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Notes et avis 11 à 15 sur un total de 15
Ce petit roman qui nous vient tout droit d’Islande concentre en lui tous les ingrédients d’un succès inévitable auprès des lecteurs. On y parle d’amour, de roses, de vie, de Dieu et de renaissance. Ces thématiques, réunies dans un même ouvrage, et racontées avec douceur et exotisme arracheraient une larme d’émotion au plus insensible d’entre nous (ou un léger sourire attendri, c’est selon).
Rosa Candida raconte l’histoire d’Arnljótur, un jeune homme qui choisit de quitter son Islande natale pour rejoindre un monastère reculé dans un pays dont le nom ne nous sera
jamais révélé. Mais Arnljótur ne part pas vide. Il embarque avec lui son passé qui prend tour à tour les traits d’une photographie d’enfant, de trois boutures d’une rose unique ou encore d’un vieux pull tricoté par sa mère. Le souvenir de sa mère, disparue accidentellement, ne le lâche pas et c’est pour cette passionnée d’horticulture qu’il part travailler dans la roseraie de ce monastère mystérieux. Son voyage s’apparente à un cheminement initiatique et son passé, un peu trop pesant pour ses jeunes épaules de 22 ans, va s’avérer être la force qui le guide et qui lui permet de donner un sens à son existence.
C’est dans cette région inconnue qu’il donnera vie à sa mère sous la forme d’un jardin; c’est là aussi qu’il prendra pleinement conscience de son rôle de père par “accident”, et c’est encore ici qu’il se rapprochera de son père et de son frère restés en Islande. En somme, le monastère et sa roseraie formeront le terreau nécessaire à son épanouissement et à l’homme qu’il sera alors en passe de devenir. Passé, présent et futur se rencontreront entre deux fleurs et cohabiteront enfin sereinement.
Si j’ai apprécié la poésie qui émane de ces instants de vie grâce à l’écriture d’ Audur Ava Ólafsdóttir, je reproche tout de même au roman quelques longueurs. Il me semble que la première moitié du récit peine à débuter tandis que la seconde est pleine de surprises, de révélations et de rebondissements. Le roman est en quelques sortes mal équilibré: le coeur du récit ne fait son apparition qu’après une longue introduction de chacun des personnages et de son histoire. Mais c’est certainement aussi un choix de l’auteur que de faire patienter son lecteur. Ce n’est effectivement qu’une fois arrivé dans ce village inconnu que la vie d’Arnljótur devient vraie et authentique. Sa vie d’avant est alors mise entre parenthèses, ce qui justifie une première partie un peu lente laissant place ensuite à son apprentissage de la vie d’adulte.
En dépit de ce léger déséquilibre, Rosa Candida n’en reste pas moins un roman plaisant, joli et hors du temps. La lecture en est extrêmement facile et avec des mots simples, l’auteur nous emmène avec elle dans cette contrée lointaine où les enfants ont des boucles d’or et où les roses colorent la vie. C’est un roman plein de pudeur, de spontanéité et de quiétude. Un roman qui suspend le temps présent et qui donne à savourer un instant sucré, comme volé.
“Le Club…” ce sont des routes qui se croisent, des personnages qui se rencontrent, se lient et parfois se déchirent. Le récit se déroule à Paris mais dans un Paris multi-culturel, où Sartre et Kessel fréquentent la même arrière-salle d’une modeste brasserie que Igor, Pavel ou encore Léonid, réfugiés du Rideau de Fer. Et bien sûr, le Paris des années 60 connaît la guerre froide mais il connait aussi la guerre d’Algérie, thème également récurrent dans le roman.
Le décor est planté: le narrateur, Michel Marini, un gamin ordinaire de 12 ans va fréquenter ce fameux club
d’échecs du Balto dans lequel se côtoient ces nombreux personnages hauts en couleurs et y apprendre beaucoup. Il y apprendra notamment la douleur de l’exil de ces joueurs d’échecs aux parcours chaotiques, l’impossibilité de se défaire d’un passé qui vous colle à la peau et vous rattrape sans cesse, mais également l’amitié vraie, la solidarité et la générosité des philosophes français qui n’hésitent pas à donner un coup de pouce aux membres du club quand les fins de mois sont trop difficiles…
C’est un club qui reflète la vie sans chichis ni masques. Michel va y grandir pendant 5 ans et y mener une vie presque parallèle à sa vie d’enfant. Il trouve dans ce club un refuge où la vie est comme suspendue et dans lequel il peut oublier un peu ses parents qui se déchirent, son ami tué au combat, son frère Franck qui s’engage dans l’armée pour fuir le désastre familial ou encore la jolie Cécile, une amie chère mais ô combien fragile.
Ce club voit donc se côtoyer des personnages aux histoires entières, souvent tristes mais qui n’ont rien perdu de leur optimisme et de leur foi en la vie.
C’est un roman que j’ai vraiment apprécié pour les portraits de ces différents héros et qui se dévoilent au fur et à mesure du texte. Bien qu’ils n’aient pas toujours eu une attitude irréprochable dans leur pays ou en France et bien qu’ils aient des secrets lourds et parfois honteux, Jean-Michel Guenassia parvient à rendre ces personnages réellement attachants. Peut-être parce qu’ils sont “vrais”. Peut-être parce qu’à des degrés différents, nous pouvons tous nous retrouver dans ces portraits d’hommes ordinaires.
De plus, pour donner à ce récit tout l’éclat qu’il méritait, l’auteur a su manier un style parfaitement fluide et entrainant qui ont rendu ces 700 pages très faciles à lire. Ce roman a donc été un l’occasion d’un voyage très agréable au pays des hommes, de leurs bassesses et de leurs espoirs.
Je vous le recommande chaudement.
Notes et avis 11 à 15 sur un total de 15
Magnifique Kafka
Kafka Tamura c’est le nom d’un jeune japonais de 15 ans qui, le jour de son anniversaire, fuit sa maison à la suite d’une prophétie prononcée par son père. Cette prophétie fait de lui un nouvel Oedipe en prédisant qu’il sera coupable de parricide et d’inceste. Seulement, Kafka n’a jamais connu sa mère ni sa soeur, dont il est pourtant question dans la prophétie. Un roman empreint de joie et d’allégresse, me direz-vous. Et bien oui. Parce que la fugue de ce jeune homme va s’avérer plus salvatrice qu’il n’y paraît et l’emmener sur des chemins qu’il n’aurait même pas oser imaginer. Au cours de ce voyage, il fera la connaissance de Sakura ou encore de Mademoiselle Saeki. Ces deux femmes joueront des rôles importants dans la quête d’identité de Kafka mais elle sèmeront également le doute dans son esprit: ces deux femmes, pourraient-elles être sa soeur, sa mère? Tout au long du récit, Kafka cherchera à fuir la prophétie en craignant souvent de l’avoir réalisée. Son cheminement sera similaire en certains points à celui de Nakata, un vieil homme qui passe pour un idiot amnésique mais qui a la capacité de parler aux chats comme personne. Kafka et Nakata mèneront les deux “intrigues” du roman, et l’action de l’un aura toujours des répercussions sur la vie de l’autre.
Kafka sur le rivage est tellement riche de rencontres, d’indices, de suppositions, qu’il est difficile d’en faire le résumé sans trop en dévoiler. Et surtout, on y découvre à chaque page des détails qui, quelques lignes plus loin, s’avèrent être des éléments clés du récit. Ce roman regorge d’informations mais aussi de mystères et de zones d’ombre qui le restent jusqu’à la dernière page. Murakami s’abstient volontairement de faire des liens entre les différents personnages, entre des évènements antérieurs et leurs impacts sur le quotidien des protagonistes et laisse au lecteur le choix de tisser la trame du récit. C’est un roman qui peut paraître, au premier regard, assez complexe. Cependant, Murakami ne nous laisse jamais seuls avec nos interrogations. Et, au fond, ces questions s’effacent rapidement et laissent place au voyage que nous propose l’auteur dans un univers qui lui est propre et dans lequel on se laisse volontiers aller.
C’est un roman onirique, beau et touchant à la fois. Un roman qui laisse nos âmes d’enfants s’exprimer, s’émerveiller devant une pluie de poissons, s’extasier devant la pierre de l’entrée. Pour finir, c’est un roman inclassable, à la fois initiatique, fantastique, onirique, philosophique et qui déborde de références en tous genre.