dans un restaurant modeste lui vaudra la rencontre de sa vie : Jeanne Maudor, veuve d'un chef de qualité mort à la tâche, lui permettra de mettre en pratique ses recettes les plus folles tout en l'initiant à l'amour, la sensualité.
Chassé une fois de plus, il renoue avec la vraie faim, jusqu'au jour où, au coeur d'un Paris en révolution et en émeutes, il aboutira sur le seuil du restaurant Le Trapèze, dirigé par le couple Jaland...
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE CHRONIQUE
Voilà un de ces romans qu’on commence dans l’allégresse et qu’on abandonne avec regret, un de ces romans plein de saveurs, de parfums et de sensualité. « Un dangereux plaisir » est le roman d’une quête obsessionnelle, celle d’Elie Elian, un jeune garçon qui n’est guère inspiré par ce que ses parents lui proposent à manger. En revanche il passe des heures à observer la vie du restaurant qui se trouve en face de chez lui : « ces mains hachant menu à toute allure, saupoudrant des épices en ondes mesurées, arrosant une pièce de volailles en trois cuillerées, coupant la peau d’une dorade royale de deux traits, séparant le jaune d’un blanc d’un coup sec, escamotant la coquille… » Un véritable spectacle qui n’en finit jamais et que l’écrivain décrit avec une finesse et un soin du détail qui replace chaque geste dans le mouvement général d’une cuisine de restaurant.
Le jeune Elian va consacrer toute sa vie à la cuisine, au point d’en oublier tout ce qui fait le reste d’une existence. La cuisine, juste la cuisine, rien que la cuisine. Il va aiguiser son savoir et ses aptitudes de place en place, apprenant en silence. Mais comme il casse un peu trop de vaisselle il finit par se retrouver à la rue où il fréquentera toute une faune de mauvais garçons qui lui apprendront la grivèlerie. Mais son aventure ne va pas s’arrêter là et Elie va rapidement rebondir dans le restaurant de Jeanne Maudor qui lui ouvrira sa cuisine et son cœur, préparant les étapes futures de l’inexorable quête du jeune cuisinier.
François Vallejo nous offre un magnifique récit immergé dans le monde de la cuisine, qui fonctionne comme le symbole de la permanence et qui est assurée par des hommes qui voient leur vie dévorer par leur passion. Ce que va comprendre Elie dans son enfance, il va le mettre en pratique dans sa vie mais, en vérité, les enjeux profonds lui échappent. La métaphore de la cuisine résonne comme un coup de feu qui durerait une existence entière. « Un dangereux plaisir » est un texte somptueux et tendu qui tente de saisir ce geste aristocratique qui nourrit les hommes. A ne manquer sous aucun prétexte.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)