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La biographie référente du maître-penseur de la guerre. Au même titre que Montesquieu pour le droit et Newton pour la physique, Carl von Clausewitz (1780-1831) a fondé l'étude systématique de la guerre en tant que phénomène humain éternel. Son livre majeur, De la guerre, est toujours lu et étudié dans le monde entier, car il a cette qualité rare de ne pas enfermer la réflexion mais de lui permettre, au contraire, de se développer et de s'adapter aux soubresauts de l'histoire.
Or la vie de Clausewitz - à la fois officier supérieur et écrivain d'exception - reste pour beaucoup un mystère. La fin de la guerre froide, la réunification allemande et la reconstitution d'une partie des archives prussiennes permettent de mieux connaître l'homme. Loin d'être un penseur solitaire, le stratégiste a toujours entretenu de solides amitiés et il a pesé sur certaines décisions importantes durant les guerres napoléoniennes.
Sa réflexion a aussi porté sur les rapports franco-allemands, dont il a bien compris qu'ils étaient au coeur des problèmes européens. Sa correspondance avec son épouse Marie, qui le fera passer à la postérité en faisant publier son oeuvre, est une des plus riches de cette époque. Elle montre que les Clausewitz formaient un couple moderne, basé sur une estime mutuelle, une relation d'égalité et un dialogue permanent.
Tout ceci n'est pas étranger à l'étonnante actualité de la pensée clausewitzienne.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Nombreux étaient les lecteurs qui attendaient, non sans impatience, une biographie de Clausewitz. Voilà un général prussien, né en 1780 et mort à 51 ans, qui aurait pu traverser l’histoire en illustre inconnu comme le fond la plupart des généraux. Il en a été bien autrement et cela à cause d’un fait unique mais considérable : la publication de son ouvrage “De la guerre” qui aura un retentissement bien au delà de son époque puisque Raymond Aron lui consacra dans la seconde partie du XXeme siècle deux volumes d’analyses serrées “Penser la guerre, Clausewitz” . En France il intéressa aussi Guy Debord et René Girard, excusez du peu. Cette pensée remarquablement structurée continue à être enseignée dans les écoles de guerre du monde entier. Raymond Aron écrit à son sujet “Romantique et raisonnable, impitoyable en ses analyses et d’une sensibilité frémissante, pauvre au milieu des riches, frustré de la gloire à laquelle il aspirait, Clausewitz appartient à la lignée des Thucidide ou des Machiavel qui grâce à leur échec dans l’action, trouvent le loisir et la résolution d’élever au niveau de la conscience claire la théorie d’un art qu’ils ont imparfaitement pratiqué.” Mais Clausewitz a-t-il si imparfaitement pratiqué l’art de la guerre comme le suggère Raymond Aron?
La biographie que nous propose Bruno Colson nous offre justement un éclairage à la fois large et précis sur ce que fut le destin de Carl von Clausewitz. Celui que Raymond Aron présente comme un intellectuel de la guerre fut pourtant officier d’état major dans l’armée prussienne de 1812 à 1814 mais aussi, ce que l’on sait moins, dans l’armée russe. Solitaire, sans doute par tempérament, Clausewistz était aussi un officier supérieur de premier ordre, un homme qui savait trancher et prendre des décisions difficiles. C’est ce qu’il démontra sur les champs de bataille jusqu’à Waterloo. Bruno Colson rappelle aussi qu’après la déroute de l’armée prussienne en 1806 il contribua fortement à sa réforme de 1808-1811. Un homme dont l’action contredit donc finalement les clichés qu’on aura pu lire à son sujet. Pour cette raison cet ouvrage est capital. Mais le travail d’archives qu’a effectué Bruno Colson et si remarquable qu’il élève cette biographie au niveau de ce qui se fait le mieux dans ce domaine. Il suffit de jeter un oeil à l’appareil de notes ainsi qu’aux sources qu’a exploitées l’historien pour prendre conscience de l’énormité de la recherche à laquelle il s’est livré. Notons enfin la qualité de l’index à la fois riche et précis qui permettra aux spécialistes de circuler facilement dans ce “Clausewitz” qui fera date.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)