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La biographie du maître-penseur de la guerre.
Carl von Clausewitz (1780-1831) appartient à la catégorie des illustres inconnus dont l'ouvre a masqué la vie. C'est en effet grâce à Vom Kriege (De la guerre), publié quelques années après sa mort, qu'il acquiert une célébrité qui va défier le temps. Cet immense traité reste considéré comme le plus important jamais consacré aux questions militaires et stratégiques, inspirant les plus grands généraux, mais également des intellectuels comme Guy Debord, Raymond Aron ou René Girard.
Or, Clausewitz a été aussi un officier supérieur de premier ordre et un acteur influent des guerres napoléoniennes.
Témoin de la " grande catastrophe " de 1806, il devient l'un des artisans de la réforme de l'armée prussienne des années 1808-1811, puis participe à la campagne de Russie dans l'armée du tsar, la Prusse étant alors alliée de Napoléon, ce qui lui vaut une disgrâce durable à sa cour. On le retrouve dans les états-majors et sur les principaux champs de bataille jusqu'à Ligny et Waterloo où ses décisions prirent une portée considérable.
Général, penseur, conseiller à l'occasion frondeur, mari aimant et ami exemplaire, il consacra les dernières années de sa vie à rédiger les récits de ses principales campagnes et à écrire son chef-d'ouvre. Avec l'exigence et le talent qui le caractérisent, Bruno Colson est parti pendant plusieurs années à sa découverte, exhumant notamment de nombreuses archives inédites pour restituer l'homme dans ses multiples facettes.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Nombreux étaient les lecteurs qui attendaient, non sans impatience, une biographie de Clausewitz. Voilà un général prussien, né en 1780 et mort à 51 ans, qui aurait pu traverser l’histoire en illustre inconnu comme le fond la plupart des généraux. Il en a été bien autrement et cela à cause d’un fait unique mais considérable : la publication de son ouvrage “De la guerre” qui aura un retentissement bien au delà de son époque puisque Raymond Aron lui consacra dans la seconde partie du XXeme siècle deux volumes d’analyses serrées “Penser la guerre, Clausewitz” . En France il intéressa aussi Guy Debord et René Girard, excusez du peu. Cette pensée remarquablement structurée continue à être enseignée dans les écoles de guerre du monde entier. Raymond Aron écrit à son sujet “Romantique et raisonnable, impitoyable en ses analyses et d’une sensibilité frémissante, pauvre au milieu des riches, frustré de la gloire à laquelle il aspirait, Clausewitz appartient à la lignée des Thucidide ou des Machiavel qui grâce à leur échec dans l’action, trouvent le loisir et la résolution d’élever au niveau de la conscience claire la théorie d’un art qu’ils ont imparfaitement pratiqué.” Mais Clausewitz a-t-il si imparfaitement pratiqué l’art de la guerre comme le suggère Raymond Aron?
La biographie que nous propose Bruno Colson nous offre justement un éclairage à la fois large et précis sur ce que fut le destin de Carl von Clausewitz. Celui que Raymond Aron présente comme un intellectuel de la guerre fut pourtant officier d’état major dans l’armée prussienne de 1812 à 1814 mais aussi, ce que l’on sait moins, dans l’armée russe. Solitaire, sans doute par tempérament, Clausewistz était aussi un officier supérieur de premier ordre, un homme qui savait trancher et prendre des décisions difficiles. C’est ce qu’il démontra sur les champs de bataille jusqu’à Waterloo. Bruno Colson rappelle aussi qu’après la déroute de l’armée prussienne en 1806 il contribua fortement à sa réforme de 1808-1811. Un homme dont l’action contredit donc finalement les clichés qu’on aura pu lire à son sujet. Pour cette raison cet ouvrage est capital. Mais le travail d’archives qu’a effectué Bruno Colson et si remarquable qu’il élève cette biographie au niveau de ce qui se fait le mieux dans ce domaine. Il suffit de jeter un oeil à l’appareil de notes ainsi qu’aux sources qu’a exploitées l’historien pour prendre conscience de l’énormité de la recherche à laquelle il s’est livré. Notons enfin la qualité de l’index à la fois riche et précis qui permettra aux spécialistes de circuler facilement dans ce “Clausewitz” qui fera date.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)