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Ambassadeur de France à Berlin de septembre 1931 à octobre 1938, André François-Poncet a été aux premières loges pour assister à la chute de la république de Weimar et à l'avènement du IIIe Reich. Ecrivain d'exception doté d'une plume acerbe, il décrit non seulement les événements d'envergure - avènement d'Hitler, nuit des Longs Couteaux, Jeux olympiques de 1936, conférence de Munich et marche à la guerre -, mais aussi les séides du nazisme, à commencer par leur chef, dont il dresse un portrait d'une force qui n'a d'égale que la finesse.
Ses développements sur l'idéologie brune constituent un autre modèle du genre. On l'aura compris : ses souvenirs représentent un témoignage essentiel, "le meilleur publié sur l'agonie de Weimar et les premières années de l'Allemagne hitlérienne. Soixante-dix ans plus tard, leur réédition est un événement tant leur lecture s'impose à quiconque s'intéresse à l'histoire de la période", résume Jean-Paul Bled qui a enrichi ce grand texte d'une présentation et d'un appareil critique inédits afin de rendre sa lecture accessible au profane.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Certains livres de souvenirs peuvent constituer un témoignage historique sur une période clef de l’histoire du monde, c’est le cas de cet excellent ouvrage d’André François-Poncet intitulé “Souvenirs d’une ambassade à Berlin” et qui correspond au moment où il fut ambassadeur de France en Allemagne de septembre 1931 à octobre 1938.
François-Poncet arrive dans la capitale allemande au moment où le pays est sur point de basculer politiquement. C’est encore le vieil Hindenburg qui est chancelier mais comme l’écrit le nouvel ambassadeur “La situation reste dominée (…) par les intrigues et les manoeuvres des organisations nationalistes.” Mais ces mouvements sont encore divisés. L’ambassadeur français au fil des pages décrit la montée des extrêmes et l’incompréhension des responsables français face à la dégradation de la situation.
L’ambassadeur se livre à une distinction savante entre les différents mouvements nationalistes qui, aujourd’hui, sauf pour les spécialistes, sont méconnus. Ainsi découvre-t-on l’un des mouvements concurrents comme Le Casque d’acier : “Entre le casque d’acier et les milices brunes les relations n’ont jamais été très chaleureuses. Elles s’enveniment de jour en jour. Le casque d’Acier réprouve les illégalités des SA, il blâme la campagne antisémite.” Par petites touches le lecteur découvre des réalités que la grande histoire a recouvert et comme toujours le bloc que donne à voir les manuels scolaires se fissure.
Les rencontres avec Hitler sont tout à fait savoureuses. Le Fuhrer déclare au diplomate français : “Si j’ai une ambition, c’est qu’on puisse un jour m’élever un monument, comme à l’homme qui aura réconcilié la France et l’Allemagne !” L’ambassadeur ajoute que le chancelier avait un air de parfaite sincérité quand il prononça ces paroles.
Cette réédition de l’ouvrage d’André François-Poncet est importante car elle donne à lire un témoignage de premier plan par un diplomate qui n’avait pas sa plume dans sa poche. Ce livre a, par ailleurs le mérite, de faire surgir l’histoire sous nos yeux au moment où le nazisme s’apprête à mettre l’Europe à feu et à sang.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)