A la ferme de Saint Elme, quelque part entre Lyon et Roanne, à la fin du second Empire, l'aîné d'un couple de pauvres paysans, les Persant, se voit affublé par le grand père de l'impérial prénom de « Charlemagne ». Les brimades et les moqueries que cela lui vaudra à l'école, ainsi que sa forte corpulence et son caractère autorotaire lui forgeront une mentalité de battant auquel rien ne résiste. Ainsi prendra-t-il le dessus sur toute sa fratrie et sur ses parents. Très vite, il se lancera dans le commerce avec son oncle, puis dans l'industrie avec un certain succès. Cette réussite
et ce début d'aisance lui permettront de se marier avec la belle Alma, fille de marchands de tissus, après avoir évincé son rival, le si beau et si séduisant Joseph Antoine Pajaud. Jusqu'où le destin de l'ambitieux Charlemagne le mènera-t-il ? Sera-t-il capable de faire le bonheur de sa famille ?
« L'affaire des vivants » est un roman à contexte historique (très bien expliqué dans une postface de l'auteur) avec une assez forte connotation « terroir ». Même si cette histoire illustre à sa manière l'évolution des campagnes, les débuts de l'industrialisation et la transformation des paysans en ouvriers avec quelques pages sur les luttes syndicales, les premières grèves et une intervention plutôt controuvée d'une certaine Louise Michel, le propos est surtout social, psychologique et un tantinet philosophique. Que de noirceur, que de personnages sombres, ridicules et antipathiques et que de situations dramatiques dans lesquelles la violence se déchaîne de façon assez inattendue voire artificielle. Avec Chavassieux, non seulement l'argent ne fait pas le bonheur mais en plus les patrons sont de vulgaires crapules et les paysans de parfaits abrutis. Seuls les ouvriers, et encore, échappent à la sombre vision de l'auteur. Pour faire bonne mesure et rester bien dans l'air du temps (le nôtre à défaut de celui de l'époque), le lecteur y trouvera une dose d'intolérance, de racisme et d'homosexualité avec une brave prostituée africaine et un ultime rejeton plus attiré par les garçons que pressé de se reproduire. Si on devine bien les influences de Zola, de Maupassant et de Hugo sur l'auteur, ce n'est que pour découvrir que cette pâle et insignifiante copie est loin d'être à la hauteur des ambitions affichées par celui-ci.
Une saga familiale dure
Voilà une saga familiale très particulière du fait de sa narration. L'auteur signe là son premier roman et a fait le choix d'apparaitre en tant que narrateur en s'adressant à ses lecteurs et en exprimant ses difficultés parfois, ses procédés d'autres fois. C'est très particulier, car si Hugo le faisait, il veillait à maintenir l'illusion de réalité de ses personnages et abordait essentiellement des questions de société. Ici, l'auteur nous explique pourquoi il a construit le personnage de cette façon, et cela casse tout illusion référentielle d'un coup. J'avais déjà du mal à m'attacher à ce personnage, mais à partir de ce moment, je n'ai plus jamais pu m'identifier à qui que ce soit.
Du coup, mon avis est sans doute biaisé par cette déception face à un roman plutôt dur, violent souvent et un peu (beaucoup ?) brutal.
Ce Charlemagne ne fait pas dans la dentelle. Certes, c'est nécessaire sans doute pour s'en sortir, mais on a parfois l'impression d'un trop plein dommageable.
En revanche, la succession de chapitres courts donne un rythme bienvenu, la succession des personnages n'empêche pas de s'y retrouver, même si certains apparaissent un peu là pour
forcer le trait.