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Qui a lu l'oeuvre publiée de Yann Moix sait déjà qu'il est prisonnier d'un passé qu'il vénère alors qu'il y fut lacéré, humilité, fracassé. Mais ce cauchemar intime de l'enfance ne faisait l'objet que d'allusions fugaces ou était traité sur un mode burlesque alors qu'il constitue ici le coeur du roman et qu'il est restitué dans toute sa nudité. Pour la première fois, l'auteur raconte l'obscurité ininterrompue de l'enfance, en deux grandes parties (dedans/dehors) où les mêmes années sont revisitées en autant de brefs chapitres (scandés par les changements de classe, de la maternelle à la classe de mathématiques spéciales).
Dedans : entre les murs de la maison familiale. Dehors : l'école, les amis, les amours. Roman de l'enfance qui raconte le cosmos inhabitable où l'auteur a habité, où il habite encore, et qui l'habitera jusqu'à sa mort, car d'Orléans, capitale de ses plaies, il ne pourra jamais s'échapper. Un texte habité, d'une poésie et d'une beauté rares, où chaque paysage, chaque odeur, chaque mot, semble avoir été fixé par des capteurs de sensibilité saturés de malheur, dans ce présentéisme des enfants martyrs.
Aucun pathos ici, aucune plainte, mais une profonde et puissante mélancolie qui est le chant des grands traumatisés.
Comprenez Moix
Vous connaissez Yann Moix l'orageux, la grande gueule, le tout feu. Oubliez le cow-boy des samedis soirs et tous vos préjugés, plongez dans la vérité de ces profondeurs Orléannes.
Yann Moix est de ces hommes coincés dans l'enfance, plutôt coincé, même prisonnier, dans l'enfant qu'il fut. Insulté, battu, torpillé, rincé par des géniteurs - comment les appeler des parents ? - charognes et lamentables, il raconte, à blanc et à nu, la naissance de ses névroses de type névrosé, de gars nerveux. Ils n'hésiteront pas, ces gens, même à cramer ses premiers dessins, ses premiers romans, pour le plaisir, la provocation. Pour l'humiliation,Voilà où l’écrivain puise ce besoin d’être, d’exister, avec excès, aux yeux du monde : par ses écrits, peut-être par ses frasques aussi.
On assiste, dans une langue maîtrisée et inventive, à la genèse d'un mec tempête, tirant son caractère et ses ombrages dans cette maison des martyrs qu'il a rêvé, tant de fois, de fuir et qu'il continue pourtant de hanter. Orléans, ville natale de son corps, de ses douleurs, celle de son destin.
Au delà des polémiques, de l'ornière des qui a tort, qui a raison, Yann Moix écrit un excellent roman : une littérature à vif qui nous permet, si ce n'est de le juger, au moins de le comprendre.