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La philosophe Elsa Dorlin fait le point sur un néologisme aujourd'hui au centre des polémiques. Sous le mot intersectionnalité, souvent employé à tort et à travers, que ce soit comme slogan-fétiche, épouvantail ou anathème, il y a un concept à élucider. Proposée à la fin des années 1980 par la juriste africaine-américaine Kimberlé W. Crenshaw, la notion d'intersectionnalité rend compte de l'entrecroisement des discriminations.
Ainsi, les violences institutionnelles, sociales, culturelles ou symboliques subies par les femmes racisées ne sont ni purement racistes, ni purement sexistes : elles se déploient à l'intersection des deux. Tant qu'on ne fait pas le lien, tant qu'on les pose comme des catégories séparées, c'est ce vécu même qui est rendu invisible. Plus largement, la notion d'intersectionnalité renvoie à une bibliothèque de pensées, à tout un arsenal d'outils critiques.
Elle apparaît comme un nouveau concept pour un vieux problème diversement problématisé par nombre de courants du féminisme noir héritier de la théorie marxiste et décoloniale. Comment penser la mécanique de la domination ? En quoi la façon dont on la définit, l'appréhende, l'alimente ou la combat dépend-elle de sa position comme de son expérience vécue au sein des multiples rapports qui la tissent ? Elsa Dorlin revient sur les sources de ce concept, en explicite le sens, les usages, mais en pointe aussi les limites et les apories en le resituant dans une histoire plus vaste de la pensée critique, en lien avec la politisation de la violence, les débats sur l'identité, discutant le privilège blanc et les processus d'ignorance ou de déni, de monopole de la parole et de la vérité pour proposer in fine une approche originale en termes de phénoménologie de la domination.
Elle offre ainsi une introduction claire, une réponse informée et efficace en même temps qu'une réflexion novatrice sur ce concept clé de la pensée politique contemporaine.