LA FRANCE ET LA GESTION DES CONFLITS YOUGOSLAVES (1991-1995). - Enjeux et leçons d'une opération de maintien de la paix de l'ONU

Les conflits qui ont touché les territoires de l'ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995 ont placé la France au premier rang des Etats qui, par leurs actions politiques et militaires, ont tenté de les réguler. La France a ainsi joué un rôle majeur au sein de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU), la plus importante opération dite de "maintien de la paix" créée et mise en place par l'Organisation des Nations unies. Par cette implication, la France a souhaité répondre à plusieurs impératifs de sa politique étrangère : outre la volonté récurrente de "tenir son rang" et de contenir un conflit menaçant la stabilité européenne, elle a voulu se poser en acteur principal du "maintien de la paix" onusien, mais aussi en leader d'une Europe politique en construction. Dans ce contexte, si la France a effectivement démontré son aptitude à mener une opération de gestion de crise multifonctionnelle d'envergure, les difficultés rencontrées par la FORPRONU n'ont-elles pas, simultanément, révélé les limites de ses propres capacités, politiques et militaires ? En Bosnie-Herzégovine en particulier, l'option humanitaire, privilégiée par l'ONU - et par la France -, fut par essence inapte à créer les conditions d'un règlement du conflit, et plaça au contraire la FORPRONU dans une situation d'impasse. Prise dans le piège du "maintien de la paix", la France a certes tenté de créer les conditions d'un déblocage, mais à l'exception de la création de la Force de réaction rapide (juin 1995), de telles actions n'ont eu qu'une efficacité limitée, et ont finalement surtout traduit l'absence de stratégie de gestion des conflits yougoslaves. Et si la France réussit, à de nombreuses reprises, à rallier ses partenaires européens à ses positions, c'est finalement l'intervention des Etats-Unis qui permit le dénouement du conflit en Bosnie-Herzégovine, stigmatisant d'autant plus les limites françaises. La FORPRONU est à la fois un précédent et un tournant dans la politique française, à l'égard des opérations dites de "maintien de la paix". Marquant les dérives d'une opération à ne pas reproduire, elle révéla surtout l'impérieuse nécessité de mieux définir une politique aux objectifs souvent mal identifiés.