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Allison Michel alias Allilalu a débuté sa collection de vieilles dames juste après la mort de sa grand-mère. Elle s'est mise à les observer dans la rue, guettait en elles, dans leur forme voûtée et leur démarche incertaine, la silhouette de celle qu'elle avait perdue. Fantôme chéri, évaporé du tangible, elle fantasmait son retour dans chaque femme ronde, lente et chenue. Parfois, le miracle opérait un bref instant.
Pendant quelques secondes, son esprit était trompé. Puis l'illusion s'évaporait et révélait la douloureuse méprise. A partir des photographies qu'elle a rassemblées, elle a sélectionné une vingtaine de spécimens pour sa collection et en a fait des aquarelles, à la manière d'une botaniste amoureuse de plantes exotiques et rares. Elle souhaitait que les autres voient ce qu'elle avait vu, amener de nouveaux visiteurs dans ce jardin d'automne, délicat et fragile.
Ces dessins ont rencontré une curieuse résonance chez ceux qui les découvraient. Ils semblaient réveiller des souvenirs enfouis, suscitaient des confidences. Des proches se mirent à lui raconter des histoires de famille. Ils lui parlaient de leur grand-mère, de la façon dont elle les avait construits, impressionnés, inspirés ; la manière dont elles avaient aussi pu transgresser l'image de respectabilité qu'on associe si souvent aux vieilles dames.
Les ombres de la rue prenaient vie, une histoire s'attachait à leurs pas menus et prudents, elles s'incarnaient soudain dans des existences tangibles. Sa collection s'est élargie : les êtres de papier ont été rejoints par des êtres de parole. Elle a découvert des femmes qui, toutes à leur façon, résistaient au moule de la vieillesse dans lequel on cherchait à les enfermer, uniformément. Les aquarelles et les histoires sont deux facettes d'un même sujet.
Ils peuvent exister indépendamment les uns des autres mais, associés, ils s'entremêlent, se croisent et se répondent en une étrange harmonie. Peut-être retrouverez-vous un peu de votre grand-mère dans le détail d'une silhouette dessinée, dans une attitude ou un fragment des récits recueillis. Peut-être, ce livre suscitera-t-il des vocations d'apprentis botanistes qui donneront à ces vieilles dames l'attention que trop longtemps nous leur avons refusée.
Collection de vieilles dames
Peut-être plus triste que les aquarelles auxquelles Allilalu nous avait habitués, ce recueil de textes et d'illustrations est malgré tout émaillé de tendresse, bel hommage à nos grands-mères. L'autrice se glisse dans la peau de plusieurs petits-enfants et croque par ailleurs de vieilles dames vues ici et là, mêlant mots et images pour mieux mettre en avant nos aïeules (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/03/23/mamies-blues-allilalu/)