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Daunik Lazro est un artisan majeur de la musique improvisée européenne. Autodidacte de l'improvisation libre, c'est un homme engagé dans une musique qu'il veut incandescente et absolument défaite de toutes conventions. Musicien de haute voltige, Lazro empoigne son saxophone baryton comme on se saisit d'un corps. Sa matière sonore est un brusque et vif ébranlement suivi l'instant d'après d'un presque silence.
Les sons qui sortent du baryton de Lazro sont des sons qui écorchent le convenu. Ce sont des sons de batailles, propulsés contre l'arrogance des chefs. Ce sont des sons que beaucoup ne veulent pas entendre et que beaucoup n'entendront jamais. Des sons qui interrogent et bousculent un monde servile. Son souffle est un chant. Et puis Daunik parle. Il parle de sa rage, de son désespoir, de ses tourments, de la perte, des expériences passées, des influences (Bechet, Dolphy, Ornette, Lyons, Portal).
Avec le photographe Horace, il se souvient d'Ayler à Pleyel, des spectateurs qui partaient en masse, de ceux qui hurlaient leur dégoût et des autres qui criaient leur joie. Ce film est le portrait intimiste d'un musicien hors normes. Souvent, Christine Baudillon filme le saxophoniste, immobile. Minutieusement, elle enregistre le vent dans les branches. Elle superpose les axes. Un filet d'eau coule.
Des feuilles mortes jonchent le sol. Le mouvement est lent et Tarkovski n'est pas loin. Et surtout, elle n'impose rien, ne bouscule rien. Cinéaste humble et investie, elle n'interfère pas : elle enregistre et témoigne. Seulement cela. Et ce cela est immense.