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À découvrir
Un vrai coup de coeur pour cette écriture qui questionne l'écriture, ce personnage qui met à mal la notion même de personnage, et cet auteur mort à la naissance de cette oeuvre!
Il entre parfaitement en résonance avec mon "livre préféré" à ce jour, "l'homme sans qualité" de Musil, paru en 1930 ; il en est le pendant exact transposé 65 ans plus tard, ce pourquoi il est intéressant de les mettre en perspective : on a les personnages principaux qu'on mérite!
Karoo a tout pour devenir un futur roman culte, de par son histoire éditoriale insolite (l’auteur a terminé de rédiger le livre quelques jours avant sa mort) et de par son petit succès, critique tout d’abord et populaire ensuite : on le trouve même dans les meilleures ventes (catégorie Livres) d’Amazon et il est en rupture momentanée chez l’éditeur !
Karoo, c’est l’histoire d’un nègre à Hollywood qui réécrit les scénarios des autres selon les bons vouloirs des producteurs afin de les rendre plus grand public… Riche, hypocrite et salaud notoire, extrêmement lucide
sur sa propre condition, cet antihéros par excellence raconte à la première personne l’histoire de sa déliquescence (morale et physique) sur près de 600 pages avec une écriture cynique et méchamment drôle, contemplative, puissamment sarcastique. Steve Tesich, plus généralement, nous donne à voir le portrait d’une Amérique luxueuse pas belle à voir : riche, matérialiste, désabusée et sans scrupules.
Le roman, mené avec brio et virtuosité, évoque beaucoup l’expérience cinématographique grâce à construction exemplaire (en cinq actes bien distincts qui viennent structurer le récit de manière efficace : exposition et présentation du personnage principal, élément déclencheur qui vient justifier l’intrigue, mise en place du récit, développement de l’histoire, épilogue) mais aussi grâce aux personnages secondaires vigoureusement campés à dessein comme des stéréotypes : Billy, le fils en manque d’amour ; Jay Cromwell, le producteur ignoble et dégueulasse ; Leila Millar, l’actrice naïve et amoureuse, etc. L’écriture de Steve Tesich est également très visuelle ; l’auteur utilise à merveille les temps passé et présent et cette alternance rythme de manière efficace le roman, entre descriptions au long cours des événements comme une routine et représentations vives de plusieurs situations importantes qui donnent au lecteur la sensation d’être le témoin direct de l’action. Pas étonnant d’apprendre donc que l’auteur lui-même était un scénariste brillant !
Enfin, le livre est magnifique en tant qu’objet, ce qui ne gâche rien : la couverture notamment est splendide, mais aussi la mise en page, la police de caractère utilisée… Bref, c’est un très beau travail des éditions Monsieur Toussaint Louverture, à se procurer d’urgence.
[...] Karoo est un riche salopard, cynique, superficiel, bedonnant et consumériste, à l’image des États-Unis à la fin du XXe siècle. Le regard qu’il porte sur lui-même et sur son entourage est à la fois pathétique, désabusé et comique. L’homme populaire du cinéma, à l’apogée de sa carrière, voit s’infiltrer en lui des failles, des questions, des doutes. Il n’est plus le même, mais à force d’avoir usé toute sa vie du mensonge (nous ment-il aussi ?) et du spectacle, personne ne peut croire au changement. L’homme, dépossédé de sa propre identité à force de se
mettre en scène, ne s’assume pas. Sa chute ne sera que plus grande pour lui, et plus jouissive pour nous.
Dans ce roman de plus de 600 pages, Steve Tesich donne à son personnage le temps et le plaisir de raconter les événements, sans concision, de décrire les personnages qui entourent Karoo (lesquels sont, comme son ex-femme et Cromwell, d’excellents personnages secondaires). Il a aussi ce je ne sais quoi qui tient en haleine, en partie dû au travail de l’éditeur : Monsieur Toussaint Louverture, éditeur indépendant et original, a choisi un beau papier de couverture. À l’intérieur, le papier est épais et a une belle couleur, et la mise en page est à la fois hyper confortable, avec de larges interlignes, et hyper esthétique avec de petits détails sympathiques à découvrir.
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/karoo-steve-tesich-a105883474
Entrée directe, le ton est donné : nous voici dans l'Amérique mondaine des années 80, conduits et éclairés par la verve un peu mordante de Saul Karoo, "Doc'" de la réécriture scénaristique.
Le roman retrace l'histoire, ou l'errance, de ce personnage artificiel, loser surfait et attachant, Ulysse des temps modernes, dont la lucidité se noie sous l'hypocrisie et l'absence d'empathie.
Avec beaucoup de subtilités et nombre de références, l'auteur nous présente une mise en scène du Néant, où chaque personnage surjoue son rôle, conscients ou non de ce vide en eux, en ces êtres
de papiers... Vide qui néanmoins les rend aussi vrais et attachants que des véritables rencontres.
La construction du livre est impeccable, les changements de ton et de narration installent le lecteur dans un rythme, une attente, et changent soudain de direction, mais toujours avec tact et courtoisie.
Une très belle découverte, de la part de Toussaint Louverture, ce petit éditeur qui monte, qui monte et qu'il faut suivre, et qui mériterait d'être goûtée à nouveau, comme les bons vins, d'ici quelques années !
Saul Karoo est lâche, menteur, fuyant et irresponsable, il le sait et en souffre. Mais malgré tout ses efforts pour tenter de rendre sa vie plus belle, on le regarde continuer à mentir... repousser les confrontations... peut-être que ce personnage plait aux lecteurs, mais en tant que lectrice il m'a profondément agacé ! Je n'affectionne pas les personnages parfait au contraire mais celui-ci est irrécupérable, le comble est qu'il entraine les personnes qu'il aime dans sa chute. Quel gachis ce Saul Karoo ! Tout cela n'a pas aidé à ce que je m'attache à ses états d'âmes, ce qui a rendu ces longs passages un peu fatiguant à partager avec lui.
Il y a quelque-chose de la tragédie grecque, dans ce roman de Steve Tesich...
Saul Karoo, la cinquantaine, écrivaillon connu dans le monde du cinéma pour réécrire les scénarios ratés, est clairement une ordure. En instance de divorce, incapable de nouer une relation avec son fils adoptif, il n'aime pas du tout le scénario de sa vie, et en rejette la responsabilité.
Pourtant, l'opportunité de réécrire le scénario d'un film génial, va curieusement le replonger dans son passé, et le confronter à une décision terrible : est-il possible de réécrire le scénario de la vie des
autres, et par là même, celui de sa propre vie?
J'ai adoré lire ce livre, tout simplement. L'écriture est superbe, incisive, et l'histoire nous tient vraiment en haleine, car on veut savoir quel sera le dénouement que l'on ne peut imaginer que tragique.
Par ailleurs, les personnages secondaires, par exemple Cromwell, le producteur sans scrupules véritable Faust, sont tout simplement extraordinaires.
Ce livre est tout simplement incontournable! A lire absolument!
"Qu'on la secoue ou qu'on l'agite, la dernière goutte est toujours pour le slip"
Saul Karoo est ce qu'on appelle un script doctor, son métier consiste à retravailler un scénario ou un film. Mais Karoo est surtout un homme bourré de problèmes en voici quelques-uns :
-Alcoolique impénitent, l'alcool n'a plus d'effet sur lui, mais il continue de simuler l'ivresse pour conforter ses amis dans l'idée qu'ils se font de lui.
-Il ne supporte pas de se retrouver seul avec une autre personne, même si c'est son fils.
-C'est un lâche prêt à tous les renoncements.
-Son cynisme connait peu ou pas de limites.
Mais le pire est que Saul est bien conscient de ses défauts et c'est ce qui fait que ce roman est drôle et tragique à la fois. On éprouve pour cet homme des sentiments contradictoires entre empathie et dégoût.
Il est difficile de vous dire à quel point cette histoire est géniale et l'écriture de Tesich magnifique.
Karoo est un chef-d’œuvre terminé peu avant son décès, il marque de son empreinte la littérature américaine contemporaine.
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