Si Maxime Chattam s'est récemment illustré avec Autre-Monde, une saga jeunesse fantastique, c'est en nous proposant Léviatemps qu'il renoue avec ses premières amours, le thriller, dont l'intrigue se déroule au tout début du siècle dernier, durant l'Exposition Universelle. On y suit Guy de Timée, un écrivain en fuite qui a trouvé refuge dans une maison close, où il cherche l'inspiration pour un nouveau roman. Issu de la bourgeoisie, il fuit une vie qui ne lui convient plus - lui a-t-elle jamais convenu, en réalité ? -, s'immergeant avec une espèce de délectation dans le sordide,
pour retrouver un sens des réalités qu'il a le sentiment d'avoir perdu, et qu'il espère pouvoir le sauver.
Guy est un personnage complexe, que l'on sent en équilibre précaire au bord d'un gouffre. Il aspire à quelque chose dont on ne sait pas très bien s'il mesure les conséquences, mais à chercher les ennuis, on finit par les trouver ! Et c'est bien évidemment sous la forme d'un tueur en série qu'ils vont se manifester, lorsque Milaine, l'une des filles du lupanar se fait soudain assassiner dans d'horribles circonstances. En compagnie de Faustine, une autre des courtisanes du Boudoir de Soie, et de Martial, un jeune inspecteur qui n'a pas encore fait ses preuves, Guy mène l'enquête sous prétexte de venger cette amie qui n'en était pas vraiment une.
Mais ses motivations sont-elles réellement celles qu'il affirme ? Car notre écrivain ne cesse de mettre sa vie en danger, comme s'il cherchait à provoquer le sort pour expier la lâcheté dont il a fait preuve en abandonnant sa famille. De la même manière que les personnages de ses romans naissent sous sa plume, il décortique la personnalité du tueur pour découvrir son identité, s'approchant peu à peu de la vérité, au mépris de sa sécurité, et presque aussi de celle des deux amis qu'il a entraînés dans cette aventure. Plus qu'une intrigue policière, Léviatemps est l'histoire de la descente aux enfers de Guy de Timée.
Un roman noir, presque glauque, rendu parfois un peu difficile à lire par le style volontairement abrupt adopté ici par l'auteur. Quelques longueurs au cours de l'enquête, nécessaires sans doute pour rendre clairement perceptible l'évolution du héros, mais le propos est un poil trop appuyé à mon goût. De belles trouvailles, néanmoins, avec une fin comme je les aime, inattendue, bien amenée, cohérente. Sans doute pas mon Chattam préféré, mais une histoire qui tient la route, et tiendra peut-être ses promesses dans le second volume de ce diptyque du temps, Le requiem des abysses.
Un Paris lugubre
Oppressant, glauque, diabolique... Chattam s'appuie merveilleusement bien sur l'affaire Jack l'Éventreur pour nous balancer en pleine figure son "Leviatemps". Quelle claque ! Tout y est : l'ambiance d'un Paris sale et désabusé, les meurtres sordides, l'écrivain reconverti en traqueur... et l'incroyable Exposition Universelle.
Une lecture pour public averti, évidemment, mais elle fascinera tous les fans du genre ! Probablement un des meilleurs Chattam (en toute objectivité bien sûr) qui trouve une fracassante conclusion dans sa suite ("Le Requiem des Abysses").