Mais que sont donc devenus nos élèves ? Les voilà, fascinés par les images, enfermés dans la sidération et le mutisme quand ils ne basculent pas dans l'insulte
permanente, indifférents à tout ou, au contraire, sensibles au moindre mot et démarrant au quart de tour. Des " enfants bolides ", qui ne tiennent pas en place et dynamitent, par des comportements incompréhensibles, toutes les situations dans lesquelles ils se trouvent. Des
enfants face auxquels le " rappel à l'ordre " comme " la gentillesse fade " n'ont aucune prise. Des enfants qui vivent dans un univers où tout repère, toute limite, tout interdit sont insupportables, où la parole de l'enseignant ne peut plus être entendue. Où plus aucune autorité n'est légitime. Où règne " la corrida " permanente. Francis Imbert connaît ces situations : voilà longtemps maintenant qu'il accompagne des enseignants qui ne se résignent pas à l'impuissance... sans, pour autant, se croire tout-puissants. Voilà longtemps qu'il travaille obstinément en mobilisant une culture immense, philosophique, psychologique, sociologique, littéraire, pour atteindre le " nœud ", le " foyer " où ces comportements trouvent leur source. Il livre ici, ses conclusions. Il montre que la fatalité peut être renversée, dès lors que l'adulte prend la pédagogie au sérieux. Dès lors qu'il introduit, dans le chaos, des objets et des projets qui structurent l'espace-temps de la classe, permettent la construction du " vivre ensemble " et autorisent l'apparition de " sujets ". " Les enseignants du collège et ceux de l'école primaire, explique-t-il, se trouvent dans la même situation et sont confrontés au même enjeu : que la parole finisse par l'emporter sur l'image, le désir et le travail sur la jouissance. " Et le " miracle " advient parfois : le monde se remet en ordre, les élèves cessent leurs gesticulations, certains même tendent l'oreille, d'autres esquissent un mot, une phrase. Voilà qu'ils trouvent une place : une place dans un groupe, une place face aux adultes. Une place qui permet d'apprendre parce que, tout à la fois, elle confère la sécurité nécessaire et autorise la prise de risque. Francis Imbert, ici, ne fait pas que répondre aux urgences devant lesquelles tant d'enseignants sont désarmés, il nous donne des raisons d'espérer. Dans l'école et dans l'avenir. (Philippe Meirieu)
Biographie de Francis Imbert
Francis Imbert, agrégé de philosophie, docteur es Lettres et Sciences humaines, est maître de conférences à l'IUFM de Créteil et psychanalyste. Depuis une trentaine d'années, il travaille à la formation initiale et continue des enseignants. Il a fondé, en Seine-Saint-Denis, le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle avec qui il a déjà publié chez ESF éditeur, Médiations, institutions et Loi
dans la classe, L'inconscient dans la classe, Vivre ensemble, un enjeu pour l'école et L'impossible métier de pédagogue.