Ce que j'ai apprécié dans ce roman, c'est que, malgré ses originalités, il a une ligne directrice, qui s'avère somme toute facile à suivre. C'est une sorte de conte, avec ses rencontres fructueuses et ses épreuves à surmonter. Tout d'abord, on s'attache (ou pas, et dans ce cas, le roman peut ne pas plaire) à Oskar, jeune garçon surdoué, aux multiples centres d'intérêt, fragilisé par la disparition de son père dans une des tours du World Trade Center. Quelques mois après le drame, Oskar trouve dans le dressing de son père un vase bleu contenant une clef.
La quête d'Oskar, un
moyen pour lui de garder son père un peu vivant, est mêlée à un autre récit débutant soixante ans auparavant à Dresde, à la veille des bombardements qui ont détruit la ville. On comprend peu à peu le lien avec Oskar, mais j'avoue que ces parties m'ont un peu moins emballée, et que les trouvailles formelles qu'elles contiennent m'ont semblé un peu plus artificielles… Retrouver Oskar revenait à retrouver une bouffée d'air pur ! Doué d'une imagination débordante, il essaye de chasser l'angoisse par des inventions multiples et des rituels. Inventions qui n'ont d'égales que celles de l'auteur pour nous balader et pas seulement dans New York. Le roman est traversé d'autres histoires, de souvenirs, de lettres, photos, cartes de visite, sans que cela nuise à la compréhension.
Par moments, j'ai eu des réminiscences de Paul Auster, notamment La Trilogie new-yorkaise : ce n'est sans doute pas un hasard si le nom de Black apparaît dans Extrêmement fort… Bref, une lecture passionnante malgré quelques longueurs et un ou deux moments où il faut s'accrocher pour ne pas perdre pied.
Extrêmement fort et incroyablement près
J’ai lu ce roman dès sa parution en 2006 et à l’époque, il m’avait fait forte impression. Je le relis aujourd’hui à l’occasion de la sortie prochaine du film et je comprends avec du recul les réticences que l’on peut avoir par rapport à un tel livre : créativité formelle quelque peu artificielle, histoire écœurante à force de bon sentiments, écriture parfois guindée...
Et pourtant... Si l’on accepte de rentrer dans l’univers magique et insolite de Jonathan Safran Foer, on assiste alors à une quête initiatique d’un petit garçon surdoué riche en émotions et en rebondissements. Tout le génie de l’auteur consiste à nous enchanter à travers 1001 histoires toutes plus originales les unes que les autres (Le récit du sixième district, la visite iconoclaste du World Trade Center, les inventions d’Oskar, le personnage du grand-père, etc.) sans perdre de vue le fil rouge du roman : la recherche d’une mystérieuse serrure à travers les quatre coins de New-York. Cette trame générale pourrait être assez répétitive : un enfant se déplace de porte en porte pour demander à qui appartient la clé qu’il a trouvée dans l’armoire de son père. Mais, là encore, l’auteur nous surprend à travers l’utilisation de différents procédés (texte bien sûr, mais aussi photographies, jeux sur la typographie, mise en couleur, etc.) mais surtout à travers un sens du découpage et de la narration aigu qui font que certains passages lus au début s’éclairent d’une autre manière à la fin du roman car ils sont racontés d’un autre point de vue. Et je ne parle pas du tour de force de prendre un enfant de 9 ans comme héros d’un roman, de découvrir l’intrigue à travers ses yeux et son ressenti sans tomber dans la niaiserie au niveau des dialogues et en restant tout le long extrêmement crédible et incroyablement passionnant. Beaucoup d’auteurs se sont d’ailleurs cassé les dents sur cette seule contrainte...
En bref, nous avons affaire ici à un véritable objet protéiforme plus qu’à un simple roman, qui s’apprécie du coup d’autant mieux à mon sens quand on le savoure en grand format plutôt qu’en format poche.