Le comte de Chambord demeure l'un des princes les plus fascinants de l'histoire de France. Cet " enfant du miracle ", né le 29 septembre 1820, sept mois après l'assassinat de son père, le duc de Berry, a passé sa vie sur les marches du trône sans jamais y accéder, tour à tour espoir, hantise, rêve de ceux qui s'efforçaient de donner un régime stable à la France du XIXe siècle. Et, comme pour souligner cette distance, l'essentiel de la vie du comte de Chambord se déroule en exil, d'Angleterre en Ecosse, d'Allemagne en Autriche, au cours d'un long demi-siècle. Prétendant lointain mais omniprésent dans les têtes et les enjeux politiques, le comte de Chambord incarne à sa manière les contrastes de la France du XIXe siècle. Ce prince européen, averti des mutations sociales et industrielles qui ébranlent le continent, curieux des inventions comme le télégraphe ou le chemin de fer, est peu au fait des affaires françaises. Lui qui correspond avec l'Europe couronnée tout entière ne sait comment convaincre les Français et s'en remet à la Providence. Il rêve de refonder une France digne de Philippe le Bel ou de Saint Louis, pétrie de catholicisme et de principe monarchique, au point de se laisser transformer en une sorte d'" enluminure vivante ". Et lorsque après la défaite de 1871 le destin lui offre une chance, le comte de Chambord paraît plus soucieux de convaincre plutôt que de vaincre. Ce réactionnaire ne manquait ni de qualités individuelles, ni d'idées pour la France; il voyait assez les problèmes du temps et ceux qui assaillaient ses " sujets "; mais, dépourvu du réalisme et du cynisme de son modèle, Henri IV, ce " survivant ", à tous les sens du terme, manquait de la témérité propre aux hommes de pouvoir.