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" Je ne pouvais m'empêcher de t'adresser ces quelques phrases que j'ai en tête depuis la lecture de ton premier ouvrage. Même si mon appréciation te semblera flatteuse, ne la prends pas au pied de la lettre car elle ne peut qu'être teintée d'une légitime partialité. Comment, en effet, être impartial à propos d'un livre qui m'a fait revisiter ma mémoire jusqu'à me faire revivre, avec étonnement, des scènes complètement enfouies dans mon subconscient ? Aucun montagnard de notre génération ne peut se permettre le luxe d'une indifférence à la lecture de tes souvenirs.
Si ton parcours d'enfant et d'adolescent reste indiscutablement exceptionnel par le vécu personnel, les décors et les acteurs de cette fresque sont communs à tous les enfants de la guerre que nous sommes. Qui de nous n'a pas fait appel à la fée de sa maman dans les moments de terreur qui constituaient le quotidien de notre enfance ? Et dans ce quotidien funeste, qui de nous n'a pas entraperçu un îlot d'espoir colporté par un Cheikh Sadi, excentrique désabusé dont s'orne pratiquement chaque village kabyle ? Mais combien d'entre nous ont eu la possibilité d'exorciser ces terreurs d'une enfance et d'une adolescence volées ? Très peu, je présume, les facultés de le faire n'étant pas à la portée de tous.
Tu le soulignes toi-même, ce n'est que des décennies après que tu as pu user de cette thérapie en écrivant tes mémoires. Je t'écris ces quelques phrases simplement pour t'assurer que j'ai largement profité de ce remède en lisant tes livres. J'ai pu, grâce à toi, ramener à la surface puis chasser, bon nombre d'angoisses récalcitrantes. Et pour tout cela, je te dis merci. " Lounis Aït Menguellet