Découvert avec "Blue Jay Way", je poursuis ma route en compagnie de cet auteur.
Si la lecture de son précédent roman m'avait laissé comme un goût d'inachevé tant le tempo de la narration était lent, dans ce dernier roman, au contraire, j'ai été emportée par le rythme.
En effet, l'action en elle-même se déroule sur une poignée de minutes, le temps de commettre un carnage. Mais aussi le temps, pour les trois principaux protagonistes, de raconter leur histoire, et ce qui les lie.
D'incessants flash-back rythment le récit, nous emmenant de l'archipel des Keys en Floride jusqu'au
désert du Nevada.
Mais il est également question de secte dans ce roman, et des dommages collatéraux perpétrés sur les enfants qui ont grandi en son sein. L'auteur en a une vision bien noire.....
C'est également le roman de ces adultes qui ont cru en une autre spiritualité possible, acceptant aveuglément de suivre des préceptes.
Sans oublier le père de l'homme au casque qui se réfugie dans l'alcool et la nourriture. Mais qui ira tout de même jusqu'au bout avec son fils.
C'est, enfin, l'histoire d'une femme qui a su tirer les ficelles et ne jamais être inquiétée pour ses crimes. Non, tout ne se finit pas bien au pays de Mickey. Je m'étonne d'ailleurs que l'homme au casque n'ait pas cherché à lui faire la peau en premier, preuve de l'aveuglement de sa haine.
L'image que je retiendrai :
Celle de l'errance de l'homme au casque qui, sur sa moto, traverse les Etats-Unis de la Floride au Nevada sans voir la route.
Ta mort sera la mienne - Fabrice Colin
"La visière de son casque est baissée et il n’y a plus en lui la moindre place pour le doute. Son casque : noir. Sa combinaison : noire. Son coeur ?" Il y a des romans, comme cela, où vous sentez dès le premier paragraphe qu’ils vont vraiment vous plaire. Vous en jubilez même à l’avance de les lire...
Fabrice Colin, écrivain français touche à tout est très talentueux, signe avec "Ta mort sera la mienne" son deuxième roman policier aux éditions Sonatine. Espérons qu’il ne s’arrêtera pas en si bon chemin dans le genre car son livre est vraiment très bien ficelé et prenant à souhait. On est plus ici dans la veine des polars littéraires, à la Ellory par exemple. L’action et le suspense à outrance, sur lesquels reposent un grand nombre de torchons qui n’ont de noir que le nom, sont vraiment mis au second plan au profit de la compréhension de ce qui se déroule sous nos yeux. Pour ce faire, Fabrice Colin fouille le passé de ses trois protagonistes qui racontent l’histoire pour tenter de rendre intelligible la fusillade du tueur. Ce faisant, il plonge le lecteur dans l’univers des sectes et met en lumière la façon dont ces dernières manipulent et détruisent les esprits. Tout cela est passionnant.
Last but not least : l’écriture n’est pas en reste. La plume de Fabrice Colin, magnifique et éminemment littéraire, creuse à merveille les aspérités des personnages, leurs doutes et leurs failles. Ces derniers s’expriment tour à tour selon un mode d’expression différent : le "il" pour Karen, le "tu" pour Troy et le "je" pour Donald. Les chapitres s’enchaînent comme cela. Cette construction du récit est exemplaire et très habile (notamment l’utilisation de la deuxième personne du singulier qui force le lecteur à incarner littéralement le tueur : le procédé n’est pas nouveau mais se révèle terriblement efficace) même si elle s’avère au final un peu trop bien huilée : une œuvre d’art doit aussi savoir nous transporter sans que l’on remarque toutes les coutures qui ont servi à son élaboration...