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Sans cesse en mouvement, tirant derrière elle sa valise, la narratrice de ce roman va d'un terminal à l'autre, engage des conversations, s'invente des vies, éternelle voyageuse qui pourtant ne montera jamais dans un de ces avions dont le spectacle l'apaise.
Arrivée à Roissy sans mémoire ni passé, elle y est devenue une « indécelable » - une sans domicile fixe déguisée en passagère -, qui a trouvé refuge dans ce non lieu les englobant tous.
S'attachant aux êtres croisés dans cet univers fascinant, où personnels navigants ou au sol côtoient clandestins et laissés-pour-compte, instituant habitudes et rituels comme autant de remparts aux bribes de souvenirs qui l'assaillent et l'épouvantent, la femme sans nom fait corps avec l'immense aérogare.
Mais la bulle de sécurité finit par voler en éclats. Et quand un homme, qui tous les jours vient attendre le vol Rio-Paris - le même qui, des années auparavant, s'est abîmé en mer - tente de l'aborder, elle fuit, effrayée.
Comprenant, à sa douceur et à son regard blessé, qu'il ne lui fera aucun mal, elle se laissera pourtant aller à la complicité qui se nouera entre eux.
Magnifique portrait de femme rendue à elle-même à la faveur des émotions qui la traversent, Roissy est un livre polyphonique et puissant, qui interroge l'infinie capacité de l'être humain à renaître à soi et au monde.
d'autres vies que la sienne.
« c'est mon problème, je ressens tout. Sans doute parce que, à l'instar des aveugles, qui développent un odorat extrème, j'ai, pour combler le vide en moi, développé une sensibilité rare aux choses de ce monde. » P35.
Sur quelle identité se fonder quand on n'a perdu la mémoire et qu'on se retrouve à errer jour et nuit à Roissy ? La narratrice de ce roman n'en possède aucune et s'en accommode en regardant les flux de voyageurs, le ballet des avions, comme fascinée par ce foisonnement d'histoires possibles qu'elle se raconte pour ne pas affronter la sienne... Des rencontres, une en particulier, vont ouvrir une brèche dans son amnésie ; en un sens ce roman est le récit d'un éveil, comme en suspens entre deux avions, jamais totalement accompli, et sa poésie irradie l'aube ténue qu'il dépeint. C'est aussi une métaphore de notre condition humaine, et son auteur s'y entend pour, en quelques tableaux, planter le décor qui constitue presqu'un personnage -l'aéroport, et faire varier les perspectives (la vision de Liam, l'un des ses « collègues » SDF, transparaissant dans ses écrits que corrige l'héroine, est à ce titre intéressante : issue d'un délire, elle n'en reste pas moins légitime...) autour d'un monde qui, s'il (semble) brise(r) parfois certaines destinées, nous offre toujours des occasions d'aimer.
Un très joli roman.