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Donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts : tels sont les impératifs édictés par l'Église sous le nom d'oeuvres de miséricorde que le Caravage a peint dans un tableau qui porte ce titre, et dont ceux qui, nés en culture chrétienne, qu'il le sachent ou non, sont censés être imprégnés.
Cette injonction morale, l'écrivain l'a mise à l'épreuve de son expérience - réelle ou imaginaire.« Je suis resté longtemps prisonnier du sentiment flottant, informulé selon lequel l'Allemagne était infréquentable. Je n'étais pas guidé par une idée, un ressentiment moins encore, mais, de fait, chez moi on n'allait pas en Allemagne.Maintenant, je veux serrer dans mes bras le corps d'un de ces hommes que l'Histoire longuement m'opposa, le corps d'un homme allemand.
Je vais donc à Cologne par un beau jour de mai, et je fais cela qui, pour un Français, a son pesant de sens :coucher avec un Allemand.J'ai cherché par là à comprendre comment le Corps Allemand, majuscules à l'appui, après être entré à trois reprises dans la vie française sans demander d'autorisation (1870, 1914, 1939), continue à façonner certains aspects de notre existence d'héritiers de cette histoire.
Chemin faisant, j'ai également rassemblé divers éléments de fiction individuelle et de réalité collective, pour la plupart « impensables », afin de tenter d'y voir un peu plus clair dans les violences que les hommes s'infligent - individuelles, sociales, sexuelles, historiques, guerrières, massivement subies mais de temps à autre, aussi, consenties -, dont l'art et la sexualité sont le reflet et parfois l'expression, et de les lier du fil de cet impératif de miséricorde qui fonde notre culpabilité puisqu'il est, de tout temps et en tous lieux, battu en brèche.
Brillant et magnifiquement écrit
Rude choc pour le lecteur que je suis de passer du style collégien de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" à l'écriture d'un vrai écrivain, celle de Mathieu Riboulet et "Les oeuvres de miséricorde". Ce dernier a obtenu le prix décembre, qui se veut être l'anti-Goncourt. Ayant souvent couronné des auteurs exigeants, le cru 2012 ne faillit pas à la règle car nous sommes en présence d'un texte érudit et ambitieux. Je parle de texte car il m'est difficile de définir le genre de ce livre, à la fois essai philosophique, réflexion sociologique et historique mais aussi roman mélangeant littérature, narration classique et art.
Le narrateur, fortement marqué au plus plus profond de lui même par les deux dernières guerres mondiales, part à la découverte du peuple allemand, longtemps notre ennemi. Il décide que cette connaissance passera par le corps d'hommes avec lesquels il essaiera de comprendre le basculement indicible de l'amour vers la haine, du désir vers la violence. S'en suit une réflexion grave et profonde au travers de ses rencontres sexuelles où se mêlent étroitement la peinture du Caravage, des étreintes souvent hards mais aussi un amour platonique et la mémoire très prégnante de tous les actes horribles des deux grandes guerres. Chapitré à partir des impératifs chrétiens appelés "oeuvres de miséricorde" (vêtir ceux qui sont nus, ensevelir les morts, donner à boire à ceux qui ont soif, ...) le cheminement de l'auteur se fait de plus en plus précis et interrogatif. Sa recherche le mènera dans des situations où il comprendra que le corps et l'Histoire sont étroitement liés, que l'étreinte amoureuse est à la merci d'un basculement soudain vers la violence et l'exploitation.
Vous comprendrez assez vite que ce texte ambitieux n'est pas d'une facilité extrême de lecture. J'ai du m'accrocher un peu. Le parti-pris de ce questionnement est très original mais la manière de l'aborder un peu trop alambiquée pour le lecteur lambda que je suis.
La fin sur le blog
http://sansconnivence.blogspot.fr/2012/12/les-oeuvres-de-misericordes-de-mathieu.html