Après nous avoir successivement transportés à l’époque du Déluge et sur le chantier de la Tour de Babel avec « Paradis perdus » et « La porte du ciel », Eric-Emmanuel poursuit sa « Traversée des Temps » avec le troisième tome de la série qui en comptera huit.
Rendus immortels par la foudre il y a quelque huit mille ans, Noam, la femme qu’il aime Noura, mais aussi son demi-frère et adversaire Derek, ont conservé l’apparence physique de leur jeunesse. Eux qui ont vu passer tant de générations ont connu autant d’existences successives, et, parfois séparés, ont alors
vécu des amours mortelles et connu le bonheur d’enfanter. C’est ainsi que Noam retrouve Noura mariée au Suédois Sven et mère de la jeune Britta Thoresen présentant de fortes similitudes avec une célèbre militante écologiste scandinave. Victime d’une tentative d’assassinat, l’adolescente est confiée par Noura, Sven et Noam aux bons soins des Eternity Labs californiens, pendant que, poursuivant la rédaction de ses mémoires, Noam revient sur une tranche de vie entrant étrangement en résonance avec son existence actuelle, située dans notre futur proche : celle qui l’a mené, en 1650 avant notre ère, dans l’Egypte des pharaons.
Car, des rites de la mort en Egypte antique, entre momification des corps et pérennité des pyramides, au transhumanisme moderne de la Silicon Valley, s’affirment le même refus du trépas et la même quête obsessionnelle de survie. Après avoir cherché l’éternité au travers de la religion, l’homme utilise aujourd’hui la science pour accroître toujours plus sa longévité. C’est dans cette mise en perspective que Noam raconte la civilisation de l’Egypte antique, peuplant ses tableaux plein de vie, rehaussés de passionnantes et érudites annotations, de personnages crédibles et attachants, et partageant avec intelligence ses réflexions sur l’immortalité, graal de toujours à l’origine de nos plus puissants mythes et croyances, en particulier religieux, mais aussi cadeau empoisonné quand l’éternité use les corps et pas l’amour, et qu’elle vous ensevelit sans fin sous le poids du deuil et de la perte.
Une nouvelle fois, Eric-Emmanuel Schmitt nous enchante de son talent de conteur si naturellement augmenté de l’érudition et de la pertinence de ses analyses et observations. Et c’est subjugué par sa narration, qu’après les précédents tomes centrés sur Noé, puis sur Nemrod et Abraham, on l’accompagne cette fois dans l’Exode, sur les pas de Moïse, pour la suite de sa démystification des récits bibliques et de la fondation de la civilisation judéo-chrétienne. Coup de coeur.
Un mélange de la littérature aux questions fondamentales d'aujourd'hui
Eric-Emmanuel Schmitt, conteur passionnant, nous emporte au cœur d'une civilisation palpitante, qui voit naître l'écriture, apprivoise la mort, s'interroge sur l'existence après la vie.
On retrouve Noam à Memphis, première capitale égyptienne, à l'époque des pharaons, où il se retrouve témoin et acteur de la vie en Égypte antique. Au cœur du désert, dans un pays florissant le lecteur, happé, va naviguer entre l'histoire de cet homme immortel, son amour inaltérable pour Noura et les différents métiers qu'il va exercer en nous permettant ainsi de plonger dans cette culture fascinante.
Ce troisième tome nous offre un récit hypnotique et excitant. Il contient absolument tous les ingrédients pour offrir au lecteur un intense plaisir de lecture.