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Emouvant
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XXIe siècle
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Alice
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Louise
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alccolisme
C’est l’histoire d’une alcoolique (Alice) qui a une petite sœur (Louise). Il y a un peu plus de 10 ans d’écart entre les deux. Il y a aussi les parents (Marie et Roger) et le fils d’Alice (Jean). C’est l’histoire d’une famille qui fait semblant : semblant de savoir ce qui arrive à Alice et semblant de ne rien y faire, de ne rien en penser, semblant de vivre comme si de rien était… et qui du coup vit de façon étouffée, silencieuse, mensongère.
Louise en première ligne qui nous livre sa vie, son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte, de femme et de mère, en
passant par toutes les difficultés physiques et psychologiques qu’elle a traversées. Julie Gouazé en fait peut-être (sûrement) un peu trop dans le pathos vis-à-vis de Louise, surtout de son « passé » d’adolescente en pseudo-rébellion. Elle n’était pas obligée de passer, à 20 ans, dans les mains d’un quadra violent, par exemple. Pour le reste, la partition de Julie sonne plutôt juste quand elle parle de la relation de Louise avec sa sœur ou avec ses parents, à la fois très fortes et très castratrices. Les parents font passer le manque d’appétit pour un manque d’amour, sont contrits d’avoir abandonné Louise en cours de route pour essayer de sauver Alice alors qu’au contraire ils ont enfermé, surprotégé, bâillonné Louise jusqu’à l’écœurement, jusqu’à l’étouffement.
Mais Louise n’est pas dans la détestation ni dans la culpabilisation. Elle est dans la tristesse. Celle de ne pas savoir quoi faire pour aider/sauver et sa sœur et ses parents. Et elle-même « accessoirement ». Elle est face à une situation qui semble lui échapper comme lui échappe sa vie, face à une situation gâchée comme Alice lui gâche involontairement son début de vie d’adulte, face à un futur privé d’espoir comme le présent la prive de sa vie, de sa jeunesse, d’une certaine insouciance.
« Un jour, on grandit. Un jour, on vieillit. On se fabrique des strates de souvenirs. On met de côté. On accumule de nouvelles images sur les cicatrices. On se sent fort de quelque chose que l’on efface. Restent des évènements qui ont façonné une vie. Des vies. Savoir exister avec. Apprendre. Chasser les fantômes. Déposer son âme au soleil.
Car jamais on n’oublie totalement. La mémoire est vivante et fait ressortir parfois, au détour d’un regard, des images enfouies. Le corps est une carte du passé en même temps qu’un appel à demain. »
Louise extériorisera tout ce qui l’a étouffé, tout ce qu’elle a gardé à l’intérieur d’elle, à son corps défendant (de façon assez littérale d’ailleurs), à travers ce corps qui aura du mal à enfanter, qui souffrira physiquement avant de lui accorder un répit en forme de paix, de trêve plutôt parce qu’on sent que Louise reste sur la brèche.
« Louise » est un premier roman, inégal, avec ses maladresses, ses moments forts, ses moments poétiques aussi. Ni très bon ni très mauvais, ni indispensable ni inutile, loin de là, je ne parviens décidément pas à trouver où placer mon curseur... Julie Gouazé trempe sa plume alternativement dans l’acier parfois un peu lourd et dans le coton parfois un peu léger mais elle a indéniablement quelque chose à nous dire.
Un premier roman prometteur
« Juin 1995. Lyon. Dans quelques semaines, Louise aura dix-huit ans. Ce week-end est le dernier avant l’épreuve de philo. Son amoureux s’appelle Marc. Louise a des parents, Marie et Roger, et une sœur. ». Une vie normale dans un monde normal, le monde d’avant. D’avant que sa sœur Alice ne parte en Allemagne puis sombre dans l’alcool, que son père aille la repêcher elle et son fils Jean. Oui, ils avaient formé une famille unie, aimante. Maintenant, Louise doit faire avec. D’ailleurs, sa mère le lui avoue « ils ont laissé Louise sur le bord de la route pour tenter de rattraper Alice. Un jour ils reviendront la chercher. Promis. » En attendant, il faut naviguer entre son idole alcoolique, ses parents qui l’étouffent à force de l’aimer mal. Comment continuer à aimer dans ces conditions.
Louise se sent coupable, un sentiment très fort chez elle. Tout comme la honte de cette sœur insortable et la honte de sa honte. « La honte, c’est d’avoir honte de quelqu’un qu’on adore, de vouloir le cacher. La honte c’est de baisser les yeux de rage et de colère rentrées. Louise a honte d’Alice. Louise aime Alice ». Cela fait beaucoup trop de choses sur les épaules de cette jeune fille. Elle garde ses colères rentrées, elle en arrive à mentir, à se taire pour ne pas donner prise. Mais jusqu’à quand ? Louise se tait, enferme tout au fond de son âme, mais son corps lui réagit, elle devient asthmatique.
Louise, le petit soleil, celle que l’on croit, ou veut croire, solide comme un roc, n’est que peur, hypersensibilité. Elle se frottera toute seule à la vie et à ses épines et apprendra, à ses dépens, à dire non. Pourtant, elle gardera toujours intacte cette petite étincelle d’envie de vivre. Un jour, Alice est revenue, elle est sortie du long tunnel d’alcool. « Comment faire maintenant pour retrouver la vie ? Le rire ? Pour que la musique joyeuse ressurgisse ? Que les corps se détendent et que les rides s’estompent ? » A elles de trouver, d’apprivoiser de nouveau la vie, de réconcilier la tête et le corps.