Pas vraiment amateur d'histoires de vampires (sauce Twilight notamment), s'il n'y avait pas eu EntréeLivre, le site communautaire de lecteurs, je me serai épargné la lecture du soi-disant premier roman de Joann Sfar, "L'éternel". Je dis soi-disant, car il me semble qu'il a déjà publié chez Denoël en 2004, deux tomes d'une suite intitulée "L'homme arbre", n'en déplaise à l'éditeur qui annonce fièrement en quatrième de couverture cette fausse primeur.
"L'éternel", roman construit en deux parties, raconte les affres de Ionas, jeune homme mort dans une guerre en Russie et qui ressuscite
vampire. On le suit à Odessa, au début du siècle dernier, traquant sa fiancée bien aimée que son frère Caïn (!) a épousé, puis aux Etats-Unis, de nos jours, où il décide de suivre une psychanalyse auprès de la veuve d'un chanteur de rock.
Joann Sfar, créateur multicasquettes, de la BD au cinéma en passant par une analyse de l'art à la radio, a du fumer la moquette et un tas de substances illicites, tout en regardant en boucle les clips de Mylène Farmer version Boutonnat auquel son livre me fait furieusement penser. Cela donne selon son humeur ou ses gouts, un roman déjanté et formidablement inventif ou un pavé gonflant et inintéressant. N'étant pas un fana de ses oeuvres BD, ni de son cinéma et beaucoup trop terre à terre (hélas) pour que les vampires me fassent rêver, j'ai donc versé du côté sombre : je me suis considérablement ennuyé à lire ce gloubiboulga sanguinolent. Et je peux vous dire que 455 pages de crimes, d'éventrations, d'émasculations, de mandragores, de religion, de carnages, de coïts bestiaux, de phrases ampoulées, de vampires sanguinaires ou dépressifs, c'est long, très long.
On peut bien sur admirer l'imagination foisonnante de l'auteur, seulement ici, elle tourne à vide. Je n'ai pas du tout vu où mène ce fatras de situations improbables et grotesques. Symbolique lourdingue parfois, rebondissements hystériques souvent, tout est outrancier, grand guignolesque et finalement totalement vain.
Je ne suis jamais entré dans ce livre, restant en retrait, résistant vaille que vaille à l'envie d'arrêter cette lecture pompeuse et assommante. Pourtant, un léger espoir s'est emparé de moi au début de la deuxième partie plus contemporaine. Un rien plus mordant (sans jeu de mot), des dialogues presque drôles, une vague critique assez bien vue de show-bizz ont failli réveiller mon attention. Mais, hélas, on est très vite retombé dans le grand bazar de la première partie, me laissant à l'arrivée épuisé et avec la désagréable impression d'avoir perdu mon temps.
Ni choquant malgré les nombreuses scènes de sexe et les litres de sang déversés, ni d'un quelconque intérêt psychanalytique, ni religieux, ni romanesque, " L'éternel" est un roman épate-chaland bien de son époque : clinquant, faussement virevoltant et surtout infiniment, totalement creux.
L'éternel
Je connais l'auteur pour sa série Le Chat du Rabbin, que j'ai pu apprécier. Alors, c'est assez confiante que je me suis penchée sur ce roman, en me demandant ce que Joann Sfar allait pouvoir imaginer autour de cette figure mythique du vampire. Cette figure ne lui ai pas étrangère puisqu'il a travaillé sur les bandes dessinées jeunesse Le Petit Vampire.
Tragédie, ironie, et une pointe de surnaturel sont présents pour nous présenter Ionas, jeune officier russe qui se planque avec son régiment pour éviter les Allemands. Ceux-ci vont les massacrer et seul Ionas reviendra d'entre les morts. S'il comprend bien vite qui il est devenu, il refuse de faire le mal et se pose moult questions sur les raisons de son retour. S'oppose alors Nature et Volonté.
Ce récit est très encré dans les traditions juives aurait pu être intéressantes si elles ne perdaient pas le lecteur au bout d'un moment. Car, personnellement, je n'y connais rien, et l'incursion du fantastique rend difficile le distinguo entre tradition religieuse et fiction. Et puis tout se mélange : la religion, la condition humaine, la guerre, la psychanalyse, la famille, l'amour. Beaucoup trop de thématiques à mon sens. J'ai lu que certains comparaient ce roman à des films de Woody Allen. La comparaison me semble juste : c'est bavard et nombriliste comme ces films. Vous l'aurez compris, je n'aime pas W. Allen et je n'ai pas aimé cette lecture. 460 pages d'introspection et de "je voudrais bien mais je n'ose point", c'est longuet et lassant. Ionas subit sa condition de vampire, ne veut pas tuer, mais y est bien contraint car l'étincelle de vie refuse de s'éteindre en lui. Tout se termine en eau de boudin, sans qu'on comprenne vraiment au final le pourquoi de cette résurrection.
A l'exception de cette phrase, qui se détache fortement de toute cette logorrhée :
"J'ai voulu croire qu'il y avait un monstre magique, mais tout était normal." Petit hommage à Hannah Harendt et sa banalité du mal... La seule phrase à retenir et qui fait forcément réfléchir.
Je remercie tout de même Entrée Livre pour cette découverte.
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2013/09/leternel-joann-sfar.html