Trouver un américain au parcours exceptionnel et romancer sa vie serait-il un effet de mode en ce moment ? Ou simplement des coïncidences de lecture ? Toujours est-il qu'après John Edgar Hoover (déjà par Marc Dugain) puis Claude Eatherly (par Marc Durin-Valois), voici Ed Kemper, qui apparaît ici sous le nom d'Al Kenner. Je ne manque pas de vous préciser qu'il vaut mieux ne pas chercher à en savoir plus sur le personnage réel avant d'entamer ce roman. Sa construction étant habilement basée sur ce que l'on ignore, ce serait vraiment dommage d'en savoir trop. Même l'explication du titre
vous demandera d'attendre quelques deux cents pages !
Ce que vous saurez dès le début du roman, c'est que Al Kenner, alors qu'il avait quinze ans, a tué de balles de chevrotine dans le dos sa grand-mère qui « l'empêchait de respirer » puis son grand-père, qui, d'après lui, ne saurait pas vivre sans son épouse... D'autres chapitres nous montrent Al quinquagénaire enregistrant des romans pour les aveugles, et ayant des velléités d'écrire pour raconter sa jeunesse. C'est donc son récit, sa voix, ses pensées, son absence de remords, son esprit que nous pénétrons. Etrange expérience que de devoir se mettre à la place d'un tueur à l'intelligence exceptionnelle et à la modeste taille de deux mètres vingt. Etrange mais passionnante, car on se demande de bout en bout du roman jusqu'où il va aller, avec ses rancoeurs et sa froideur. Le personnage de sa mère n'a rien à lui envier pour ce qui est de l'absence totale de sentiments, et sans excuser Al Kenner, cela fournit pas mal d'explications à son parcours tragique. Le reste de sa famille est assez particulier aussi. Mais le parcours d'Al est aussi l'occasion d'une plongée dans la Californie des années 60, les communautés hippies, les routes sillonnées de bikers...
Comme dans La malédiction d'Edgar, la subtilité du roman repose sur le choix du point de vue, Al ne disant que ce qu'il a envie de dire, prenant parfois ses distances avec la vérité, et ses louvoiements entretiennent le mystère jusqu'aux scènes finales. C'est une lecture addictive, et quand le narrateur admet à un moment qu'il commence un peu à tourner en rond, c'est à peine si le l'effet s'en faisait sentir sur le lecteur... Enfin, c'est un roman biographique, pas un thriller, et on peut supporter quelques moments un peu plus calmes !
Avenue du géant
Tiré de la vie d'Edmund Kemper, un sinistre tueur en série des années 70, le dernier roman de Marc Dugain est une vraie réussite.
L'auteur nous promène dans la Californie des années hippies en compagnie de ce géant de 2.20m et plus de 130 kilos dont le QI supérieur à 140 n'a protégé de rien. Nous visitons toute sa vie, de la jeunesse à la prison, de l'hôpital psychiatrique à la liberté conditionnelle, de la rédemption à la chute. Nous sommes avec lui, en lui en toute occasion, absorbé par l'intensité du texte et les rebondissements de sa vie.
L'écriture est parfaite et le scénario des plus prenants, crispant à souhait.
A Lire !