Perdre la guerre à 12 ans avec, en prime, la perte de son identité : le destin n'était guère clément pour un jeune juif aux parents désunis, en 1940. D'autant moins que, sans le soupçonner, il était menacé de perdre sa vie en prime. La chance, l'insouciance, une conversion censée le soustraire au péché originel qu'enfant d'Israël il ignorait, ont épargné au narrateur un sort funeste mais ne lui ont pas évité le pire : le refus têtu d'être ce qu'il était, accablé de s'entendre répéter, jour après jour, que lui et les siens incarnaient le pire absolu et finissant par se demander si ce n'était pas le cas.
Pourtant ce " Juif malgré lui " fusillé par les mots, en a réchappé. Il n'a d'ailleurs pris conscience du danger encouru qu'une fois celui-ci dissipé. D'où le récit d'un adolescent qui a côtoyé l'abîme avec l'inconscience souriante de son âge, vécu l'Histoire en terrain miné et a attendu, la raison venue, pour mesurer la violence et l'efficacité de la haine verbale. Le poids des mots, le choc des fachos - pour paraphraser une formule célèbre, n'ont pas scellé son destin, mais forgé sa conviction oublier ces temps reculés expose à les revivre.
Et pas forcément à y survivre.