Science et Politique relèvent de genres différents. Tout, en effet, semble les opposer : vérités recherchées, fins poursuivies, méthodes utilisées... A l'évidence les situations. rencontrées, les domaines explorés ne sont pas les mêmes, ni davantage les risques encourus. Il s'agit là d'une altérité dûment constatée, d'une altérité de fait, mais qui se double aussi, sur un plan théorique, d'une distance prescrite, axiologique, d'une opposition de droit, qu'on ne se lasse jamais de rappeler. Science et Politique, qui déjà différaient par ce qu'elles sont objectivement supposées être, se démarquent peut-être davantage encore par la vertu de l'idéal ségrégationniste qui leur est subjectivement assigné. Mais l'ajout d'une barrière supplémentaire, en quelque sorte morale ou juridique, n'est bon qu'à faire naître un sentiment d'étrangeté et de défiance. A quoi servirait de dresser palissades et miradors entre une Science et une Politique qu'une frontière naturelle isolerait déjà ? Pourquoi le mystère dédoublé d'un être en quelque sorte prescrit, qui serait aussi bien une manière de devoir-être constaté ? Soit donc le péril d'une confusion qui peut s'établir à tout moment entre Science et Politique, l'espace qui les sépare pouvant aussi bien être aboli par accident, à l'étourdie, qu'anéanti par un permanent désir adultère de liaisons dangereuses. A la prose ordinaire d'une liaison née dans le feu d'une action sans pensée s'ajoute en effet la poésie maudite d'une liaison favorisée par une volonté durable de transgression. Science et Politique seraient comme deux aimants que l'on aimerait repoussés par leur dangereuse attirance mutuelle, mais qui se seraient affranchis de la légalité physicienne.