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Sur les routes californienne, deux hommes cheminent de ranch en ranch, George, un petit malin et Lennie, un colosse pas très futé. Leur route les conduit à Soledad dans la ferme des Curley où ils espèrent bien se faire un petit magot, parce que travailler pour un patron, ça va un temps mais posséder sa propre ferme et quelques arpents de terre, ce serait le paradis. Là ils pourraient vivre heureux, à leur guise, selon leurs envies. Lennie adore quand George lui parle de cet avenir radieux, il se voit déjà s'occuper des lapins comme une mère s'occuperait de ses enfants. Mais pour concrétiser
ce projet, il faut qu'ils gardent leur place et ce n'est pas toujours facile avec Lennie qui a l'art de s'attirer des ennuis. Pas méchant pour un sou, il ne contrôle ni sa force ni ses pulsions et parfois ça tourne mal, comme avec les souris qu'il caresse trop fort, ou cette femme à Weed qui n'a pas compris qu'il voulait juste toucher sa robe...Cette fois, George lui a fait la leçon et il est bien décidé à se tenir tranquille même si la ferme des Curley recèle bien des dangers : le fils Curley, un gringalet bagarreur et sa femme, trop belle, trop frivole qui aime traîner du côté des baraquements des saisonniers.
Un rêve pour supporter la misère, une amitié pour vaincre la solitude, voilà ce qui lit George et Lennie. Cette relation, forte et touchante, paraît déséquilibrée de prime abord, Lennie serait le fardeau de George, le poids sans lequel sa vie serait bien meilleure, bien plus facile. Mais il n'en est rien ! Si Lennie a besoin de George pour se dépatouiller dans un monde hostile où on le dit demeuré, George a lui aussi besoin de Lennie pour se sentir utile, pour ne pas être seul sur les routes, seul à rêver. Ils veillent l'un sur l'autre mais parfois, il est difficile d'éviter les coups durs. Dans le monde des ouvriers agricoles, des hommes durs à la tache, l'amitié n'a pas sa place, chacun défend sa peau et ne pense qu'à survivre. Et chez les Curley, la règle et la même. Pour garder sa place, il faut s'occuper de ses affaires et s'arranger avec ses propres soucis. Le noir, l'invalide, le petit, le solitaire, chacun se réjouit de voir plus malheureux que lui et qui serait assez fou pour s'occuper d'un cinglé ? Lennie, un enfant dans un corps de géant, n'est pas armé pour affronter ce monde cruel, George lui sert de guide, mais ne peut pas empêcher le drame que l'on pressent tout au long de la lecture. D'où viendra le coup ? Du fils Curley qui cherche la bagarre parce qu'il sait qu'il en sortira toujours gagnant ? De sa femme qui traîne sa solitude et sa frustration et cherche dans les yeux des saisonniers la certitude qu'elle plaît et qu'on la convoite ? En arrivant à Soledad, Lennie et George se sont jetés dans la gueule du loup et rien ne pourra empêcher l'inéluctable de se produire...
Porté par les personnalités attachantes de Lennie, le naïf et George, le bourru, Des souris et des hommes est un roman fort et bouleversant, une énorme bouffée de tendresse qui se cache derrière une rude virilité. Sans doute la plus belle histoire d'amitié de la littérature.
Un agent des services secrets israéliens est chargé d'une mission différente des interrogatoires musclés dont il s'est fait une spécialité. Cette fois il s'agit d'approcher Dafna, une écrivaine de Tel Aviv qui est en contact avec un poète palestinien dont le fils est soupçonné d'être à la tête d'un réseau terroriste. Sous prétexte de se faire aider dans l'écriture d'un roman, il tisse des liens avec la femme de lettres qui toutefois n'est pas dupe. Elle accepte de l'aider contre la promesse qu'il ne fasse aucun mal à Hani, le poète, et qu'il aide son fils Yotam, un drogué en
dette avec un parrain local. Hani, atteint d'un cancer en phase terminale est alors exfiltré vers Tel Aviv où il doit bénéficier de soins palliatifs.
Perturbé par la violence des interrogatoires qu'il continue de mener, impuissant à résoudre ses problèmes de couple, déstabilisé par la personnalité attachante de Hani, l'agent perd pied peu à peu. Le doute s'insinue dans son esprit qui jusqu'ici été entièrement voué à la défense d'Israël, peu importe les méthodes, les injustices, les morts.
Jeune, il était idéaliste et militait pour la paix. Et puis, le temps a passé, son travail dans les services secrets a eu raison de ses idéaux. Au fil du temps et des attentats-suicides, le dialogue a cédé la place à la violence. Les coups ont remplacé la psychologie. Effrayer et soumettre, arracher des aveux, des dénonciations, répondre à la violence par la violence, voir en chaque suspect, non plus un semblable, mais un animal qu'il faut réduire à sa merci, voilà ce qu'est devenue sa vie. Doué, il est sans cesse sollicité par sa hiérarchie, la nuit, le week-end, tout le temps, il doit être présent pour éviter qu'un kamikaze ne se fasse exploser dans un bar, un bus, devant une école ou une synagogue, pour que ses compatriotes puissent garder un semblant d'insouciance et vivre comme si la menace n'existait pas. Sa vie de famille passe au second plan, sa femme se plaint, voudrait s'expatrier, il manque à son fils qu'il voit à peine. Confronté quotidiennement à la violence, il perd le contrôle. Pourtant, dans cet univers sombre, sa rencontre avec Dafna et Hani est une lueur d'espoir, l'espoir d'une entente, d'une amitié possibles entre les peuples. A écouter le poète parler de sa Palestine, à déceler sous la nostalgie, la graine de l'injustice, l'agent reprend conscience de l'humanité de ceux qui lui font face. ''Vous avez tout, nous n'avons rien''...Par ces mots, le poète de Gaza ouvre la voie à un partage qui ne serait que justice, qui serait une première pierre pour construire la paix.
Descente aux enfers d'un homme qui perd ses certitudes, ce roman noir évite l'écueil de prendre parti pour un camp ou l'autre dans un contexte géo-politique complexe où palestiniens et israéliens se livrent une guerre perpétuelle, larvée ou frontale selon les circonstances. Sombre et anxiogène, il porte tout de même l'espoir de la rédemption pour son héros, un pont est possible entre deux peuples qui partagent une histoire commune... Un livre qui sort des sentiers battus et plonge le lecteur au cœur d'une problématique trop souvent évoquée dans les JT sans être vraiment comprise dans sa globalité. A lire d'urgence !
Voilà presque trois mois que la légiste américaine Margaret Campbell et le policier chinois Li Yan ont découvert et dénoncé un scandale sanitaire d'envergure mondiale, trois mois durant lesquels Margaret a témoigné devant les juges et les experts, répondu aux questions des journalistes et attendu des nouvelles de Li Yan. Mais le policier a reçu des instructions de sa hiérarchie, une relation avec une étrangère est inappropriée pour un officier de police pékinois. Alors il a tenté d'oublier ses sentiments et réintégré la section n°1 où il est confronté à quatre meurtres sordides,
quatre décapitations au sabre. Alors que Margaret s'apprête à oublier elle aussi cette histoire d'amour sans avenir et à retourner aux Etats-Unis, elle est contactée par l'ambassadeur de son pays qui lui demande son aide dans une affaire sensible. En effet, la quatrième victime, Yuan Tao, était un américain qui travaillait au service des visas de l'ambassade. Là voici donc, une fois encore, mêlée à une enquête de Li Yan. Obligés de collaborer, ils ne peuvent éviter les tensions, d'autant que Margaret tente de tourner la page dans les bras d'un archéologue américain, le très séduisant et très médiatique Michaël Zimmerman.
Voilà nos deux enquêteurs plongés dans une série de meurtre qui trouve ses racines dans un passé pas si lointain, avec la terrible révolution culturelle qui, à la fin des années 60, secoua la Chine pendant quatorze longues années semant la mort et l'anarchie. Encouragée par Mao, la jeunesse chinoise s'enrôle en masse dans les Gardes rouges et prend le pouvoir dans les écoles et les universités. Les professeurs, les intellectuels, accusés d'être des droitistes et des contre-révolutionnaires à la solde de l'Occident capitalistes sont humiliés en place publique, obligés à faire leur auto-critique, frappés, voire tués. Trente ans après, même si chaque famille est encore marquée par ces terribles évènements, les chinois ont choisi d'oublier et, victimes et anciens gardes rouges, vivent ensemble dans la paix retrouvée. Mais les vies brisées, le deuil, les séquelles physiques et psychologiques demeurent et certains ont eu trente ans pour ruminer leur vengeance. Si Li Yan est au fait de tout cela, ayant lui-même été séparé de ses parents pendant la révolution, pour Margaret, c'est une totale découverte. Mais chaque jour elle en apprend un peu plus sur la Chine et son Histoire, récente grâce à l'enquête, et très ancienne grâce à Michaël Zimmerman qui partage son lit et ses connaissances avec elle. Un voyage à Xian lui permet d'approcher au plus près l'armée de terre cuite qui en fait la renommée. De belles opportunités pour l'américaine qui manque cruellement de culture et montre encore une fois toute l'étendue de son ignorance.
La politique du pays et ses errements ne sont d'ailleurs pas le fait du passé uniquement. Les chinois sont soumis à un contrôle des naissances draconiens qui, s'il peut s'expliquer par un besoin de garder la démographie dans des limites raisonnables, n'en a pas moins des répercussions désastreuses pour les enfants, surtout les petites filles, abandonnées dans les orphelinats, pour céder la place au fils que tous les parents désirent. Et Li Yan va en faire, malgré lui, l'amère expérience.
Cette enquête entre passé et présent offre une belle leçon d'histoire et permet d'approcher la mentalité chinoise en se divertissant. Elle est malheureusement gâchée par les indices que Peter MAY sème avec une subtilité toute pachydermique, on repère donc assez vite les personnes impliquées dans le quatrième assassinat et le suspense en prend un coup. Et bien sûr, la bluette entre les deux enquêteurs, digne d'un roman à l'eau de rose, est tout aussi agaçante qu'inutile. A lire pour la visite en Chine.
En prenant ses fonctions de commissaire adjoint à la Section n°1 du Département des enquêtes criminelles de Pékin, Li Yan ne se doute pas qu'il aura pas moins de trois meurtres à résoudre le jour même : un petit dealer poignardé en plein coeur, un ouvrier du bâtiment au chômage retrouvé le cou brisé et un conseiller scientifique du Ministère de l'agriculture à la retraite brûlé vif dans un parc de la ville. Trois crimes très différents mais qui ont en commun un indice : un mégot de Marlboro laissé sur place par le tueur. Ce qu'il ne sait pas non plus, c'est que son chef
va lui mettre dans les pattes un médecin légiste de sa connaissance, Margaret Campbell, une américaine tout juste débarquée à Pékin pour une série de cours à l'Université de la Sécurité publique. Leur rencontre est explosive. Elle le trouve laid, froid et psychorigide. Il pense qu'elle est agaçante, arrogante et insolente. Pourtant, leur collaboration sera des plus efficaces, mettant à jour une terrible affaire qui menacera leurs vies et celles de millions de personnes. Entre incompréhension et attirance, répulsion et désir, prises de bec et confidences, leur relation en dents de scie les mènera jusqu'au bout d'eux-mêmes.
Dans ce premier opus de la série chinoise de Peter MAY, il y a du bon et du moins bon.
Le bon d'abord avec le total dépaysement en République Populaire de Chine. Au fil des pages on découvre Pékin, ses rues encombrées de voitures, trolleys, vélos, sa place Tiananmen, sa cité interdite, ses jardins, sa gastronomie. Mais a-delà de l'exotisme, l'auteur s'attache aussi à évoquer une société réglementée qui prône le collectif au détriment de l'individu mais pour le bien de tous. Un rappel historique de la terrible révolution culturelle et de ses séquelles dans chaque famille, une subtile allusion à la Politique de l'enfant unique complètent cette peinture intéressante et bien documentée de l'Empire du Milieu.
Le côté moins réussi du roman vient des personnalités trop caricaturales des personnages principaux : l'américaine et son complexe de supériorité et l'énigmatique asiatique. On voit bien que l'opposition de leurs caractères, de leurs visions du monde et le véritable choc culturel qui en découle est le ressort de leur collaboration professionnelle et de leur future histoire d'amour mais le trait est un peu gros et finit par lasser. Un peu de nuances dans le comportement de la belle légiste à la critique facile, qui ne sait pas s'ouvrir aux autres, agit en conquérante et ne respecte pas la sensibilité de ses hôtes aurait été bienvenue. L'ignorance n'excuse pas l'irrespect. Le flic chinois est plus touchant, surtout dans sa relation avec l'oncle qui l'a élevé et qui lui sert de modèle.
En dehors de la visite touristique et des atermoiements amoureux de nos deux tourtereaux, il y a bien sûr aussi une enquête. Elle met un certain temps à prendre son allant et on s'ennuie un peu à chercher le lien entre les trois crimes mais Peter MAY égratigne au passage les multinationales occidentales qui profitent de la déréglementation et du laxisme de certains états pour procéder à des tests sans précaution aucune et s'en mettre plein les poches, au détriment de la santé et parfois même de la vie des populations locales ; une critique des scientifiques, des politiques et des milieux d'affaires très politiquement correcte mais qui a le mérite d'exister.
Une bonne lecture, facile et divertissante qui n'évite pas les clichés, sombre parfois dans la mièvrerie mais propose une sympathique immersion dans les mœurs et la mentalité chinoise.
Quand le couple sort en titubant du restaurant, il ne sait pas qu'un gamin des rues, installé pour la nuit dans son carton, les observe. Pourtant rien échappe au petit mendiant et certainement pas le portefeuille qui tombe sans bruit de la poche de l'homme complètement ivre. Quand tout est calme, il s'en empare mais déchante en y trouvant une carte de la police de Rio. Garder son butin serait source d'ennui. Il le repose donc mais le surveille et ne peut s'empêcher de suivre l'homme qui le ramasse.
Le lendemain, le portefeuille est toujours dans la nature et celui qui l'a perdu est dans
la panade. La femme qui l'accompagnait, une prostituée avec laquelle il était plus ou moins en ménage, est retrouvée assassinée, les pieds entravés par sa ceinture et lui ne se souvient de rien. Heureusement, même s'il est à la retraite,Vieira a encore ses entrées au commissariat et il sait qu'il peut compter sur le commissaire Espinosa pour l'aider, voire le disculper.
Bien loin des plages ensoleillées, des filles en bikini et des airs de samba, le fraîchement promu commissaire Espinosa écume les bas-fonds de Rio, là où les dealers copinent avec les flics ripoux, où les gamins des rues se font brûler vifs par de soit-disant justiciers, où les prostituées rêvent d'une vie meilleure. Il y côtoie les laissés-pour-compte qu'il tente tant bien que mal de protéger du mal. Mais malgré ses efforts, les morts se multiplient dans cette enquête délicate qui concerne un policier à la retraite. Espinosa a donc fort à faire entre son collègue qui se met en danger, une prostituée aguicheuse, un gamin qui lui file sans cesse entre les mains et une artiste-peintre jolie comme un cœur et qui fait battre le sien. Pourtant, jamais il ne s'affole. Espinosa prend son temps, travaille à son rythme et peine à démêler les fils d'une intrigue qui a tendance à lui échapper.
On l'aura compris l'enquête se résout lentement mais l'intérêt n'est pas forcément émoussé pour autant. GARCIA-ROZA propose un voyage dans les rues de Rio et évoque les problèmes de la ville : la corruption qui gangrène les services de police, la violence subie par les sans-abris, les enfants mendiants, la drogue qui circule, la prostitution et la solitude des retraités. Derrière la carte postale, il y a Espinosa, tendre, humain, rêveur, toujours du côté de la veuve et de l'orphelin. A lire pour l'ambiance et la visite de Rio.
Tokyo, la nuit. Mari Assaï, une jeune fille de 19 ans, est installée à une table du Denny's. C'est là qu'elle compte attendre le matin, seule avec une tasse de café, quelques toasts et un gros livre. Sa tranquillité est perturbée par l'arrivée d'un jeune homme qui la reconnaît et s'assoit avec elle. C'est Takahashi, un ami de sa sœur. Il vient prendre un café au milieu de la répétition du groupe dans lequel il joue du trombone. Plus tard encore, c'est Kaoru qui vient interrompre sa lecture. Cette gérante d'un love hotel vient d'avoir un problème avec un client parti sans payer après
avoir tabassé une prostituée chinoise. Elle vient, envoyée par Takahashi qui lui a dit que Mari parle couramment le chinois et pourrait servir d'interprète auprès de la victime.
Pendant ce temps, Eri, la sœur de Mari dort paisiblement dans l'appartement parental. Paisiblement ? Rien n'est moins sûr. A y regarder de plus près, Eri semble dormir trop profondément pour que son sommeil soit naturel. D'ailleurs, dans sa chambre, d'étranges évènements se produisent...
Dans cette histoire en apparence banale, Haruki MURAKAMI propose au lecteur d'être un œil dans la nuit, comme l'oeil d'une caméra qui survolerait Tokyo, s'attarderait dans les ruelles désertes, pour finir par se poser dans des lieux précis, pas tout à fait choisis au hasard : un bar ouvert toute la nuit, un love hotel, un bureau où, malgré l'heure tardive un informaticien travaille encore, un combini où un téléphone portable sonne au rayon frais et la chambre d'une Belle au bois dormant où la télévision, bien que débranchée, s'allume et laisse voir un homme en complet marron qui observe ou veille sur le sommeil de la jeune fille. Cela pourrait être une nuit comme toutes les autres sans cet écran qui s'anime de lui-même, sans un miroir qui conserve le reflet de ceux qui s'y regardent, sans cet étrange sommeil qui semble ne vouloir jamais finir...Ce sont ces petites touches fantastiques dans un récit où rien ne se passe qui intrigue et accroche le lecteur. Cette nuit qui semblent comme toutes les autres et pourtant ne l'est pas va transformer les protagonistes, rien de renversant mais de petites touches, fruits de leurs réflexions, de leurs discussions.
Poétique, mystérieux, envoûtant et magnétique, ce passage de la nuit emporte aux confins de l'imaginaire. La dernière page tournée, tout est encore possible, toutes les questions n'ont pas trouvé réponses mais le lecteur peut choisir de faire vivre encore les personnages dans son imagination, de leur trouver une route. Une lecture originale et énigmatique, à expérimenter.
Il a suivi la progression des B29 sur la carte, les bombardements de civils innocents, il a vu la ville à feu et à sang, il a comptabilisé les morts, il a assisté aux interrogatoires de jeunes pilotes américains désinvoltes, il a su pour Hiroshima et Nagasaki, il a écouté en direct le discours de capitulation de l'Empereur...alors quand son chef lui demande de trouver trois hommes pour exécuter trois prisonniers américains, Takuya Kiyohara ne réfléchit pas et se porte volontaire pour décapiter au sabre l'un d'entre eux. Cet acte que l'on peut qualifier de barbare lui a semblé naturel
et juste, il ne le regrette pas. Pourtant son geste va le rattraper...Les américains n'entendent pas laisser impunis ces crimes de guerre, ses officiers supérieurs se défaussent, Takuya est seul et, s'il se fait prendre, il sait qu'il sera pendu. Alors il fuit. Dans un Japon ravagé par les bombardements, affamé par la disette, humilié par les forces d'occupation, il fuit, il se cache, il ne peut compter sur aucune aide, il ne peut faire confiance à personne. Lui qui a servi loyalement son pays, lui qui a toujours obéi aux ordres, lui qui aurait pu, qui aurait du être un héros, n'est plus qu'un vulgaire criminel, trahi, vilipendé, traqué, sans espoir d'absolution.
C'est avec distance et froideur qu'Akira YOSHIMURA nous raconte la défaite d'un pays et d'un homme et sa fuite éperdue pour échapper à des sanctions qu'il juge iniques. La guerre est ainsi faite qu'il faut un vainqueur et un vaincu et ce dernier n'a plus voix au chapitre. Il est jugé coupable de facto. Les vainqueurs sont des héros, ils ont tué des milliers de civils, ils ont bombardé le Japon sans relâche, ils ont employé l'arme nucléaire, rayé deux villes de la carte mais ils ont ont gagné et celui qui n'a tué qu'un homme est pourchassé pour crime de guerre... Est-il plus coupable que le pilote américain qui a largué des bombes sans état d'âme ? Une vie américaine vaut-elle plus que des milliers de vies japonaises ? Condamné à la solitude, Takuya se pose des questions. Après le temps de la haine vient celui de la réflexion. Les soldats, japonais comme américains, obéissent aux ordres, voilà le seul fait avéré. La culpabilité se déplace et serait alors dans le camps de gradés qui envoient de très jeunes pilotes faire le sale boulot ou qui ordonnent des décapitations hors-la-loi.
La guerre des jours lointains est l'histoire d'un homme dépassé par des évènements qu'il a subi sans avoir prise sur eux, l'histoire d'une humiliante défaite, d'un pays épuisé par les horreurs de la guerre. Sombre et très dur, le roman invite à la réflexion sur la culpabilité, la barbarie mais aussi la reconstruction et le pardon. A lire.
Par un glacial matin d'hiver, une habitante de Visby fait une macabre découverte : un corps pendu à la tour de la porte Dalman, une des ouvertures dans les remparts qui font le charme de la capitale de l'île de Gotland. Quand le commissaire Anders Knutas et son équipe arrivent sur place, le mort est très vite identifié puisqu'il était une personnalité très connue en ville. En effet, Egon Wallin possédait la plus grande galerie d'art et d'ailleurs il avait, la veille, encore une fois fait un tabac avec le vernissage d'un nouveau talent venu de Lituanie. Le suicide semble improbable,
il s'agit donc pour les policiers de résoudre un meurtre.
Si la situation leur met le moral en berne, ce n'est pas le cas pour Johan Berg, le journaliste de stockhomois qui guette quotidiennement une occasion de se rendre sur l'île où l'attendent sa future femme Emma et leur fille Elin. Le voilà donc lui aussi aux trousses d'un mystérieux tueur qui semble ne pas vouloir s'arrêter à un seul crime.
Une enquête plutôt classique dans le monde des arts où, selon Mari JUNGSTEDT, tous les hommes sont des homosexuels, soit affichés, soit refoulés, soit cachés derrière la respectabilité du mariage.
Autre défaut majeur : la mièvrerie étalée quand est évoquée la passion tourmentée entre l'intrépide journaliste et sa belle îlienne. Mais quand il ne file pas le parfait amour, s'étonnant chaque matin d'avoir une telle beauté à ses côtés, le journaliste prend tous les risques pour un bon reportage et se retrouve à chaque fois personnellement impliqué dans les affaires qu'il traite. Cette fois, le danger rôde autour de sa nouvelle famille mais tombe un peu comme un cheveu sur la soupe... Certes, l'auteure en a fait l'un de ses personnages principaux mais de là à voir le tueur lui en vouloir systématiquement, c'est un peu difficile à croire.
Heureusement, demeure le commissaire Knutas et l'on a plaisir à retrouver cet homme profondément humain qui doit affronter le départ d'une de ses plus proches collaboratrices et met tout en œuvre pour la garder auprès de lui.
Bilan mitigé, donc pour ces dernières aventures gotlandaises qui cumulent les poncifs et les procédés scénaristiques faciles.
Japon, 1950. A Kobatake, un village proche d'Hiroshima, Shigematsu Shizuma s'inquiète pour sa nièce Yasuko qui, à 25 ans, n'est toujours pas mariée. Les prétendants ne manquent pas mais ils se découragent dès qu'ils ont vent des rumeurs qui courent au sujet de la jeune fille. Au village, il se murmure qu'elle serait atomisée, touchée par la pluie noire tombée sur Hiroshima après l'explosion de la bombe atomique. Mais Shigematsu sait que sa nièce est en bonne santé, d'ailleurs ses analyses médicales sont excellentes. Alors qu'un énième bon parti vient de se faire connaître, l'oncle
est bien décidé à ne pas laisser échapper cette chance de bonheur pour Yasuko. Il entreprend alors de retranscrire le journal que sa nièce tenait pendant la guerre, de le croiser avec ses propres écrits et de prouver ainsi que la jeune fille n'a pas été atteinte par la bombe.
Même si Pluie noire est un roman, il a valeur de témoignage ; le témoignage bouleversant et vécu de l'intérieur de ce terrible jour d'août 1945 où un grand éclair blanc traversa le ciel d'Hiroshima. Au drame des brûlés vifs morts sur le coup s'ajoute la masse de blessés, brûlés, ensevelis sous les décombres et pour tous les habitants, ce sont l'étonnement et les questions. Que s'est-il passé ? S'agit-il d'une arme nouvelle ? D'un gaz ? La ville est ravagée, en plein chaos, les survivants cherchent de l'eau, de la nourriture, brûlent les milliers de cadavres, aidés par les secouristes envoyés sur place. Les amis, la famille, rappliquent en masse pour chercher leurs proches. Ils ne le savent pas encore, mais tous sont condamnés à brève échéance. Le Japon vient de vivre sa pire catastrophe et les conséquences seront encore vivaces des années après. Les ''atomisés'' sont d'abord considérés avec pitié et bienveillance mais cela ne dure pas, très vite ils deviennent des parias. Les femmes sont condamnées au célibat, les hommes, obligés de ménager leurs forces, sont considérés comme des oisifs bien chanceux de n'avoir rien à faire quand le travail attend.
Pluie noire est un livre poignant qui montre crûment toute l'horreur de la riposte américaine mais sans apitoiement, avec la distance et la pudeur propres à ceux qui ont beaucoup souffert. Plaidoyer contre la bombe, contre la guerre, ce livre est indispensable à la compréhension de ce que fut cette explosion d'un nouveau genre...plus qu'une date à apprendre par cœur en cours d'Histoire, plus que des chiffres, des statistiques...des hommes, des femmes, des enfants qui ont vu le ciel s'abattre sur leur tête sans comprendre pourquoi ils méritaient cela, sans comprendre comment des hommes ont pu faire cela à d'autres hommes...
Enquête loin de la capitale
A shanghai, alors que le PDG de la New-York-Shanghai Bank s'apprête à symboliquement inaugurer les travaux de ses futurs bureaux, on découvre les corps démembrés de dix-huit femmes, à l'endroit même où devait être coulée une plaque de béton. Filmée par les caméras de la télévision américaine, la macabre découverte ne peut être dissimulée par les autorités de la ville qui, de plus, voudraient éviter une fuite des investissements étrangers. On fait donc appel au chef de section adjoint Li Yan de la police de Pékin pour régler cette affaire au plus vite. A sa demande, la légiste Margaret Campbell revient des Etats-Unis pour l'épauler dans son enquête. Mais leurs retrouvailles ont un goût amer pour l'américaine qui, immédiatement, voit une rivale en Mei Ling, l'équipière de Li Yan à Shanghai. Les deux femmes se livrent en effet une bataille sans merci dont l'enjeu est le policier pékinois. Pourtant, l'enquête passe avant tout, et Li Yan veut savoir pourquoi on a té ces femmes, quitte à heurter la sensibilité de quelques messieurs haut placés.
Le duo sino-américain se délocalise à Shanghai la flamboyante. Loin du pouvoir central, la ville s'émancipe et vit selon ses propres règles, avide d'entrer dans la valse du capitalisme. Le très rigide Li Yan découvre une cité où les politiciens corrompus fricotent avec les parrains de la mafia, où les policiers protègent les intérêts des puissants, où les bars à filles pullulent. L'incorruptible pékinois se moque de heurter les susceptibilités et n'hésite pas à bousculer l'establishment, ce qui met ses proches en danger. Pourtant, il va aller au bout de ses investigations et mettre au jour un trafic aussi répugnant que lucratif.
L'enquête ne manque donc pas d'atouts qui fait découvrir Shanghai et sa face cachée. Malheureusement, elle est phagocytée par la laborieuse histoire d'amour entre les deux enquêteurs. Peter MAY ne cesse de les promener au son d'un agaçant ''je t'aime, moi non plus'' qui tiendrait de leurs ''différences culturelles''. Qu'il se réveille ! La mixité, ça existe et ça peut même fonctionner ! Certes, ils n'ont pas la même langue maternelle, ils n'aiment pas la même cuisine, ils n'ont pas la même couleur de cheveux, bref, l'un est chinois, l'autre américaine, mais l'auteur force trop le trait sur leurs différences sans jamais évoquer l'enrichissement d'une relation biculturelle. Par moment, ses réflexions frisent le racisme de base...
En résumé, une enquête qui ne manque pas de rythme, une histoire d'amour gênante mais une lecture facile et efficace. A lire pour se détendre.