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Notes et avis 1 à 10 sur un total de 12
Au mois de juillet 2016, le Tour de « France » est terrifié : un assassin, caché au sein du peloton, menace les 198 concurrents.
Les favoris sont mis « hors d’état de nuire ». Steve Panata – le leadeur américain de La « Fonar », assisté de Marc Moreau, surnommé Annibal (1), son ami franco-colombien depuis 10 ans et « gregario » (2) de l’équipe - demeure le seul susceptible de gagner la course pour la cinquième fois consécutive.
La victoire des équipes favorites, rivales de la « Fonar », est compromise. Les soupçons se dirigent très vite en direction des leadeurs
de quatre autres plus modestes susceptibles, toutefois, d’inquiéter Steve Panata.
Pour démasquer le coupable, garantir la loyauté de la compétition, Marc Moreau, le narrateur, assiste - au cœur de l’organisation, durant les 21 étapes - l’inspecteur Favre. Annibal doit redoubler de sagacité : aider Steve à gagner, confondre le coupable résolu à voler la victoire ou, plus redoutable, à ruiner la crédibilité du Tour de France.
Le temps presse. Rencontres et discussions dérobées "agrémentent" les dessous du « Tour ». Annibal et son "amante", Fiona, responsable technique de l’équipe, le colonel Lombard, son mentor, Ray, le journaliste et, bien entendu, l’inénarrable inspecteur Favre s’efforcent d’élucider le complot.
Tous les suspects ont un mobile ; l’enquête est laborieuse ; les hypothèses ne cessent de varier. De l’italien Matosas, désormais favori, à Steve lui-même, jusqu’au directeur sportif de l’équipe « "Fonar" », menacé de limogeage si Steve échoue ; tous seront un instant soupçonnés.
Annibal est-il aussi innocent qu’il n’y parait ? En effet, une autre réflexion le tourmente. Exploitera-t-il les circonstances pour trahir son ami, Steve : s’échapper, aux derniers instants décisifs de la compétition, à la conquête du maillot jaune ?
Mort contre la montre, publiée en France au mois de juin 2019 (Actes Sud - Actes Noirs), est le dernier roman de Jorge Zepeda Patterson. Diplômé de plusieurs universités d’Amérique du Sud et d’un doctorat de sciences politiques, délivré par la Faculté de la Sorbonne à Paris, Zepeda Patterson, journaliste et écrivain, est né, en 1952, à Mazatlán (Mexique, Etat du Sinaloa). Son premier roman, les « corrupteurs » (2013), est finaliste du prix Hammett. L’année suivante, il publie « Milena ou Le Plus Beau Fémur du Monde ». Ces deux romans dénoncent la corruption au Mexique ; ils sont également traduits pour les éditions Actes Sud.
« Mort contre la « montre » est une performance pour qui ignore tout et n’accorde aucun intérêt au Tour de France ; les plus rompus identifieront d’authentiques références - champions, anecdotes et scandales divers. La totale réussite de ce roman tient de l’invention d’une édition originale du Tour de France intégrée à une remarquable fiction policière.
L’intrigue est prodigieusement conduite et maîtrisée. Durant plus de 300 pages, soit autant de chapitres que composent les 21 étapes du Tour de France – l’auteur domine rythmes et mesures ; aucun répit n’est laissé au lecteur. L’intrigue, élaborée « au cordeau », est méticuleuse, irréprochable, palpitante, crédible. Les enchaînements, les recoupements, mais encore « les fils » secondaires, sont cohérents. Le tempo est vibrant, palpitant, inquiétant, parfois, notamment lors des récits d’étapes. Il apporte une plus-value au suspense de l’enquête criminelle étroitement liée aux stratégies de la course.
Bien évidemment, l’effervescence du récit n’est pas constante durant 300 pages, mais l’auteur possède le goût et l’aptitude d’alterner emballement et répit de l’écriture ; seuls les virtuoses y parviennent sans jamais lasser, ni agacer.
L’intrigue est la matière principale du roman policier, mais elle ne suffit pas à assurer le résultat de celui-ci. Les personnages, principaux et secondaires, la qualité des descriptions - les paysages, les lieux, les ambiances - incarnent des éléments essentiels. Jorge Zepeda « Patterson y parvient admirablement.
Les protagonistes du roman consacrent définitivement la réussite de celui-ci. Steve Panata, mais Annibal plus particulièrement, investissent merveilleusement les rôles de personnages principaux. Jorge Zepeda Patterson extrait ses héros de l’œuvre fictionnelle ; l’on s’éprend, tout au long du récit, pour la personne attachante d’Annibal ; à aucun instant, il ne cesse d’habiter le lecteur.
Marc Moreau et Steve Panata se sont connus, il y a dix ans, lorsque ce dernier intègre, en 2006, la firme belge Ventoux « pépinières légendaires de professionnels » ; ce dernier sera préféré au premier, pourtant plus ancien et non moins talentueux, pour succéder au leadeur historique de l’équipe. Moreau fera abnégation de son talent pour le succès du champion, et encore dix ans après, au sein de l’équipe Fonar.
Pour autant, les deux coéquipiers, au parcours et d’origine sociale très différents, sont comme deux frères :
"Je me demande…si la profonde amitié qui finirait par unir nos vies n’était pas née de cette alliance initiale fondée sur la protection mutuelle. Nous étions éblouis l’un par l’autre…Steve avait grandi dans du coton…au Nouveau-Mexique. Ses parents avaient…encouragé son obsession pour le vélo…il les avait toutes remportées (les compétitions)…Je devins ce que je suis, poussé par les circonstances, comme tous ceux qui s’appellent pas Panata ; j’ai fini par être un cycliste – comme d’autres finissent …employés de bureau…En revanche, Steve était de ces êtres humains dont l’avenir est la conséquence d’un dessein tracé à l’avance… Il trouvait que ma situation de quasi-orphelin était une débauche de liberté…"
(P.14-15)
L’auteur éprouve les sentiments d’amitié, d’amours, de fidélité entre ces deux garçons, ceux d’Annibal, surtout, qui pense, pour la première fois après dix années de loyauté, trahir son ami et lui « ravir » la victoire. Mais peu importe, au fond : Patterson crée un personnage extraordinairement attachant.
Tous sont du même niveau émotionnel : méprisables, généreux, amusants, grossiers, émouvants, ambigus souvent, mais rarement tièdes.
Enfin, l’auteur a effectué un travail précis pour citer tel village, un endroit moins connu en France. Comment aurait-il pu en être différemment, au risque de ruiner la qualité d’un roman policier bâti autour du commentaire des étapes du Tour de France ?
L’intrique est talentueuse, le réalisme assuré, l’atmosphère exprimée.
Bonne lecture,
Michel.
Lien (mes chroniques) : https://fureur-de-lire.blogspot.com
1) A 22 ans, durant ses années de régiment, Marc Moreau fut ainsi surnommé par la presse régionale. Le colonel Bruno Lombard avait formé une jeune équipe de cyclistes dans laquelle il l’intégra. Remarqué pour ses "penchants pour la montagne", les médias le surnommèrent Annibal « » du nom du général punique qui avait entraîné son armée à travers les Pyrénées et les Alpes à dos d’éléphant pour attaquer la Rome antique.
2) Gregario (cyclisme) : terme de cyclisme sur route qui désigne un type de coureur dont l’objectif principal, voire exclusif, est d’aider le leadeur d’équipe à atteindre ses propres objectifs sportifs. Il a pour rôle d’aider le coureur en lui apportant de la nourriture et de l’eau mais également à lui changer de vélo en cas de crevaison ou autres problèmes mécaniques. Il est également sollicité pour aider son leader à réussir son échappée en prenant ses relais ou en "cassant" le rythme des concurrents. (Source Wikipédia)
Le 14 novembre 2014 à 8 heures 30, Eric Deguide quitte le domicile d’Emily. Puis, il disparaît. Que cache ce professeur de droit international Belge trentenaire, à l’esprit aussi brillant qu’impulsif et imprévisible ? Seule certitude, son véhicule est retrouvé abandonné dans le parking de l’aéroport de Zaventem, alors qu’aucune caméra de surveillance ne l’y a vu entrer. Pour autant, la police est convaincue de son départ précipité et définitif : pour les enquêteurs, Deguide a abandonné son travail, ses collègues et sa compagne, Emily.
Emily…
Obsédée par
les chiffres et les nombres jusqu’à la monomanie, celle-ci demeure dans l’incertitude durant 614 jours, deux années pendant lesquelles elle ne cesse de « ressasser » la dernière journée d’Eric, d’espérer… En vain, nonobstant quelques espoirs nés de la rencontre avec le très sulfureux Michel, webmaster d’un site dédié aux personnes disparues.
Alain Lallemand, journaliste au quotidien d’investigation belge « le Soir », secondé par l’inénarrable Fred, s’intéresse à cette affaire : il a connu Eric par le passé. Sa détermination à tenter d’élucider cette affaire est d’autant plus vive lorsqu'Eric réapparaît….
« Un jour comme les autres », publié aux éditions Hervé CHOPIN, est le quinzième « roman » de Paul Colize, vivant à Waterloo. L’auteur a reçu de nombreuses et prestigieuses récompenses, exhortant à relever la qualité de celui-ci : prix Landerneau du Polar (Lauréat), prix Polars Pourpres et Boulevards de l’Imaginaire, prix Arsène Lupin, Grand Prix de la littérature policière… Auteur aux multiples facettes, sa diversité traduit un travail important d’investigation : Zanzara (le journalisme, où apparaît déjà Alain Lallemand), un parfum d’amertume (le polar de détective), un long moment de silence (l’enquête historique)…
Il est peu aisé d’assigner péremptoirement un genre à cet ouvrage : policier d’enquête, de victime…Mais il est évident que ce récit se situe à la périphérie de la « Littérature ». Les lettres de Massimo, « personnage secondaire », en sont le témoignage par exemple :
« …ce matin, le lac était enveloppé de cette brume qui apeurait votre chien ; Vos visites me manquent. Nos rencontres me comblaient d’un bien-être jusqu’alors ignoré. Je vous revois, vous agitant…passant du rire aux larmes, vous moquant avec attendrissement de mes silences, bousculant sans le savoir mes plus intimes convictions… »
(P.175).
Paul Colize crée une enquête parfaitement maîtrisée - dont l’intrigue policière, soumise à la perspicacité du lecteur - n’est qu’un prétexte à la narration et à la dénonciation de scandales géopolitiques d’une éclatante actualité. Dans ce contexte, l’auteur met en exergue le rôle difficile et bien compris des lanceurs d’alerte et des journalistes d’investigation en soulignant, pour ces derniers, l’importance d’un travail rigoureux. Colize ne cache pas la réalité de la plupart de ses personnages, Alain Lallemand plus particulièrement, journaliste d’investigation au « Soir » et romancier.
C’est avec une maîtrise exceptionnelle de la langue française – de plus en plus délaissée dans la littérature de ce genre - que Colize nous propose un « roman » précis, au moyen d’une documentation recherchée, servi par une intrigue très aboutie et addictive.
L’originalité du récit, structuré sur le modèle d’un opéra en quatre actes – réside dans sa construction « journalistique ». L’auteur déroule la trame, sur plus de 400 pages, élaborée au moyen de très courts chapitres qui pourraient constituer un « dossier de presse sous forme de puzzle ».
Cet ouvrage n’est pas un documentaire, mais un « roman », tout au moins dans sa forme, destiné à satisfaire le besoin de suspens du lecteur… L’auteur y parvient magistralement.
Les personnages, principaux ou secondaires, sont très travaillés et gorgés de richesse : attachants et cocasses souvent (Fred, collègue de Lallemand et Camille, sa compagne) ou répugnants, parfois (Michel, le webmaster…). L’auteur s’applique à leur donner toute la richesse et la finesse psychologique avec parfois un sens de l’humour grinçant pour amplifier leur personnalité tout en allégeant la dramaturgie du récit.
Je remercie très chaleureusement les éditions Hervé CHOPIN et BEPOLAR de m’avoir permis de découvrir le dernier récit de Paul Colize et pour ces quelques heures de bonheur et de délectation à le lire.
Michel BLAISE.
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Sur le mode de la « nouvelle », ce recueil présente 16 « histoires », mettant en scène un ou plusieurs personnages. Il s'agit toujours d'individus banals, de situations ordinaires, mais qui nous ouvrent une fenêtre sur un genre de « comédie humaine » moderne. On y découvre - à un moment ou un autre – un prétexte immédiat, parfois ancien, pour s'identifier à une situation, se souvenir d'une autre, ranimer un sentiment, une perception, une sensation, une bref instant de vie parfois, tout simplement.
« On est bien peu de chose », publié par les éditions de la Remanence en
2018, est le premier ouvrage connu de Béatrice Repoux – Rieussec, avocate de profession à Lyon.
C'est avec une parfaite maîtrise de l'écriture, un sens du détail faussement simple et anodin que l'auteur parvient admirablement à réussir parfaitement son premier recueil. Sur la forme, une écriture empreinte constamment de musicalité, allitérations et assonances. L'auteur n'usurpe pas les compliments qui lui sont faits : c'est un écrivain digne de ce nom.
Des personnages imprégnés, sublimés, accablés. La première nouvelle « le bouquet » en est une parfaite illustration : lorsque cet employeur, d'un âge avancé, donne rendez-vous à sa jeune secrétaire « je me calme, elle s'appelle Clarisse, d'ailleurs la voilà, elle arrive au bout du pont, elle a détaché sa magnifique chevelure flamboyante qui se déploie dans la brise du soir et j'ai juste le temps de balancer mon bouquet (de fleurs) par-dessus le parapet »
Les personnages - le lien entre ces nouvelles- sont conscients de ne pas pouvoir conjurer le cours des choses et des événements.
Lorsque Geneviève (la déroute, nouvelle 2), divorcée, prend véritablement conscience que Bernard a quitté définitivement sa vie, son « voyage » en train chez le notaire pour quelques formalités, la plonge rapidement dans le pathétique de la solitude brusquement ravivée. On retrouve dans ce petit texte, ou finalement tout est dit, l'atmosphère dépeinte dans le sublime nouveau " la parure" de Maupassant.
C'est une vision lucide de la société, de la condition imposée, de l'immutabilité d'un caractère, de la pusillanimité, autant d'écueils qui rendent bien vaine la quête d'une vie meilleure. Une condamnation sans réserve du libre-arbitre.
Certes, de courtes nouvelles, parfois inégales, mais relayant le même propos en donnant ainsi à l'ensemble sa cohérence et sa puissance suggestive.
Toute proportion gardée – car il n'est pas faire injure à l'auteur de lui refuser toute comparaison avec Maupassant, E. BOVE, MALMUD…, mais il est difficile de ne pas songer à ces derniers auteurs en lisant les nouvelles de Béatrice RIEUSSEC.
Merci aux éditions de la Remanence pour ces quelques heures de bonheur.
Michel BLAISE
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"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles". La maxime de Sénèque a probablement inspiré Laura Zante, docteur en histoire à Palerme, lorsque, par un bref "courriel nocturne", elle sollicite, en prévision de son passage à Paris, un rendez-vous auprès de François Lapierre, célibataire de 43 ans, professeur d'histoire à la Sorbonne. Dubitatif, mains néanmoins curieux, celui-ci la reçoit aussitôt à l'université. Il ne soupçonne pas que cette jeune femme - séduisante, intelligente et coriace
- va modifier le cours de sa vie.
Laura dit détenir un palimpseste mystérieux et secret, attribué au philosophe Sénèque, ("la source S" (1)), "un peu particulier, constitué par un texte en latin, et une traduction française qui date du début du 19è siècle". Si le document est authentique et dévoilé, il est de nature à provoquer un conflit majeur à propos des origines judéo-chrétiennes de notre civilisation. Il n'en fallait pas moins pour exacerber l'appétence de l'historien. Aussitôt, les deux protagonistes - unis par un lien professionnel, très vite renforcé d'une réciproque passion amoureuse et culinaire - conviennent d'enquêter sur l'authenticité de la "Source S", mais également de rechercher la dernière page manquante du document, afin que celui-ci soit intègre, historiquement vraisemblable, et ne constitue pas une banale "rumeur historique " ressurgit du passé.
Désireux de dévoiler au monde entier un "évènement" autant inouï que sidérant, l'enjeu se confirme considérable pour Laura et François.
Cependant, la mafia, le Vatican et les services secrets israéliens s'intéressent également à la Source S. L'enquête conduira François et Laura - parfois au péril de leur vie et de de leur amour naissant - à voyager de Palerme à Dublin, en "abandonnant" quelques cadavres sur leur passage.
Découvriront-ils l'origine et l'explication de l'énigme ? Pourront ils publier leur découverte et à quel prix pour l'humanité ?
Il serait injuste de révéler le dénouement de l'intrigue ici, sauf à dire qu'il convient de se garder des apparences et qu'une rumeur peut toujours en dissimuler une autre...
Philipe Raxhon est professeur à l'université de Liège et chercheur honoraire du Fonds National Belge de la Recherche Scientifique. Il enseigne, plus particulièrement, l'histoire contemporaine et la critique historique. Il est l'auteur de nombreux livres et documents sur les relations entre l'histoire et la mémoire, ainsi que scénariste de documents fictions. "La Source S" est son premier roman publié avec le concours de la société Libranova.
Des critiques prétendent que la Source S ne serait pas formellement un "thriller". Ce genre de littérature aspire à provoquer chez le lecteur un sentiment de malaise, de peur et d'angoisse dans le but de divertir. Il procède d'une enquête ou le récit est étroitement lié aux connaissances, aux pensées et points de vue de l'enquêteur, derrière lequel l'auteur se dissimule, où la psychologie des personnages principaux tiennent une place prépondérante dans l'intrigue. Il évolue dans une ambiante de suspense, de religion, de technologie… En la circonstance, tel est bien le cas dans le roman de Philippe Raxhon.
"La Source S est un thriller ésotérique, au même titre, par exemple, que "Da Vinci code" de Dan Brown. Ce sont effectivement l'ensemble des éléments précédemment décrits, proposant un agréable moment de lecture, que nous trouvons dans la fiction de Philippe Raxhon.
À cet égard, la structure du roman est fort bien pensée. Ainsi, dans "la première partie", sans toutefois négliger, le suspens l'intrigue et les conspirations, l'auteur débute au moyen de solides connaissances historiques, adroitement vulgarisées, au service d'une intrigue, en exhortant le lecteur à parfaire les siennes.
Certes, le récit souffre, par endroit, de longueurs, qui n'apportent aucune plus-value au récit (surabondances de dialogues et de scènes culinaires de peu d'intérêt). Mais le rythme initial, très vite dominé par l'auteur, est tout à fait légitime. En effet, afin de raconter, aux "parties suivantes", une intrigue vivante, mouvementée, parfois tourmentée, Philippe Raxhon devait nécessairement et préalablement informer de certains points autant théoriques que factuels.
C'est ainsi que les traits de Laura, "la cadette", et de François, également célibataire et très réceptif au charme féminin, héros principaux, "apparaissent" vite. Ceux-ci s'abandonnent à des aventures où s'entremêlent inlassablement, pour notre plus grand plaisir de lecteur – malgré certaines scènes improbables - voyages, "suspens" intrigues, amour, désamour, humour. Leur personnage, scrupuleusement élaboré, ne manque pas de saveur : Laura, résolue, opiniâtre, face aux dangers de l'enquête, doit encore faire ses preuves dans le corps de l'enseignement universitaire ; s'adjoint à cela un tempérament très affirmé, qui contraste avec celui de François plus prudent. Inévitablement, des désaccords et des tensions surgissent quant aux décisions à prendre. Les personnages secondaires sont tout aussi savoureux parfois. L'évocation de leur nom suffit pour montrer que Philippe Raxhon n'a pas négligé l'humour, quelquefois : Hugo Boss, La Mouche, Le Paresseux…
Au moyen d'une écriture agréable et honorable, Philippe Raxhon divertit, instruit, parfois ; il ouvre le chemin à la réflexion sur des questions essentielles - telles la mémoire sur les origines de notre civilisation et son histoire – et stimule le désir d'aller plus loin par d'autres lectures, recherches et réflexions… Nous aimons, ça !
"Ecoutons" l'auteur :
"La mémoire est l'aliment de notre identité, c'est d'elle que nous tirons notre capacité d'anticipation, mais c'est elle aussi qui nous inhibe devant l'inconnu de l'avenir (Page. 517).
Je le remercie Philippe Raxhon de confiance, ainsi que Simplement Pro, de m'avoir permis de découvrir La Source S.
Michel BLAISE.
1) A ceux qui ont apprécié le roman de Philippe Raxhon, je conseille la lecture de ceux de José Carlos Samoza et, plus particulièrement, la caverne des idées et la théorie des cordes.
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" Le progrès fait rage et le futur ne manque pas d'avenir". Ainsi, Philippe Meyer concluait naguère ses chroniques matinales sur France Inter. Ce roman, "le cri des corbeaux" ne l'a pas démenti...
Julie et Théo, jeunes trentenaires du nord de la France, sont les heureux gagnants, suite à un concours sur internet, d'un séjour en amoureux de quelques jours dans une villa, située à un endroit inconnu, près du "lac des corbeaux". Ils sont conduits, à bord d'une luxueuse voiture, vers une destination inconnue. Arrivés à destination, le conducteur, énigmatique et taiseux, leur remet
les clefs de la maison, puis quitte promptement les lieux. Julie et Théo jouissent rapidement du luxe à leur disposition : installation dans l'une des deux chambres rutilantes, jogging pour Théo dans l'immense parc de la propriété, bain dans le jacuzzi, préparation d'un délicieux repas pour le diner…
Rapidement, ils sont surpris par l'arrivée d'un couple parisien, Agathe et Simon, lauréats du même concours. Tous pensent à une erreur et, espérant pouvoir joindre les organisateurs afin de comprendre, mais seulement le lendemain faute de réseau téléphonique. En attendant, ils conviennent de partager, bon an mal an, le repas, la soirée et la nuit au sein de la villa.
Le séjour des quatre occupants prend immédiatement une exposition et un rythme effroyables et angoissants : pannes d'électricité à répétition, chutes de neige abondantes, rupture des mécanismes d'ouverture de toutes les issues de la propriété… en même temps, c'est le temps d'une première disparition : Agathe demeure introuvable. Sera-t-elle la seule à "s'évaporer" mystérieusement ?
"Le cri des corbeaux est le premier roman publié, en 2019, par Mattieu Parcaroli aux éditions Jean-Claude Lattès/Le masque. Il est également l'auteur d'une nouvelle - "Polenta" - récompensée par l'attribution de la deuxième place du "prix "E-crire Aufeminin" 2016".
Les romans policiers – au sens générique – ne sont pas une sous-catégorie de la Littérature. Il est donc regrettable d'observer que certains, parmi eux, méprisent les règles les plus élémentaires de la syntaxe et de l'orthographe et sont élaborés au moyen de mots, de formules et de phrases très approximatifs qui expriment des idées du même ordre. Le roman de Matthieu Parcaroli est de ceux-là : une fiction mal rédigée dont l'écriture est très imprécise, élaborée au moyen de dialogues niais et immatures. Plus de la moitié du livre, après des dizaines de pages et de descriptions simplistes et maladroites, est structuré essentiellement autour de dialogues sans intérêt, souvent ridicules :
- "Une box. Tu sais, ce truc pour avoir internet ? En théorie, ça devrait être pas loin de la télé…" ; "Je n'arrive même pas à trouver une prise téléphonique. C'est dingue !"; "Y'a de quoi passer de bonne soirée"… (P. 41,42),
- "Lorsque l'on souhaite que, chaque fois que l'on fait l'amour à l'autre, ce soit un véritable feu d'artifice, une symbiose totale ou l'on puisse s'abandonner sans aucune retenue. Des moments où l'on pense uniquement à l'autre et jamais à soi…"(P. 102)
- Si j'avais su qu'il y aurait eu du feu, j'aurais apporté des saucisses (P. 142),
- "Malgré ses bonnes résolutions" (sic), il avait souhaité très fort qu'il glisse dans l'escalier…"(P56, 57),
-"C'est limite dangereux : imagine, on fait un malaise ou on se blesse" (pour évoquer l'absence de téléphone portable), (P 58),
- La maison était tellement vide qu'un écho s'y était installé… (P 91),
- Ils étaient fins prêts pour partir à la recherche de leur(s) (sic) moitié(s)" (sic) (P. 127),
- "Sois rassurée…ce n'est pas une proposition indécente…et de toute façon, je n'ai pas pris de capotes (P.143) etc…
Le récit ne maîtrise pas la langue française, son texte est pauvre, son écriture négligée.
Il ne suffit pas d'inventer une idée pour réussir un roman, y compris un roman policier. Victor Hugo a écrit "la forme, c'est le fond qui remonte à la surface". Cette maxime s'accorde idéalement avec le roman " le cri des corbeaux". L'intrigue imaginée par l'auteur, nonobstant les avis lus ici et là, est "facile", sans prétention et démagogique au plan littéraire. Elle ne défie pas l'imagination et l'intelligence qui sied à tout récit policier ou thriller digne de ce nom. Elle est une injure à ce genre de Littérature et, plus particulièrement, à celui du "whodunit" (1) – certaines critiques ont comparé le "cri du corbeau" au roman d'Agatha Christie, dix petits nègres - excusez du peu" !
Pour conclure, le cri des corbeaux est un très mauvais roman.
Je remercie bien vivement Babélio ainsi que les éditions Jean-Claude Lattès/ Le masque de m'avoir permis de participer à cette nouvelle "opération, masse critique".
1) Le whodunit est devenu synonyme du roman d'énigme classique du début du XXe siècle, appelé aussi roman problème ou roman jeu. Ce roman de détection est une forme complexe du roman policier dans laquelle la structure de l’énigme et sa résolution sont les facteurs prédominants. Au cours du récit, des indices sont fournis au lecteur qui est invité à déduire l’identité du criminel avant que la solution ne soit révélée dans les dernières pages. L’enquête est fréquemment menée par un détective amateur plus ou moins excentrique, par un détective semi-professionnel, voire par un inspecteur de la police officielle.
Le roman de type « mystère en chambre close » est une forme particulière de « whodunit » et renvoie à une énigme où la victime aurait été tuée ou agressée dans un local apparemment étanche dont le coupable se serait échappé de façon irrationnelle.
En principe, le lecteur doit disposer des mêmes indices que l'enquêteur et donc des mêmes chances que lui de résoudre l'énigme, l'intérêt principal de ce genre de romans étant de pouvoir y parvenir avant le héros de l'histoire. (Source Wikipédia).
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"Cherchez le, sentez le avec vos mains, ne réfléchissez pas,…soyez plus sage que votre tête"… (Matt Damon, la légende de Bagger Vance).
Mariés depuis 25 ans, Juliet et François forment un couple comblé. Elle – quarante-cinq, professeur et sociologue à Paris, est éprise de littérature anglaise, celle dont les auteurs racontent la vie d'héroïnes amoureuses, tourmentées, malmenées, violentées. Ces personnages l'instruisent, pallient les carences de « l'éducation sentimentale » d'une mère disparue trop tôt. Lui -
est un époux aimant. Ils ont trois enfants. Un parcours et une perspective idéales, à priori…
Depuis sa rencontre avec Jérémy, devenu son amant au mois de mai 2015 – « photographe - reporter », célibataire et libre de toute attache familiale – Juliet doit affronter, durant huit mois d'amours clandestines, un dilemme : sauver son mariage ou quitter son époux et partir avec Jérémy. La raison ou la passion ? Tel est le choix que Juliet va devoir faire en se replongeant dans les intrigues de ses héroïnes préférées des romans anglais quand elle était enfant, en s'identifiant à elles, et dans le « petit cahier » laissé par sa mère, « son seul héritage ». Car, sa psychiatre, le docteur Barel, ne lui est pas d'un grand secours.
Au mois de janvier 2016, Jérémy, las de l'indécision de Juliet, part définitivement pour Beyrouth et met un terme à leur liaison. Juliet, désemparée, avoue tout alors à François. Elle jure que "tout est terminé". François pardonne. Juliet ment, elle pense toujours à Jérémy…
Six mois après, un matin du mois juin 2016, Juliet est assisse à proximité du jardin du Luxembourg : dans une heure, elle a rendez-vous avec celui qu'elle a enfin choisi…
Juliet est-elle enfin délivrée de son dilemme ? Pas si sûr…
Sylvia Tabet est écrivain et peintre. "La femme qui lisait des romans anglais", publié aux Editions JC Lattès / Le Masque, est son cinquième roman (1). Les romans d'apprentissage - "une bonne éducation" (Éditions Dialogues, 2013) - de même les récits intimistes – "je n'ai pas vu tes yeux" (Hachette, 2002), "les patientes", (La Découverte, 2010), "l'atelier rouge" (Éditions Dialogues, 2010), - sont les genres privilégiés par Sylvia Tabet pour évoquer certaines questions sociales sur la condition des femmes, la maladie, le sentiment amoureux, mais aussi l'art, la culture, l'éducation…
Il y a des livres qui font l’actualité - dont certains nous régalent, d’autres moins. Et puis, il y a les livres plus discrets ; ils n’en sont pas moins meilleurs, loin s’en faut. "La femme qui lisait des romans anglais" fait partie de ceux-là. Avec l'atelier Rouge", également construit sur le monde de l'identification du « héros – narrateur » (Romain Gary) à des personnages du monde artistique (les peintres russes Nicolas de Staël et Mark Rothko), Sylvia Tabet nous offre, une fois encore, un petit bijou, en nous conviant à une belle promenade dans la grande bibliothèque de littéraire anglaise.
Cette fiction emprunte à la fois au genre intimiste et d'apprentissage, parfois. Elle n'est pas une romance, ni simplement une "intrigue amoureuse" avec son cortège de tribulations, même si l'auteur construit un "suspens" jusqu'à la révélation finale qui demeure l’enjeu de la fiction.
"Bientôt il la prendra dans ses bras…elle déposera une année d'errance passée à se demander à qui, de François ou de Jérémy, elle ne saurait finalement renoncer… Juliet se dit qu'elle se lèvera bientôt pour rejoindre l'homme qu'elle a enfin choisi…" (Prologue, paragraphe dernier).
Aussi, Sylvia Tabet, c’est ce que nous avons tout particulièrement aimé dans ce livre, ne donne pas plus de détails qu'il n'en faut des relations entre Juliet, François et Jérémy. Ceux-ci ne sont que prétexte à une réflexion "socio-littéraire" - plus particulièrement, mais pas seulement - à propos de la condition et de l'émancipation de la femme à la lumière de la question du mariage, de l'amour et du sentiment amoureux.
Ainsi, face aux contradictions de Juliet, qui ne relèvent plus maintenant de l'imagination procurée par les livres, mais qui s'invitent dans son quotidien - celle-ci doit-elle préserver sa famille et faire le choix entre son mariage, symbole de la raison et la durée, ou bien se déterminer en faveur de son amant et de la passion d'une relation récente et intense ? Sylvia Tabet convoque alors les plus grands auteurs de la littérature anglaise - V. Woolf, J. Austen, T. Hardy, O. Wilde, C. Brontë... afin de permettre à Juliet de renouer avec ses anciennes héroïnes, de s'identifier celles qui la guideront pour prendre cette difficile décision.
Une ouvre fictionnelle qui traite de questions sociales sérieuses et actuelles avec tant de richesse, qui suscite autant la réflexion tout en éveillent les sens - « la femme qui lisait des romans anglais" est aussi un roman sensuel - tout en permettant de se distraire délicieusement du quotidien, est nécessairement un très bon livre.Sylvia Tabet maîtrise magistralement l'art de l'écriture à telle enseigne que celle-ci - riche, soutenue, exigeante – magnifie toute la richesse du contenu romanesque. L’œuvre de Sylvia Tabet, c'est ici que réside toute la force du récit, est sublimée par la rencontre, parfois la découverte, de nombreux auteurs et de leurs personnages avec leur cortège de malheurs sentimentaux et exitentels. L'auteur n'est pas tombé dans le piège de la digression et du « roman catalogue » consistant à décliner "des" œuvres de la littérature anglaise. Tout est admirablement exploité au bénéfice du récit, de ses enjeux, et de son aventure.
Ainsi, lors d'une séance avec le docteur Barel, Juliet sort de son sac le livre de T. Hardy "les yeux bleus" et lit ce passage qui provoqua, quelques jours plus tôt, une crise d'angoisse aigue dans le métro :
« Jeanne baisse les yeux sur son livre et se met à lire avec lenteur. Son ton, atterré ; une sentence qu'elle s'adresse à elle-même « les mesures de la vie devraient être prises suivant l'intensité d'une expérience plutôt que sa durée ». Silence ». (Chapitre 2).
C'est un très beau roman, riche, cultivé, intelligent, mais non moins captivant et distrayant, que nous offre Sylvia Tabet, une fois de plus. Je remercie bien vivement les Editions JC Lattès / Le Masque et NetGalley de m'avoir permis de le découvrir.
1) Sylvia Tabet est également l'auteur de L'amour en partage : Plaidoyer pour une garde alternée, Hachette, 2004. Essai sur l’évolution des mœurs familiales en France par le prisme de la garde alternée. L’Amour en partage met en scène l’ensemble des enjeux et des acteurs politiques et sociaux, en dévoilant les intérêts particuliers des uns et des autres.
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Nous sommes au mois de septembre 1972, les jeux olympiques se tiennent en Allemagne de l’ouest. Le narrateur, Sébastien – marié et jeune journaliste - est dépêché à Munich par le BBC pour effectuer un reportage d’avantage culturel que sportif. Il croise à cette occasion le regard sombre et ténébreux de Sam Cole, journaliste israélite, pour le compte d’un journal américain.
"Je le vis, je rougis, je palis à sa vue" (1) se serait ainsi exprimée « Phèdre », dans son éblouissement passionnel.
Est-ce une rencontre qui offre à Sébastien l’opportunité de se révéler
à lui-même, ou s’agit-il de l’affranchissement intime et frénétique du narrateur lié à une actualité tout aussi violente quand une organisation palestinienne prend en otage et assassine onze athlètes de la délégation israélienne ?
A cet instant, l’histoire chavire. L’horreur conduira-t-elle les protagonistes à connaitre également un "septembre noir" (2) ?
À l’automne de sa vie, Sébastien, réconcilié avec lui-même, restitue, sous la plume de Jean Mattern, ce récit /ce roman ?, empreint de sentiments - peut-être encore confus, mais délicieusement nostalgiques.
Jean Mattern, né en 1965, vit à Paris. Marié, il travaille dans le monde de l'édition.
"Septembre", publié aux éditions Gallimard en 2015, n'est pas son premier roman : "Simon Weber", "le bleu du lac", "de la perte et autres bonheurs", "de lait et de miel", "les bains de Kiraly"… sont autant de pépites de Mattern.
A noter que paraîtra, au mois d'août 2019, son nouveau roman : "une vue exceptionnelle". Du vendredi 3 mai au dimanche 5 mai 2019 etait programmé "Jean Mattern & Conor O'Callighan" au festival livres et musiques à Deauville. L'Irlande etait mise à l'honneur à cette édition.
Dans "Septembre", Jean Mattern fait le choix de distiller les faits et les situations suscitant l'éternelle question : le roman est-il une œuvre d'imagination ou/et également de souvenirs mêlés, en même temps ? Je reste persuadé que "l'intrigue" est souvent l'aboutissement de la rencontre des deux.
Est-ce à dire que "Septembre" est une œuvre autobiographique ? On serait tenté de le penser et on aurait aimé le croire. Non, évidemment. En 1972, l'auteur est âge de 7 ans, il dira avoir été déjà très marqué par la violence des événements qu'il ne peut alors comprendre. Bien plus tard, la naissance du livre marquera son désir impérieux d'y revenir.
Tout de suite, il apparaît comme une évidence que Mattern s'est richement documenté pour donner au roman ce qui va constituer la toile de fond à une œuvre romanesque empreinte de douceur et de sensibilité extrêmes dans la difficulté née de de la complexité, de la confusion (3) et de l'ambiguïté des sentiments quand l'amour et l'amitié se heurtent.
On retrouve dans "Septembre" tous les thèmes récurrents à l'œuvre de Mattern : la disparition, la perte de l'être aimé par les circonstances de la vie qui nous échappent (cf. "Simon Weber"), le désir charnel, l'amour et sa complexité…
Sébastien et Sam Cole cheminent exactement et malgré eux dans un "jeu de liaisons dangereuses". L'auteur est brillamment parvenu à leur donner une personnalité abyssale, attachante parfois, mais insaisissable, souvent.
C'est donc un thème encore qui lui est familier qu'explore à nouveau jean Mattern, y ajoutant la nostalgie et le poids du passé. Mais le nouvel émerveillement dans la poursuite de la lecture de son œuvre vient d'une écriture cette fois-ci différente, plus efficace et empreinte d'une tension poussée à son paroxysme.
Ce récit, servi par une langue parfaitement maîtrisée, magistralement orchestré autour d'un fait historique, est un véritable chef-d'œuvre.
Michel BLAISE
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1. Phèdre de Racine, Acte I, scène 3.
2. La prise d'otages des Jeux olympiques de Munich (aussi appelée le massacre de Munich) a eu lieu au cours des Jeux olympiques d'été de 1972 à Munich en Allemagne de l'Ouest. Le 5 septembre 1972, des membres de l'équipe olympique d'Israël ont été pris en otage et assassinés par des membres de l'organisation palestinienne Septembre noir. Le bilan de la prise d'otages est de onze membres de l'équipe olympique israélienne assassinés et d'un policier ouest-allemand tué. Cinq des huit terroristes ont été tués, les trois autres capturés. (Source Wikipédia)
3. référence empruntée au récit de Stefan Zweig, "la confusion des sentiments"
Le crédit du cycle des fourmis est épuisé depuis fort longtemps. Encore une fois une histoire à dormir debout. Jules VERNES, auquel ose se comparer à l'envi l'auteur, n'a jamais osé se moquer des lois fondentales de la physique et de la chimie. Il a utilisé les données acquises de la science pour imaginer l'inimaginable technologique. Werber est une insulte à la science et à la science fiction. Le seul intérêt, peut être, est de nous éclairer sur l'ancienne civilisation SINOI, dont la vie autour du rêve, telle que décrite, certainement par l'imagination de deux "scribouillards" anglais en mal de reconnaissance, dont les thèses sont reprises par l'auteur. Le tout dans un français approximatif et pauvre. Si nous sommes au royaume utopique des Troglodytes, il faut le dire, mais ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes. Michel BLAISE.
Difficile et osé de déposer un avis à propos d'un livre que l'on a pas lu. Je constate qu'il est unanimement loué par une certaine critique. Je "Paris" (sic) qu'il sera récompensé par le prix Goncourt. Il est, certainement, excellent. Mais, je suis épuisé de constater, sans aucun a priori, ni aucune malveillance de quelque nature, que ce sont toujours les mêmes thèmes et paradigmes qui trouvent une telle audience , dans un certain milieu bien rangé et bien pensant. Qui connaît, a lu et critiqué "peste et choléra", ce chef d'oeuvre resté aux oubliettes pour ne pas aborder les thèmes "qu'il faut" ou "article 353 du code penal" de VIEL ? Pas grand monde, pas "Le Grand Monde". Le problème est que c'est toujours ainsi. Michel BLAISE.
Notes et avis 1 à 10 sur un total de 12
Un roman remarquable.
De nos jours à Paris. Jean FAREL, septuagénaire, célèbre journaliste politique de radio et de télévision et Claire, son épouse, essayiste et féministe engagée, forment un couple socialement et culturellement privilégié, célèbre et influant. Alexandre, leur fils, brillant étudiant à l'université de Stanforf(1), réside habituellement en Californie. L'union s'est rapidement transformée en "une vitrine de façade" (P.35) ; noceurs ou migrants en quête d'amour, les époux ne se singularisent plus par la fidélité.
Ainsi, à la faveur d'un débat dans la classe d'Adam WEIZMAN, professeur de français dans une école juive, Claire s'éprend de celui-ci ; l'attirance est réciproque. Marié à une femme juive orthodoxe, Adam n'est pas préparé à laisser une situation familiale établie, délaisser ses filles, plus particulièrement l'aînée, Mila, très fragilisée depuis l'attentat perpétré dans son école quelques années plus tôt. Mais en conséquence de sa révocation d'enseignant et de sa soustraction au joug de son épouse, il se résout à se séparer. Il emménage avec Claire et Mila.
Lors d'un séjour en France, Alexandre, à contrecœur, est prié, par sa mère et Adam, d'amener Mila à une soirée chez des amis. Tandis-que la musique est bruyante, la boisson abondante et la "Marie-Jeanne" enivrante, Mila accepte de suivre Alexandre à l'extérieur pour fumer. Nullement effrayée, la jeune fille consent à s'enfermer avec Alexandre dans un local insalubre dans lequel ils ont une relation sexuelle singulièrement graveleuse.
Que s'est-il réellement produit, durant ces quelques minutes dans ce local à déchets, dans l'esprit d'Alexandre et de Mila ? Toujours est-il que cette dernière, quittant les lieux immédiatement après, déposera une plainte pour viol prétextant une extorsion de son consentement. C'est un séisme dans la famille FAREL exposée à une avalanche d'assauts médiatiques féroces et vengeurs. Alexandre nie vigoureusement avoir forcé Mila, mais il est arrêté, déféré et finalement incarcéré. Ses études à l'université de Stanforf sont interrompues et définitivement compromises.
Au terme d'une instruction judiciaire, où chacune des parties maintient sa version, Alexandre invoque le consentement de Mila contesté résolument par celle-ci. Il comparait devant la cour d'assises pour y répondre du chef de viol avec violences. Sur leur seule intime conviction, les jurés doivent décider si Mila a consenti à cette relation ou si Alexandre la lui a imposée...
"Les choses humaines" est le onzième roman de Karine TUIL, juriste de formation, paru, en 2019, aux éditions GALLIMARD. Il a été très favorablement accueilli par les lecteurs et les critiques à l'instar des précédents dont les plus notables - "l'invention de nos vie" et "l'insouciance" - ont été traduits en plusieurs langues.
Karine TUIL a reçu de nombreux prix et distinctions : le Prix du Roman News (2011), pour "six mois six jour", le Prix littéraires Les Lauriers Verts (2013) pour "l'invention de nos vies" ; les insignes de chevalier de l'ordre des arts et des lettres (2014), elle y sera élevée au grade d'officier, en 2017. Nombreux de ses ouvrages ont été sélectionnés pour le Prix Goncourt.
Les romans de Karine TUIL sont très souvent symboliques, pour ainsi dire métaphoriques, des réalités sociales et sociétales - à l'image, dans un autre univers, de "l'insouciance" (Gallimard, 2016). C'est au moyen d'une expression souple, accessible, intelligible, intelligente et d'un récit habile et presque linéaire que l'auteur montre, une fois encore, sa parfaite maîtrise de l'écriture. La structuration absolue et harmonieuse du roman est remarquable.
Ainsi, après une présentation et le récit de différents catalyseurs ("diffraction" (2)), Karine TUIL introduit l'effet déclencheur de l'intrigue - le présumé viol ("le territoire de la violence"), puis relate enfin minutieusement le procès d'Alexandre, et ses suites, devant la cour d'assises ("rapports humains").
Estimer "les choses humaines", une fiction sociale et sociétale, d'abord à l'aune de sa forme – de son style irréprochable et de sa structuration habile - n'est pas un exercice de circonstance. le récit du crime imputé à Alexandre survient seulement à la 153ème page/342 pages. Mais à peine de ruiner l'oeuvre de ses qualités singulières, l'auteur ne pouvait faire l'économie d'une exposition préalable caractérisée. La tonalité du contexte socio-culturel, l'intelligence des personnages, les décors ou encore le paysage de l'oeuvre instruisent sur l'intrigue et accroissent la portée du roman ; Karine TUIL y réussit remarquablement sans ennuyer ni déprimer le lecteur.
"La forme, c'est le fond qui remonte à la surface". le roman de Karine TUIL ne réfute pas la pensée de Victor HUGO.
Quoique facile, distrayant et passionnant, le roman de Karine TUIL n'en est pas moins exigeant par ses multiples perceptions et pénétrations de la société contemporaine : la justice - bousculée par la puissance des réseaux sociaux, des médias et de "l'opinion" - la dépravation du monde politico-médiatique, les groupes ultra féministes, la condition des juifs en France, le terrorisme islamiste…
Toutefois, l'intrigue oscille et progresse autour du sexe et la tentation de la déprédation: un brillant étudiant, issu d'un milieu très favorisé, est accusé du viol avec violences sur une jeune femme désavantagée par l'existence, la fille de l'amant de sa mère. L'enjeu de l'intrigue dans le roman est évident et saisissant de réalisme : montrer que les violeurs, majoritairement, se réfugient dans le déni de leur acte ; les victimes, quant à elles, sont à telle enseigne en état de sidération lors de l'agression, plus particulièrement lors d'un "viol opportuniste" (P.314), non prémédité, qu'elles n'osent aucune résistance.
Karine TUIL montre précisément, ici, l'amphibie du viol et son incertitude. Car, de fait, l'on n'a aucune information, sinon la parole d'Alexandre contre celle de Mila. Cette ambiguïté est le fil conducteur du roman. La "vérité judiciaire" n'est révélée qu'à la fin du livre. Est-ce à dire que Karine TUIL, quand elle écrit le roman, nonobstant ce choix fictionnel ambigu, ne sait rien du geste de son personnage, Alexandre ? Rien n'est moins sûr : le narrateur, externe et impersonnel, auquel recourt l'auteur semble omniscient et informé de la psychologie des protagonistes. En d'autres termes, Karine TUIL, tout en réservant un suspense au lecteur, ne semble pas, en écrivant son roman, douter de l'innocence ou de la culpabilité d'Alexandre. Celui-ci et son père, Jean FAREL, ne sont pas toujours présentés à leur avantage. Claire, sa mère, pourtant féministe, lui trouve des excuses insensées ; Jean FAREL lors du procès, témoigne ainsi:
"je pense qu'il serait injuste de détruire la vie d'un garçon intelligent, droit, aimant, un garçon à qui jusqu'à présent tout à réussi, pour vingt minutes d'action". (P. 281).
C'est, au demeurant, un autre élément équivoque du roman et un véritable coup de maître de Karine TUIL : Alexandre, accusé de viol avec violences, inspire de la sympathie au lecteur, parfois culpabilisante, renforcée par la posture des réseaux sociaux et de l'opinion lorsque ceux-ci se pervertissent en tribunal populaire :
" de quoi vous ont-ils parlé, sinon des rapports de classe, du sentiment de la honte, de l'affaire Weinstein et du mouvement MeToo ? Et le dossier? On vous cite Gisèle Halimi, d'accord, mais Alexandre dans tout ça…(P.324) "…On vous demande de condamner cet homme parce que la société le réclame au nom de la libération de la parole et d'une révolution féministe salutaire…Vous allez plier à l'injonction publique ?" (P. 325).
L'auteur décrit admirablement bien et fidèlement, à l'occasion du jugement d'Alexandre devant la cour d'assises, le déroulement et les écueils d'un procès pénal : le rôle de la victime, trop souvent "déplacé", de l'accusé et de celle du représentant de la société par la voix du ministère public.
Le livre de Karine Tuil est, sans nul doute, l'un des meilleurs romans de la "rentrée littéraire" de l'automne 2019 quand bien même sa lecture serait parfois déstabilisante et ébranlerait notre confiance dans les relations humaines. Quoi qu'il en soit, Karine Tuil a magistralement accompli son dessein : écrire et dépeindre "les choses humaines".
Bonne lecture,
Michel.
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Notes.
1) En référence à l'affaire du viol sur le campus de l'université de Stanford (Californie), du 10 juin 2016, qui bouleversa les Etats-Unis : (Lien vers l'article de France Info),
2) Phénomène qui se produit lorsque des ondes rencontrent des obstacles ou des ouvertures qui se traduit par des perturbations dans la propagation de ces ondes ; contournement d'obstacles ou divergences à partir d'ouverture dans ces obstacles.