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Le vieux Germain vit seul dans une ferme au coeur des Vosges. Sa fille lui impose de passer l'hiver avec Basile, lointain neveu qui vient faire sa saison de conducteur d'engin de damage dans la station voisine. Une jeune femme froide et distante qui conduit les engins des neiges mieux que tous ses collègues masculins, habite la ferme voisine, où ses parents élevaient une meute de chiens de traîneaux quarante ans auparavant.
Mais bientôt, le village est isolé par une terrible tempête de neige qui, de jours en semaines puis en mois, semble ne pas vouloir s'achever. Alors l'ombre des Malamutes ressurgit dans la petite communauté coupée du monde... Jean-Paul Didierlaurent vient avec un grand roman situé dans un village de montagne au coeur d'une forêt omniprésente qui réunit tous les éléments du succès du Liseur du 6h27 : tendresse et humour, réalisme magique et incroyable inventivité, personnages hauts en couleur et machines broyeuses, jeunesse et relations intergénérationnelles, noirceur et rédemption...
Coup de coeur
Inquiète de le laisser passer l’hiver seul dans sa ferme des Vosges qu’il ne quitterait pour rien au monde, sa fille ne lui a pas laissé le choix : le vieux Germain va devoir supporter la compagnie d’un lointain neveu, Basile, trentenaire qui, chaque saison, vient s’employer comme conducteur d’engin de damage dans la station voisine. D’ailleurs, cette année, la ferme d’à-côté, à l’abandon depuis le départ d’un couple, qui, quarante ans plus tôt, avait tenté d’y élever des chiens de traîneaux, sera aussi habitée. Une jeune femme, également conductrice d’engins des neiges, s’y est installée. Mais voilà que la neige s’est mise à tomber, des mois entiers sans discontinuer. Dans le village bientôt totalement isolé, les conditions de vie deviennent de plus en plus compliquées, voire très préoccupantes. C’est alors que resurgissent les ombres du passé, en particulier celles des Malamutes, qui, il y a près d’un demi-siècle, n’avaient pas fait l’unanimité à La Voljoux…
L’on est immédiatement séduit par les personnages plus vrais que nature, tant l’auteur a réussi à les saisir dans une parfaite justesse de comportements et de reparties, souvent savoureuses. Tandis que se précise la silhouette bougonne et taiseuse d’un vieil homme alourdi par un mystérieux vécu ombré de remords et de culpabilité, l’on s’imprègne peu à peu du décor âpre et majestueux de ce coin de montagne ouaté d’épaisses forêts. D’abord riant lorsqu’il se soumet à la domestication des bûcherons et des dameurs de pistes de ski, cet environnement a pourtant tôt fait de devenir hostile et de nous rappeler notre vulnérabilité. En particulier lorsqu’il l’enferme dans l’implacable huis clos d’un déluge de neige, propre à réveiller, en même temps que ces peurs viscérales qui nous glacent l’échine à la seule évocation d’un long et lugubre hurlement de loup, ce qui ressemble bien à la crainte diffuse d’une sorte de châtiment divin.
Dès lors, tout semble ligué pour forcer Germain à enfin affronter sa mauvaise conscience et à apporter réparation dans un sacrifice qui n’est pas sans évoquer quelque rite païen censé calmer on ne sait plus quelle divinité ou esprit de la forêt. Ce qui, commencé dans la légèreté pleine d’humour d’un inoffensif enchaînement de circonstances, vire au cauchemar un rien fantastique, s’avère une impressionnante histoire de rédemption, aussi noire et réaliste que poétique et magique. Et comme la plume de l’auteur nous réserve quelques trouvailles de toute beauté, c’est avec délice que l’on se laisse emporter par tant de justesse et d’inventivité.
Ayant plusieurs fois pensé à Franck Bouysse au cours de cette lecture, je ne suis pas surprise de découvrir qu’il est l’auteur qui inspirait le plus particulièrement Jean-Paul Didierlaurent. Coup de coeur.