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À découvrir
Gaspard R. n'a pas encore complété son profil
Un livre tant drôle qu'on soupçonnerait presque l'auteur de se laisser aller à une persuasion fourbe pour nous faire adhérer à des idées qui, autrement, nous révulseraient. Mais c'est bien gratuitement, finalement, que Léon Bloy se fait virtuose de la langue française (empruntant des mots à l'argot, au passé, au latin et même à sa propre imagination) ; car toutes ses convictions, toutes ses protestations et ses attaques plus incisives qu'un crochet de serpent dirigées contre les porcs au cœur corrompu de son époque, sont justes et belles, comme portées par un souffle de Vérité révélatrice du néant paré du costume des hommes de bonne société, les antichrists annoncés par la Bible.
Enfin une nouvelle traduction de ce prodigieux conte de fées qu'est Le Seigneur des anneaux. Et tout comme pour Le Hobbit, cette traduction est plus proche de l'original, à tous les niveaux (ce qui est le but d'une traduction, qui doit le moins possible altérer, en bien ou en mal, l'œuvre d'un auteur).
Alors certes, la traduction de Francis Ledoux était elle même louable et de qualité, mais c'est bien peu comparé à celle de Daniel Lauzon. Fluide, disent la plupart, et assurément ça l'est. Mais bien mieux : c'est musical, drôle parfois, terrifiant d'autres fois, haletant lors d'un
chapitre et beau dans l'autre ; c'est une œuvre multiple, dont les nombreuses facettes nous étaient masquées par l'ancienne traduction. Cette fois-ci, la personnalité de chaque personnage est évidente, les émotions sont vives, le talent que Tolkien a de créer un monde cohérent et vraisemblable (et intéressant pour le lecteur de par son applicabilité à notre propre condition) transparaît dans notre langue bien-aimée.
Les poèmes sont une surprise agréable : enfin, j'ai pu lire la chanson d'Eärendil en entier - et avec un incommensurable plaisir. Toutes sont lisibles, musicales, qu'elles soient belles ou drôles.
Tant de choses à dire. Mais il faut s'arrêter. Merci à MM. Lauzon, Ferré, et à tous ceux qui ont contribué à cette traduction et qui, eux, ne vont pas s'arrêter avant longtemps de traduire et retraduire Tolkien, travail monumental mais, je n'en doute pas, agréable.
Inégale jeunesse
Quelques profondes réflexions sur l'amour, le désespoir et l'empathie. Trois citations pour l'exemple :
« "Être en couple", voilà ce qu’il avait voulu. Simplement, comme quelques années s’étaient écoulées avant qu’Agnès n’entre dans sa vie, il avait cru l’aimer pour elle-même. Il avait nommé amour une attirance qui n’était qu’un effet de sa solitude. Ç’avait été Agnès ; ç’aurait pu être une autre. »
« Mais, vrai, je quitterais bien ce monde, non parce qu’il est laid et cruel – il l’est, pourtant –, mais parce qu’il est beau et doux, c’est trop pour moi. Je laisserais ces gens pétulants qui s’y sentent bien, et je m’éclipserais sans bruit pour un autre monde, un monde sans amour. Vous comprenez, je dois partir de ma propre initiative ; autrement, ceux qui vont bien, qui donc les débarrassera de la tristesse et des tristes?… »
« Il aimait ses proches et ses parents mais se désolait de voir que tous attendaient de lui qu’il se découvre "une passion" pour quelque chose, comme si la vie était assez immense pour accueillir en elle la grande passion de l’amour et conserver encore un peu de place pour une autre. Les autres êtres vivants dont la Terre est peuplée se contentent de ce qu’ils sont aptes à contenir et pour quoi, du reste, ils ont été façonnés ; les humains seuls, une fois envahis de l’unique force indispensable à leur existence, se gavent jusqu’à mort de leur âme de fadaises insalubres qu’ils nomment "passions", blasphémant la vérité. »