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À découvrir
Le 11 mars 2011 sur l’île d’Honshu, au Japon, Junko est paisiblement en train de lire quand son chat devient nerveux, il se met à courir dans tous les sens, ses miaulements sont assourdissants. Junko a compris. Deux jours plus tôt, elle a rêvé d’une immense vague à la force dévastatrice.
Au même moment, une femme rousse est sortie sur le toit de l’hôtel, pour calmer son enfant en pleurs. La femme et l’enfant seront emportés par la vague.
Le 3 avril, à Paris, Achille est tendu. Il a une nouvelle bouleversante à annoncer à Maïwen, sa compagne. Sa sœur avec
laquelle il avait coupé les ponts ainsi que son mari sont morts au Japon, victimes du tsunami. Seul leur fils a survécu. Un miracle. Achille a décidé d’adopter son neveu et ne sait pas comment sa compagne va réagir.
L’enfant du tsunami, roman choral, nous fait découvrir le Japon meurtri par le tsunami puis par la catastrophe nucléaire de Fuskushima à travers les yeux de plusieurs personnages au Japon et en France. L’abondance de personnages, de dates et de lieux peut perturber dans un premier temps, mais les pièces du puzzle se rassemblent au fur et à mesure de la lecture.
Très bien documentée, l’auteure nous plonge dans un pays ravagé qui doit panser ses plaies se reconstruire.
Ce roman est bien celui de la résilience, de la reconstruction. La reconstruction d’un pays, d’un peuple, mais aussi celle des individus.
Junko, jeune institutrice traumatisée par la vague et ses conséquences va renaître aux côtés d’Hiro le pompier qui a sauvé Néthanel, l’enfant miracle, l’enfant espoir.
Kiyotane, lui, va retrouver un sens à sa vie en participant aux travaux de nettoyage et de liquidation de la centrale de Fukushima au péril de sa vie. Il veut laisser à sa petite fille Junko, un monde plus propre et plus sûr.
Achille et Maïwen vont voir leur amour renforcé par l’arrivée de Néthanel, il va agir comme un baume sur leurs blessures enfouies.
Mêlant faits réels, rêves et légendes, Eva Kopp nous plonge dans la reconstruction du Japon après le tsunami. Tout au long du récit, elle prend le lecteur à parti pour l’impliquer dans l’histoire et cela fonctionne très bien. Ce roman à la fois réaliste et onirique, je l’ai lu en une soirée. Un premier roman très prometteur.
« Soudain un vieil homme au crâne dégarni entre dans la pièce, une immense feuille de papier à la main. Le groupe de touristes s’écarte à son passage. Il s’assoit à même le sol et extirpe un pinceau et un flacon d’encre noire de son immense manche. On sent qu’un rouage intérieur s’est enclenché. Son regard est habité. Une vague d’une beauté monstrueuse dont la taille défie l’imagination surgit, avalant murs et tableaux. La foule prend peur et court vers les issues de secours. Le peintre continue son œuvre, impassible. Maïwen se sent mal. Le sol tangue sous ses pieds. Sa vision devient floue. La vague au squelette blanchâtre s’approche inexorablement. La griffe d’écume est prête à s’abattre sur des embarcations de pêcheurs. Un cri d’enfant retentit. Il y a un bébé dans l’un des bateaux. L’enfant hure à pleins poumons. Les touristes s’évanouissent. Maïwen s’écroule sur le sol. Sa tête heurte les rochers des falaises, son corps tombe à pic avant d’être emporté par la vague. Elle rejoint Néthanel qui porte une tenue de ski au motif de petits écureuils. Hokusai repose son pinceau. Il plisse les yeux et se les frotte d’un revers de la main. Quelle obscurité ! On n’y voit rien. Comment a-t-il pu peindre ainsi sans s’apercevoir que la nuit était tombée ? Mais où donc a disparu le temps ?
La tempe de Maïwen pulse au rythme d’un bruit strident. Vous l’entendez ? À tâtons, elle cherche à actionner le bouton. Ça y est ! 7 heures. »
Depuis que j’ai découvert la plume d’Alain Cadéo avec Zoé, je sais qu’ouvrir un de ses livres c’est vivre une expérience. Lire ses mots est un privilège trop rare.
Aussi fallait-il trouver le bon moment pour me plonger dans ces pages. Une nuit au coin du feu quand plus rien ne bouge dans la maison. Bien installé dans mon canapé, l’esprit en éveil, prêt pour le voyage.
Et me voici embarqué dans les pas de l’auteur sur les chemins de traverse. Ces chemins si peu fréquentés, seulement connus de quelques initiés. Ces chemins infestés de ronces, troués d’ornières.
À la recherche des mots, ces diamants bruts qui ne se donnent pas au premier venu.
« Lorsque vaillant trappeur, de nuit et silencieux, tu pars chasser les mots sauvages comme la loutre et le renard, tous tes sens en éveil, tu as avec toi ton grand collet de lune rousse, un filet d’encre noire, une fringale de titan. Et tu attrapes vivant un gibier au poil ébouriffé qui hume et sent le thym et les marais, la terre, le vinaigre, d’étoiles et le silex griffé. »
Ces mots, Alain Cadéo les met dans sa gibecière, bien au chaud et une fois rentré, il les polit, les débarrasse de leurs crapauds, de leurs impuretés, des traces de terre. Il les choisit, les combine au mieux pour en faire les plus beaux des colliers, les sertit dans des montures du métal le plus précieux pour nous les offrir.
Car ces mots qui pour l’auteur ont un caractère presque sacré, il ne les garde pas pour lui en vulgaire collectionneur. Non, il les offre à tous ceux qui comme lui sont des amoureux des mots.
Ces pensées poétiques et philosophiques qu’Alain Cadéo nous livre, nous poussent à la réflexion, à l’errance, à la béatitude, à la contemplation, en un mot : nous rendent meilleurs. Un livre à lire et à relire. Il ne quittera pas mon chevet.
Vous, amoureux des mots, ne passez pas à côté d’un tel joyau. Ce que vous aurez dans les mains c’est la quintessence du talent d’Alain Cadéo, un concentré de beauté. Noël approche, quelle plus belle occasion pour offrir à vos proches, amateurs de belle littérature, ces mots de contrebande. Un livre qui restera.
« Ces petits mots, ces intentions, ces billets, sont destinés à celles et à ceux qui, ne se connaissant pas, font partie de la même famille tellement éparpillée : les affamés d’azur.
Nous, mendiants de lumière, tendant la main pour des piécettes de partage, menue monnaie de notre joie, ce que nous cherchons c’est de pouvoir, sans aigreur ni amertume, poursuivre notre quête, nous rassembler autour des « mots de la tribu ». »
Emmanuelle vient de tout perdre. Prisonnière d'un mariage qui ne lui apporte plus grand chose, elle cède aux avances d'un de ses clients qui ne l'attire même pas. L'incartade est découverte par le mari qui la met dehors. Elle s'installe chez son amant mais après quelques semaines elle décide de fuir cet homme qui la dégoûte. Par l'intermédiaire d'un site de rencontres, elle fait la connaissance d'un gendarme corse qui lui présente son ami Tom. C'est le coup de foudre pour elle.
"Et voilà. J'ai ouvert la porte et je suis tombée nez à nez avec un cheval de course, un pur sang,
un être solaire aux grands yeux jaune-vert. Son casque de moto à la main, il a fait une sorte de pirouette sur mon paillasson, m'a offert un vrai sourire gentil.
Je l'ai vite fait entrer pour pas qu'on me le pique !
Mon homme idéal absolument imprévu.
Ils ne vont plus se quitter, il s'installe chez elle, ils filent le parfait amour. Les choses commencent à se gâter quand par manque d'argent, Emmanuelle doit se séparer de son appartement et aller vivre avec Tom à la caserne. Les signes d'amour de la part de Tom se font de plus en plus rares, il désire son Emma, mais ne sait pas, ne veut pas lui montrer qu'il l'aime. Emmanuelle quant à elle ne veut pas brusquer les choses. A toutes ses difficultés somme toute banales, vient s'ajouter le métier de Tom. Gendarme au GIGN, il doit régulièrement partir en opérations extérieures dans des pays guère rassurants (Irak, Afghanistan, Libye). Emmanuelle en plus de l'incertitude concernant les sentiments de Tom va devoir faire face au manque.
Avec Aime moi comme tu es, Cathy Galliègue nous décrit la rencontre, la construction, la vie d'un couple. Un couple qui vit les mêmes bonheurs et les mêmes difficultés que les autres mais ou tout est rendu plus difficile du fait de l'éloignement régulier de Tom. Elle nous décrit ces scènes de vie de couple avec une sincérité qui nous happe. On s'attache à ce couple, on vit les difficultés avec lui, les joies aussi. On suit l'évolution de ces deux êtres si différents qui se sont trouvés. Emmanuelle, la femme blessée, Tom l'homme qui ne montre pas ses sentiments. Deux êtres qui vont s'apprivoiser, se soigner l'un l'autre.
"Te souviens tu de ces tous premiers soirs, ceux des gestes élégants, des regards profonds, de ta délicatesse, te souviens tu comme nous nous étions promis de ne pas être les pansements de nos blessures passées ?
Mon pauvre amour, au moment même où nous nous faisions cette promesse, tu était déjà collé sur mon échancrure béante. Tu colmatais, tu protégeais, tu soulageais, j'en oubliais la plaie, je me laissais cicatriser doucement, en confiance entre tes mains expertes.
Tu ne t'en apercevais pas, mais tous ces bienfaits dégoulinaient de mon corps au tien, se répandaient sur tes blessures, je les voyais se refermer, chaque jour moins douloureuses que le précédent, tu lâchais du lest, je distillais des petites doses de bonheur sur tes écorchures, je soufflais sur le mal. Nous nous sommes délicieusement réparés."
Le thème de la vie de couple est un thème délicat à traiter surtout quand il est observé comme ici de l'intérieur. On a vite fait de tomber dans les excès, dans la surenchère, dans le voyeurisme. Dans ce roman tout ce qui est décrit, l'est avec précision, crudité parfois, mais avec pudeur. C'est l'amour qui ressort. On ne tombe jamais non plus dans la mièvrerie. La plume pleine de souffle, de sincérité, d'humour, de poésie, de crudité de Cathy Galliègue, rend ce roman impossible à lâcher une fois commencé. Aime-moi comme tu es est un roman addictif, on ne veut pas le refermer, on veut continuer à vivre avec Emmanuelle et Tom. Une très belle réussite. Une plume très prometteuse que je vais suivre de très près.
C'est le nuit de Noël. Dans un Paris assailli par le déluge, Nicole Petit reçoit un bien étrange colis provenant de l'entreprise où elle travaille comme réceptionniste. Ce colis lui a été envoyé par Jacques Levine chercheur chez Galaxim, un important laboratoire. Le colis est accompagné de clés et d'une carte sur laquelle est écrite une phrase énigmatique. Ne sachant que faire Nicole se décide à aller frapper chez son voisin Damien pour lequel elle ressent une certaine attirance. Le colis contient un bébé enveloppé dans une membrane translucide comportant à sa surface des capteurs
indiquant les constantes physiologiques de l'enfant. Damien, journaliste scientifique lui explique qu'il s'agit d'une sorte de couveuse très sophistiquée et très coûteuse et quand il comprend d'où vient le colis il devine qu'il s'agit là de quelque chose de potentiellement dangereux. Alors qu'ils discutaient sur ce mystérieux colis un individu fait sauter la porte de l'appartement de Nicole. Les deux voisins prennent la fuite dans un Paris ravagé par les inondations, poursuivis par des tueurs à la solde de gouvernements et de multinationales.
La course poursuite qui se joue dans le roman se déroule dans un Paris ravagé par les inondations. La ville fragilisée par son modernisme menace de s'écrouler : "C'était la sophistication de la ville moderne qui la rendait vulnérable à l'eau : l'ingéniosité de l'homme avait partout ouvert la voie aux flots. La nature ne prenait pas seulement sa revanche sur la seule race qui ait oser persister à travers des âges, quand elle aurait dû disparaître, à l'instar de toutes ses devancières ; la nature se jouait des plus fines réalisations de l'homo sapiens et les retournait contre ses ingénieux créateurs" C'est un Paris détruit et qu'il faut évacuer de toute urgence que nous décrit l'auteur, et pourtant le préfet n'est chargé que d'une mission par le président de la république : retrouver ce nouveau né. Cela en dit long sur la potentielle dangerosité de l'enfant.
Dans ce thriller efficace, haletant David Emton nous montre que la nature peut être le pire ennemi de l'homme et que la protection de l'environnement ne doit pas empêcher l'homme de se méfier de cette nature qui a toutes les armes pour de débarrasser de son occupant le plus envahissant.
"Notre sophistication est notre faiblesse.
Nos villes si modernes, appellent la dévastation.
Nos corps si protégés, appellent l'anéantissement.
La nature veille, la nature guette.
La nature ne nous aime pas."
Un roman passionnant qui devrait vous faire passer d'excellents moments cet été.
Le roman s'ouvre sur une scène de suicide, un suicide programmé, minuté , préparé avec une précision horlogère toute suisse. Une ouverture qui nous plonge d'entrée dans l'ambiance générale du roman, un drame par moments étouffant.
Vincent à l'annonce de la mort de son frère dans un accident de voiture se rend chez celui-ci, très vite il comprend que l'accident n'en n'est pas un. Dans le nid d'aigle de son frère, une maison au bord d'un gouffre (le symbolisme n'est pas fortuit) il découvre des dessins, les esquisses d'une femme en rouge, et un carnet. Le carnet raconte
la rencontre de son frère, photographe avec une mystérieuse femme en rouge qui va l'obséder, il va tout faire pour retrouver cette femme croisée sur un quai de gare. Entre ses deux êtres, va naître une relation tout en passion, en sensualité, en violence, une relation marquée par la destruction. La rencontre de deux êtres blessés, pleins de failles, qui vont réouvrir d'anciennes blessures. Vincent à travers le récit de son frère, à travers les mots qu'il a écrits, va découvrir un homme qu'il ne connaissait pas, un homme fragile, marqué, blessé.
"Anna est revenue. Elle m'a lancé un appel joyeux. Toujours cette capacité à feindre d'oublier les déchirures. Mais elle n'oublie pas. A la moindre averse, les détails imperceptibles reprennent vie, ma culotte à l'envers, le ton de ma voix, le regard d'une autre femme, cinq minutes de retard, mon air de dromadaire, une seconde d'hésitation, une sale tronche, l'électricité de l'air, un vin éventé, une idée saumâtre, l'atmosphère du soir , un parfum empoisonné, un nuage devant les yeux, l'humeur d'un chien, le souvenir d'autres tempêtes, le feu sous la braise, l'acrimonie naît de toutes les étincelles. Parfois je me demande si Anna ne règle pas ses comptes avec son histoire à elle, une histoire qui ne me concerne pas sinon que je réveille chez elle des réflexes pavloviens en touchant des cicatrices encore vives. Elle refuse d'en parler."
Avec Elle portait un manteau rouge, Pierre Crevoisier nous offre un premier roman tout en tension, en violence, un roman intense aux scènes tour à tour dures, insoutenables, sensuelles, le tout servi par un style tantôt cru tantôt très poétique qui sert à merveille la description de cet amour destructeur. Un roman palpitant qu'on ne peut plus lâcher une fois commencé.
Bartle, jeune homme en quête de repères n'a pas de perspectives d'avenir, bien décidé à changer les choses il quitte le domicile familial contre l'avis de sa mère pour s'engager dans l'armée. Il y trouve un monde rassurant, un monde où il n'a pas de décision à prendre, pas de choix à faire. Il se lie d'amitié avec Murph, un garçon un peu plus jeune que lui.
Très vite les choses tournent au vinaigre quand les deux jeunes comprennent qu'ils vont partir faire la guerre en Irak. Lors d'une soirée organisée avec les familles juste avant le départ, Bartle fait l'erreur de
promettre à la mère de Murph qu'il ramènera son fils vivant d'Irak. Nous découvrons alors l'enfer du champs de batailles avec ces massacres, ses exactions d'un côté comme de l'autre.
Ce roman poignant alterne les scènes de guerre parfois à la limite du soutenables et les conséquences que le conflit a eu sur la vie de Bartle, un roman qui dénonce l'absurdité de la guerre. La guerre décrite comme un personnage ayant sa volonté propre. " La guerre prendrait ce qu'elle pourrait . Elle était patiente. Elle n'avait que faire des objectifs , des frontières. Elle se fichait de savoir si vous étiez aimé ou non . La guerre s'introduisit dans mes rêves cet été là, et me révéla son seul et unique but : continuer, tout simplement continuer. Et je savais qu'elle irait jusqu'au bout." Les soldats y sont décrits comme des morts en sursis qui ne se sentent vivants que lorsqu'ils voient tomber un camarade, ils ne se sentent vivants qu'en réaction à la mort qui frappe à côté d'eux. Ceux qui en reviennent ne sont plus que des coquilles vides seulement animées par la force de l'habitude et qui vivent dans le cauchemar de leur souvenir. Un très beau roman, très émouvant, perturbant.
Nous suivons dans ce roman deux garçons et deux filles pendant leur adolescence, de l'âge de quinze ans à vingt-cinq ans. Pendant ces dix ans nous allons être les témoins de leurs histoires de coeur, beaucoup, mais aussi de leurs aspirations professionnelles, nous allons assister à leurs errements, à leurs trahisons, à leurs petites victoires.
Aaron et Michael sont amis depuis l'enfance, même si pour Aaron les choses sont plus compliquées car il est amoureux de son ami. Il ne veut rien lui avouer car il a peur de perdre sa belle amitié. Dana vient se greffer au duo et devient
la petite amie de Michael, elle voit clair dans le jeu d'Aaron et une forte rivalité naît entre eux. Lisa elle est très attirée par Aaron même si elle comprend vite que son amour est voué à l'échec.
Tout au long de ce roman à quatre voix les personnages nous prennent à témoins, ils nous racontent de manière à la fois directe et pleine de pudeur leur questionnements autour de l'amour, de la sexualité, mais aussi de la politique, de la culture, nous livrant une véritable photographie de la société des années 2000. On les voit réagir aux attentats du 11 septembre 2001, au choc du résultat des élections présidentielles de 2002, aux affrontements au Moyen Orient. Le lecteur revit avec eux cette période et se souvient de comment il a réagit à ces événements. Un roman qui peut sembler léger au premier abord mais qui pose beaucoup de questions sur l'évolution de la société et sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte.
"Le temps avait passé. Il avait balayé quelques évidences, il m'avait mis face à des difficultés et à des dilemmes que je n'aurais pu imaginer.
J'avais décidé de grandir . Et apprendre à grandir malheureusement, c'est apprendre à renoncer.
J'avais fait le bon choix. Enfin, je crois."
Nous sommes en 1590. Le royaume de France est plongé dans le chaos suite à l'assassinat du roi Henri III. Son héritier légitime est rejeté par une partie de la population car huguenot. Henri de Navarre doit petit à petit, reprendre possession de son royaume par la force. Avec ses troupes il fait le siège de Paris, une capitale aux mains de La Sainte Ligue, groupement de catholiques acharnés. Très vite la famine ravage les rues de la capitale. Mais les ligueurs ne veulent pas céder.
"Et pour cause, dans les meilleures maisons de Paris, on avait faim. Les serviteurs ne recevaient
qu'une demi-livre de pain ou de bouillie par jour et étaient contraints de chasser chiens et chats.
La seule chose bon marché restait les sermons des prédicateurs qui assuraient que c'était fort agréable à Dieu que de mourir d'inanition. Certains déclaraient même qu'il valait mieux tuer ses enfants que de reconnaître pour roi un hérétique."
Dans ce Paris ravagé par la faim, un cadavre de femme en partie dévorée est découvert dans le cimetière des Saints Innocents. D'autres corps de femmes sont découvert par la suite, de qui on a bu le sang. Pierre Pigray, chirurgien appelé pour examiner les cadavres pense qu'il s'agit là des oeuvres d'un loup-garou. La Ligue va sauter sur l'occasion. Pour relancer la résistance émoussée du peuple de Paris, elle va lui faire croire que la responsable de ces crimes est une bête démoniaque envoyée par ce "chien de béarnais".
Olivier Hauteville, chevalier fidèle au roi légitime, va s'infiltrer dans Paris pour libérer un sympathisant du roi emprisonné car il avait tenté de faire entrer le roi dans Paris, essayer de déjouer un assassinat contre ce dernier et affronter une vieille connaissance en la personne de Louchart, commissaire félon acquis à la Ligue pour faire fortune.
Ce passionnant roman particulièrement bien documenté nous emporte dans ce Paris sous tension. Un Paris écartelé entre la soumission au roi légitime, et l'obéissance à la religion catholique marquée par le fanatisme religieux. Une Ligue elle même divisée en deux factions. Nous sommes également plongé dans cette période par le style de l'auteur, un style vif émaillé d'expressions de l'époque. Un style qui rappelle celui de Robert Merle dans Fortune de France qui reste pour moi une référence dans le domaine du roman historique. Nul doute, Monsieur d'Aillon que je replongerai avec délices dans les aventures de vos héros.
Le Terreno est un pays fictif d'Amérique du sud dirigé d'une main de fer par le général Pelaron. Après 10 ans de prison Alejandro Maldiga, guitariste du célèbre groupe Aconcagua dont le leader, le chanteur poète Victor Perez a été exécuté, retrouve la liberté. Dix ans passés dans la tristement célèbre prison La Ultima Cena : La Cène ainsi nommée car on y sert un bon repas aux condamnés à mort.
C'est un être brisé qui sort de prison, déjà pas très enthousiaste sur le message contestataire véhiculé par les chansons du groupe avant son incarcération, il est devenu
complètement résigné. Il avait rejoint le groupe pour faire carrière, pas par conviction. Doué techniquement, il lui manquait l'âme pour égaler son leader.
"Fais chanter cette guitare, tu en es capable. C'est la voix des gens qui ont perdu leur langue. (Elle tendit le bras en direction de la rue.) Ils sont devenus muets, on les a fait taire, ils ne sont plus bons qu'à attendre que la mort vienne les chercher. (Violeta hocha la tête. Une lueur rusée s'alluma dans ses yeux.) Voilà ce que doit pouvoir traduire ta guitare, cajoleuse, flatteuse, caressante, haletante, menaçante, hurlante."
Un jour il aide Beatriz Candalti, la fille d'un magnat proche du pouvoir, à échapper aux troupes lors d'une manifestation contre le régime. Elle va lui faire rencontrer plusieurs membres d'un réseau de résistance à l'oppresseur : Cristobal, le responsable de la bibliothèque de l'université, Joao artiste lui-même et responsable d'un village d'artistes situé dans la montagne et René Lafargue, un prêtre belge qui se consacre à l'aide des habitants les plus démunis des favelas de la capitale. Alejandro va se retrouver embringué dans ce mouvement de résistance contre son gré.
Le mensonge d'Alejandro est un roman passionnant où l'on voit les personnages lutter non seulement contre la dictature mais aussi contre leurs propres contradictions, leurs propres démons. Alejandro dont le courage n'est pas la première qualité, loin s'en faut, va se retrouver impliqué, par désir de reconnaissance, par besoin d'être aimé dans une entreprise dont la portée politique le laisse complètement froid. Un roman qui décrit par petites touches précises les dictatures d'Amérique latine, telles qu'en ont connues des pays comme l'Argentine, ou le Chili. Une belle découverte.
L'appartement du dessous de Florence Herrlemann
Enfin, il est arrivé. Après le séisme qu’avait provoqué en moi Le festin du lézard, je l’attendais avec beaucoup d’impatience, ce deuxième opus de Florence Herrlemann. Une impatience teintée d’anxiété : allais-je être autant emporté par L’appartement du dessous ?
Sarah, trentenaire, emménage dans son nouvel appartement du Marais. Le lendemain de son installation, elle découvre une lettre sur son paillasson. Sa voisine du dessous lui souhaite la bienvenue, lui pose des questions sur son appartement. Elle se présente très succinctement en laissant planer le mystère.
Les lettres d’Hectorine, centenaire à l’esprit vif se succèdent sans réponse de la jeune femme, trop occupée par son emménagement et par son activité de graphiste dans une maison d’édition. Agacée par cette avalanche de missives, elle finit quand même par répondre.
« Je voulais aussi vous dire que je travaille beaucoup et n’ai vraiment pas de temps à consacrer à l’écriture. De plus je ne suis pas très à l’aise avec ce mode de communication.
Je vous souhaite une bonne journée. »
Il en faudrait beaucoup plus pour décourager Hectorine qui commence à lui raconter son histoire. Une histoire qui englobe le siècle. De Cabourg où elle suit avec ses parents les pas de Marcel Proust, à l’enfer de la Deuxième Guerre Mondiale, la vieille dame, de père français et de mère allemande poursuit son récit.
Sarah se sent harcelée. Elle est excédée par l’insistance d’Hectorine. Elle ne comprend pas les raisons de cette correspondance. Hectorine cherche-t-elle un palliatif à son isolement ? A-t-elle autre chose derrière la tête ? La jeune femme le fait savoir à sa voisine :
« Je tenais à vous dire que vos lettres me mettent très mal à l’aise, un peu comme si elles ne m’étaient pas adressées. De plus, j’insiste, je me sens épiée, surveillée, obligée de… s’il vous plaît, restons-en là. Je vous le répète, je n’ai ni le temps ni l’envie de répondre à vos lettres. Je ne comprends pas la nécessité d’une correspondance entre nous. »
Mais Hectorine ne cède pas. Elle est déterminée. Elle est en mission et rien ni personne ne la fera renoncer.
« … ne précipitons pas les choses. Écoutons le judicieux conseil de François Rabelais dans son Pantagruel : « Tout vient à point à qui sait attendre » ! Sérieusement Sarah, il faudrait que vous parveniez à contenir votre impatience. Laissez-moi le temps, j’ai besoin de ce temps. Vous saurez. Je vous en fait la promesse. »
Comme Sarah, je me suis posé beaucoup de questions sur cette correspondance. Comme Sarah, j’ai été irrité par l’insistance d’Hectorine. Comme elle je me suis mis à attendre avec impatience sa prochaine lettre.
Quel beau roman nous livre ici Florence Herrlemann ! Qu’elles sont attachantes Hectorine et Sarah ! Leurs échanges, les tranches de vies, les bouquets d’émotions que nous offre Hectorine sont addictifs. J’ai été bousculé, ému, amusé, passant de l’irritation, aux larmes, du questionnement à l’amusement. Ce superbe roman est une véritable célébration de la vie, un hymne à l’amitié, à la transmission.
Avec une plume vive, superbe, en prise directe avec les émotions, Florence Herrlemann dépoussière le genre du roman épistolaire quasiment tombé en désuétude. Elle nous montre le pouvoir des mots, l’importance de prendre le temps, d’ajuster ses idées pour les exprimer au mieux, pour échanger, partager. Mais qu’il est compliqué de trouver les mots pour vous dire combien ce roman m’a bouleversé. Qu’elle est frustrante l’impression que j’ai de ne pas rendre les honneurs que mérite ce formidable texte !
Si comme le dit Hectorine : « nos émotions nous rappellent que nous sommes vivants », alors je vous assure que l’on ressort de ce roman plein de vie et prêt à la croquer à pleines dents. Un énorme coup de cœur !
L’appartement du dessous sera disponible dès le 27 février dans toutes les librairies. Jetez-vous à corps perdu dans cet extraordinaire roman vous ne le regretterez pas.