Voilà un très beau roman. De ceux dont on garde la nostalgie longtemps après l’avoir refermé. Tout commence par une douleur indicible, abyssale pour Sophie Daull qui vient de perdre Camille, sa fille de seize ans. Peut-on surmonter une telle tragédie ? Chacun frémit à l’évocation de ces terribles circonstances qu’une mère ne devrait jamais connaître. Commence alors une enquête généalogique qui fonctionne comme une quête existentielle, retissant les liens entre le passé et le futur de Sophie. D’un côté sa fille disparue, de l’autre sa mère, Nicole, qu’elle
a perdue aussi : “ Ma mère avait 26 ans quand je suis née, 45 quand elle est morte, moi 19. Elle n’a donc jamais connu ma fille, qui est née quand elle en aurait eu 58, j’avais 32 ans. Ma fille est morte à 16 ans, quand j’en avais 48, ma mère en aurait eu 74…” C’est une manière d’incipit qui ordonne dès les premières lignes la rencontre d’époques différentes dont Sophie se tient au midi.
Avec beaucoup de délicatesse l’auteur parvient à retendre les fils d’une existence qui ne tenait plus qu’à quelques souvenirs épars. Progressivement la présence de Nicole se fait de plus en plus prégnante, des êtres, des lieux resurgissent du passé et viennent frapper sur la cloche du présent : “Le café de mes grands-parents existe toujours. Il s’appelle toujours Le Montana, je l’ai retrouvé. C’est devenu un kebab, posté presque invisible le long de la D402 qui quitte Coulommiers par le nord en traversant le hameau de Montanglaust.” Retravaillant sur le canevas du passé Sophie redessine les contours d’une vie dont elle n’avait jamais percé le secret.
“La suture“ est un roman intimiste qui cherche une vérité au bord du précipice. Le dévoilement progressif de cette existence perdue fait évidemment écho à la disparition de Camille. Sophie Daull maintient avec beaucoup de dignité et de profondeur cette tension entre le passé et le présent, la vie et la mort, les souvenirs et un présent qu’il faut vivre coûte que coûte envers et contre l’indicible douleur de l’ici et maintenant. Quand la littérature devient en soi une raison de vivre…
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
deuxième envolée
Après avoir raconté la perte de sa fille dans son premier roman, Sophie Daull parle ici de la disparition de sa propre mère. Autour de cette absence, l'auteure brode l'histoire d'une femme mystérieuse et énigmatique, à partir des maigres indices qu'elle récolte, entre inventions et suppositions. Ce roman, tout en délicatesse et loin d'être triste, brosse un portrait émouvant et poignant d'une femme qui tout au long de sa courte vie, s'emploiera à faire oublier son passé miséreux. Un roman sur la famille, la perte, le souvenir, mais aussi sur la capacité qu'a l'écriture à faire revivre les absents, le temps de quelques mots.