L'accession au pouvoir de Hitler coïncide pour Ludwig Harig avec son entrée à l'école : il a six ans en 1933. Quatre ans plus tard, il commence dans le Deutsches Jungvolk son apprentissage de petit nazi. Tambour dans les Jeunesses hitlériennes, il subira toutes les étapes de l'endoctrinement ordinaire d'un enfant allemand sous le Troisième Reich, jusqu'à ce que la catastrophe finale lui ouvre enfin les yeux. Aujourd'hui, l'écrivain Harig interroge à la fois sa mémoire et les archives pour essayer de comprendre. Avec un soin méticuleux, il reconstitue l'arrière-plan culturel et la vie quotidienne d'une famille de la petite-bourgeoisie sarroise : on voit les vieilles notions prussiennes d'ordre et de zèle peu à peu détournées et la nouvelle idéologie imprégner l'univers d'un garçon imaginatif et fasciné par les mots. "Je ne puis rien abolir de ce qui a été", conclut l'auteur. Mais son livre n'est ni un plaidoyer pro domo ni un simple document. Jouant à la fois sur la proximité et sur la distance, sur la précision de l'écriture et l'ironie du regard, il combine la restitution du point de vue, des sentiments et des sensations de l'enfance avec son regard critique actuel, et joue de toutes les ressources de l'imagination pour se confronter au réel. Le résultat est terrible et fascinant : jamais on n'avait analysé avec autant de lucidité la corruption idéologique d'un enfant.