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Que reste-t-il des couleurs de notre enfance ? Quels souvenirs gardons-nous d'un lapin bleu, d'une robe rouge, d'un vélo jaune ? Ont-ils vraiment revêtu ces couleurs ? Plus tard, lesquelles associons-nous à nos années d'études, à nos premières amours, à notre vie d'adulte ? Comment la couleur s'inscrit-elle dans le champ de la mémoire ? Comment est-elle capable de la stimuler ? de la transformer ? Ou bien, au contraire, comment est-elle victime de ses caprices ou de ses intermittences ?
Pour tenter de répondre à ces questions - et à beaucoup d'autres - Michel Pastoureau nous propose un journal chromatique s'étendant sur plus d'un demi-siècle (1950-2010).
Souvenirs personnels, notations prises sur le vif, propos débridés, digressions savantes ou remarques propres à l'historien, ce livre retrace l'histoire des couleurs en France et en Europe depuis le milieu du XXe siècle. De nombreux champs d'observation sont parcourus ou évoqués : le vocabulaire et les faits de langue, la mode et le vêtement, les objets et les pratiques de la vie quotidienne, les emblèmes et les drapeaux, le sport, la littérature, la peinture, les musées et l'histoire de l'art.
Ce journal chromatique, tour à tour ludique, poétique ou nostalgique, est à la fois celui de l'auteur et celui de nos contemporains.
Nous vivons dans un monde de plus en plus coloré mais où la couleur reste un lieu de mémoire, une source de plaisirs et plus encore une invitation au rêve.
Spécialiste des couleurs, des images et des symboles, Michel Pastoureau est historien et directeur d'études à l'École pratique des hautes études. Il a publié au Seuil : Bleu. Histoire d'une couleur (2000), Figures romanes (2002), Noir. Histoire d'une couleur (2008), L'Art héraldique au Moyen Âge (2009) ; et dans cette même collection : L'Étoffe du Diable.
Une histoire des rayures et des tissus rayés (1991), Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental (2004), L'Ours. Histoire d'un roi déchu (2007).
Coup de coeur
De Michel Pastoureau, j'avais beaucoup aimé L'étoffe du diable et un peu moins Bleu car je l'avais trouvé très technique. Depuis sa sortie, j'avais hâte de découvrir cet essai, et encore plus après qu'il ait reçu le Prix Medicis Essai 2010 et le Prix Essai France Télévisions 2011. Vous vous doutez bien qu'il est difficile de résumer un livre sur les couleurs, je vais donc me contenter de noter ce qui m'a marquée dans ce livre, qui m'a permis de ne pas voir le temps passer lors de mon attente à l'aéroport de New-York.
Michel Pastoureau égaie son roman par des anecdotes personnelles sur les couleurs. Il commence par l'histoire de ce blazer qu'on le força à acheter et qui n'était pas aussi bleu marine que ceux de ses camarades, ce qui le fit prendre ce blazer en horreur. Hypersensible aux nuances et aux couleurs, il en déduit que de cette anecdote naîtra sans doute son attention particulière pour le bleu auquel il consacrera tout un ouvrage. Nous racontant une autre anecdote, celle des machines à bonbons dans le métro, il se rend compte que, peut-être, il se trompe sur la couleur de la machine qu'il pensait orange alors qu'elle semble grise et que seuls les bonbons étaient oranges. Or, selon Pastoureau, prendre la partie pour le tout est acte de mémoire relativement fréquent.
Du rouge, Pastoureau insiste sur son côté interdit; ainsi deux jeunes filles furent menacées d'exclusion dans son lycée pour avoir porté des pantalons rouges. De même, lorsque les soldats plient le drapeau, le rouge ne doit pas être visible (le blanc non plus mais il peut l'être dans certains cas). On apprend d'ailleurs que si le drapeau français est constitué de bleu, blanc, rouge, aucun texte ne définit les nuances de ces couleurs et que Valéry Giscard d'Estaing demanda à ce que la nuance de bleu soit changée. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, jusqu'en 1970, certaines assurances faisaient payer un surplus aux propriétaires de voitures rouges tant cette couleur était associée à la jeunesse des conducteurs. Autre fait étonnant concernant le rouge et l'association voyelles/couleurs: si vous tentez d'associer des couleurs aux voyelles et que vous faites le test autour de vous, la majorité des gens associent le A au rouge (testé autour de moi, c'est exact). L'auteur ne donne pas d'explication mais peut-être est-ce tout simplement dû aux A des apprentis conducteurs que nous avons coutume de voir.
C'est un livre passionnant.