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À découvrir
Denis Arnoud n'a pas encore complété son profil
Le 11 mars 2011 sur l’île d’Honshu, au Japon, Junko est paisiblement en train de lire quand son chat devient nerveux, il se met à courir dans tous les sens, ses miaulements sont assourdissants. Junko a compris. Deux jours plus tôt, elle a rêvé d’une immense vague à la force dévastatrice.
Au même moment, une femme rousse est sortie sur le toit de l’hôtel, pour calmer son enfant en pleurs. La femme et l’enfant seront emportés par la vague.
Le 3 avril, à Paris, Achille est tendu. Il a une nouvelle bouleversante à annoncer à Maïwen, sa compagne. Sa sœur avec
laquelle il avait coupé les ponts ainsi que son mari sont morts au Japon, victimes du tsunami. Seul leur fils a survécu. Un miracle. Achille a décidé d’adopter son neveu et ne sait pas comment sa compagne va réagir.
L’enfant du tsunami, roman choral, nous fait découvrir le Japon meurtri par le tsunami puis par la catastrophe nucléaire de Fuskushima à travers les yeux de plusieurs personnages au Japon et en France. L’abondance de personnages, de dates et de lieux peut perturber dans un premier temps, mais les pièces du puzzle se rassemblent au fur et à mesure de la lecture.
Très bien documentée, l’auteure nous plonge dans un pays ravagé qui doit panser ses plaies se reconstruire.
Ce roman est bien celui de la résilience, de la reconstruction. La reconstruction d’un pays, d’un peuple, mais aussi celle des individus.
Junko, jeune institutrice traumatisée par la vague et ses conséquences va renaître aux côtés d’Hiro le pompier qui a sauvé Néthanel, l’enfant miracle, l’enfant espoir.
Kiyotane, lui, va retrouver un sens à sa vie en participant aux travaux de nettoyage et de liquidation de la centrale de Fukushima au péril de sa vie. Il veut laisser à sa petite fille Junko, un monde plus propre et plus sûr.
Achille et Maïwen vont voir leur amour renforcé par l’arrivée de Néthanel, il va agir comme un baume sur leurs blessures enfouies.
Mêlant faits réels, rêves et légendes, Eva Kopp nous plonge dans la reconstruction du Japon après le tsunami. Tout au long du récit, elle prend le lecteur à parti pour l’impliquer dans l’histoire et cela fonctionne très bien. Ce roman à la fois réaliste et onirique, je l’ai lu en une soirée. Un premier roman très prometteur.
« Soudain un vieil homme au crâne dégarni entre dans la pièce, une immense feuille de papier à la main. Le groupe de touristes s’écarte à son passage. Il s’assoit à même le sol et extirpe un pinceau et un flacon d’encre noire de son immense manche. On sent qu’un rouage intérieur s’est enclenché. Son regard est habité. Une vague d’une beauté monstrueuse dont la taille défie l’imagination surgit, avalant murs et tableaux. La foule prend peur et court vers les issues de secours. Le peintre continue son œuvre, impassible. Maïwen se sent mal. Le sol tangue sous ses pieds. Sa vision devient floue. La vague au squelette blanchâtre s’approche inexorablement. La griffe d’écume est prête à s’abattre sur des embarcations de pêcheurs. Un cri d’enfant retentit. Il y a un bébé dans l’un des bateaux. L’enfant hure à pleins poumons. Les touristes s’évanouissent. Maïwen s’écroule sur le sol. Sa tête heurte les rochers des falaises, son corps tombe à pic avant d’être emporté par la vague. Elle rejoint Néthanel qui porte une tenue de ski au motif de petits écureuils. Hokusai repose son pinceau. Il plisse les yeux et se les frotte d’un revers de la main. Quelle obscurité ! On n’y voit rien. Comment a-t-il pu peindre ainsi sans s’apercevoir que la nuit était tombée ? Mais où donc a disparu le temps ?
La tempe de Maïwen pulse au rythme d’un bruit strident. Vous l’entendez ? À tâtons, elle cherche à actionner le bouton. Ça y est ! 7 heures. »
Depuis que j’ai découvert la plume d’Alain Cadéo avec Zoé, je sais qu’ouvrir un de ses livres c’est vivre une expérience. Lire ses mots est un privilège trop rare.
Aussi fallait-il trouver le bon moment pour me plonger dans ces pages. Une nuit au coin du feu quand plus rien ne bouge dans la maison. Bien installé dans mon canapé, l’esprit en éveil, prêt pour le voyage.
Et me voici embarqué dans les pas de l’auteur sur les chemins de traverse. Ces chemins si peu fréquentés, seulement connus de quelques initiés. Ces chemins infestés de ronces, troués d’ornières.
À la recherche des mots, ces diamants bruts qui ne se donnent pas au premier venu.
« Lorsque vaillant trappeur, de nuit et silencieux, tu pars chasser les mots sauvages comme la loutre et le renard, tous tes sens en éveil, tu as avec toi ton grand collet de lune rousse, un filet d’encre noire, une fringale de titan. Et tu attrapes vivant un gibier au poil ébouriffé qui hume et sent le thym et les marais, la terre, le vinaigre, d’étoiles et le silex griffé. »
Ces mots, Alain Cadéo les met dans sa gibecière, bien au chaud et une fois rentré, il les polit, les débarrasse de leurs crapauds, de leurs impuretés, des traces de terre. Il les choisit, les combine au mieux pour en faire les plus beaux des colliers, les sertit dans des montures du métal le plus précieux pour nous les offrir.
Car ces mots qui pour l’auteur ont un caractère presque sacré, il ne les garde pas pour lui en vulgaire collectionneur. Non, il les offre à tous ceux qui comme lui sont des amoureux des mots.
Ces pensées poétiques et philosophiques qu’Alain Cadéo nous livre, nous poussent à la réflexion, à l’errance, à la béatitude, à la contemplation, en un mot : nous rendent meilleurs. Un livre à lire et à relire. Il ne quittera pas mon chevet.
Vous, amoureux des mots, ne passez pas à côté d’un tel joyau. Ce que vous aurez dans les mains c’est la quintessence du talent d’Alain Cadéo, un concentré de beauté. Noël approche, quelle plus belle occasion pour offrir à vos proches, amateurs de belle littérature, ces mots de contrebande. Un livre qui restera.
« Ces petits mots, ces intentions, ces billets, sont destinés à celles et à ceux qui, ne se connaissant pas, font partie de la même famille tellement éparpillée : les affamés d’azur.
Nous, mendiants de lumière, tendant la main pour des piécettes de partage, menue monnaie de notre joie, ce que nous cherchons c’est de pouvoir, sans aigreur ni amertume, poursuivre notre quête, nous rassembler autour des « mots de la tribu ». »
L'appartement du dessous de Florence Herrlemann
Enfin, il est arrivé. Après le séisme qu’avait provoqué en moi Le festin du lézard, je l’attendais avec beaucoup d’impatience, ce deuxième opus de Florence Herrlemann. Une impatience teintée d’anxiété : allais-je être autant emporté par L’appartement du dessous ?
Sarah, trentenaire, emménage dans son nouvel appartement du Marais. Le lendemain de son installation, elle découvre une lettre sur son paillasson. Sa voisine du dessous lui souhaite la bienvenue, lui pose des questions sur son appartement. Elle se présente très succinctement en laissant planer le mystère.
Les lettres d’Hectorine, centenaire à l’esprit vif se succèdent sans réponse de la jeune femme, trop occupée par son emménagement et par son activité de graphiste dans une maison d’édition. Agacée par cette avalanche de missives, elle finit quand même par répondre.
« Je voulais aussi vous dire que je travaille beaucoup et n’ai vraiment pas de temps à consacrer à l’écriture. De plus je ne suis pas très à l’aise avec ce mode de communication.
Je vous souhaite une bonne journée. »
Il en faudrait beaucoup plus pour décourager Hectorine qui commence à lui raconter son histoire. Une histoire qui englobe le siècle. De Cabourg où elle suit avec ses parents les pas de Marcel Proust, à l’enfer de la Deuxième Guerre Mondiale, la vieille dame, de père français et de mère allemande poursuit son récit.
Sarah se sent harcelée. Elle est excédée par l’insistance d’Hectorine. Elle ne comprend pas les raisons de cette correspondance. Hectorine cherche-t-elle un palliatif à son isolement ? A-t-elle autre chose derrière la tête ? La jeune femme le fait savoir à sa voisine :
« Je tenais à vous dire que vos lettres me mettent très mal à l’aise, un peu comme si elles ne m’étaient pas adressées. De plus, j’insiste, je me sens épiée, surveillée, obligée de… s’il vous plaît, restons-en là. Je vous le répète, je n’ai ni le temps ni l’envie de répondre à vos lettres. Je ne comprends pas la nécessité d’une correspondance entre nous. »
Mais Hectorine ne cède pas. Elle est déterminée. Elle est en mission et rien ni personne ne la fera renoncer.
« … ne précipitons pas les choses. Écoutons le judicieux conseil de François Rabelais dans son Pantagruel : « Tout vient à point à qui sait attendre » ! Sérieusement Sarah, il faudrait que vous parveniez à contenir votre impatience. Laissez-moi le temps, j’ai besoin de ce temps. Vous saurez. Je vous en fait la promesse. »
Comme Sarah, je me suis posé beaucoup de questions sur cette correspondance. Comme Sarah, j’ai été irrité par l’insistance d’Hectorine. Comme elle je me suis mis à attendre avec impatience sa prochaine lettre.
Quel beau roman nous livre ici Florence Herrlemann ! Qu’elles sont attachantes Hectorine et Sarah ! Leurs échanges, les tranches de vies, les bouquets d’émotions que nous offre Hectorine sont addictifs. J’ai été bousculé, ému, amusé, passant de l’irritation, aux larmes, du questionnement à l’amusement. Ce superbe roman est une véritable célébration de la vie, un hymne à l’amitié, à la transmission.
Avec une plume vive, superbe, en prise directe avec les émotions, Florence Herrlemann dépoussière le genre du roman épistolaire quasiment tombé en désuétude. Elle nous montre le pouvoir des mots, l’importance de prendre le temps, d’ajuster ses idées pour les exprimer au mieux, pour échanger, partager. Mais qu’il est compliqué de trouver les mots pour vous dire combien ce roman m’a bouleversé. Qu’elle est frustrante l’impression que j’ai de ne pas rendre les honneurs que mérite ce formidable texte !
Si comme le dit Hectorine : « nos émotions nous rappellent que nous sommes vivants », alors je vous assure que l’on ressort de ce roman plein de vie et prêt à la croquer à pleines dents. Un énorme coup de cœur !
L’appartement du dessous sera disponible dès le 27 février dans toutes les librairies. Jetez-vous à corps perdu dans cet extraordinaire roman vous ne le regretterez pas.