C'est par le biais de son personnage d'Eileen que l'auteur s'adresse au lecteur. Procédé des plus classiques visant à créer une certaine osmose entre les deux (personnage et lecteur). Encore faut-il que cela prenne. Eileen m'a laissé non pas de glace, mais sans grande réaction. Je l'ai trouvé un peu fade et assez commune au final. Et puis, au fil des pages, j'ai même fini par la prendre presque en grippe. Je ne suis pas parvenue à éprouver la moindre empathie envers sa personne.
Alors oui, la vie n'a pas toujours été tendre avec elle, ni même les gens qu'elle a pu côtoyer. Elle
n'avait pas beaucoup de bonnes cartes dans son jeu, mais voilà, je crois que son caractère ne m'a pas plu. J'aurai pu avoir envie de la secouer, mais même pas.
Je crois sincèrement qu'avec les protagonistes des romans, c'est comme dans la vie. Il y a des rencontres qui donnent naissance à des relations durables, voir fantastiques et d'autres qui en restent au stade de la courtoisie polie.
L'écriture n'est pas désagréable et on avale les pages aisément. Rien à redire sur ce point. L'ouvrage est bon, le sujet pas inintéressant et les personnages, tous bien là où ils doivent être. Peut-être trop. Je n'ai été assez surprise ou bousculée dans ma lecture. C'est sans doute cela qui explique ma tiédeur.
Et pourtant certains passages sont disons-le un peu bruts de décoffrage pour nous faire réagir, mais cela n'a pas pris. J'en suis la première déçue, mais je gage que d'autres lecteurs vont trouver là une lecture qui va les émouvoir.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
"Eileen" d'Ottessa Moshfegh est un roman étrange qui se présente comme une machine à remonter le temps. Eilleen à soixante quatorze ans et dès les premières lignes on comprend que l'écrivain nous ramène 50 ans en arrière. Mais peu importe car on découvre simultanément qu'on a affaire à un véritable écrivain. Ottessa Moshfegh emmène le lecteur où elle veut mais elle sait le faire avec un art consommé de la narration. On pense à Stephen King qui construit de véritable récits-dédales dont le lecteur ne pourra sortir qu'au point final. "Eileen" est exactement le type de roman qu'il est impossible à un écrivain français d'écrire et cela pour une raison simple : les écrivains français se prennent généralement au sérieux alors que les écrivains américains prennent l'histoire au sérieux. Ottessa Moshfegh sait jouer avec la lenteur, elle étire le récit avec un art consommé de la description psychologique et donne soudain un sacré coup d'accélérateur qui nous projette dans des circonstances totalement inattendues.
Le personnage éponyme est particulièrement réussi. Eileen est une jeune femme de 24 ans qui travaille au service d'accueil d'un centre pénitentiaire près de Boston. Elle vit avec son père, un ancien flic alcoolique et son existence est tout simplement triste à mourir. L'arrivée d'une jeune femme diplômée de Harvard en mission dans la prison va changer sa vie.
Moshfegh plante un décor d’une Amérique crasseuse où l’espoir a reflué en ne laissant rien d’autre que des rêves brisés sur une plage encombrée de cauchemars. La traduction de Françoise du Sorbier conserve la densité narrative du roman et l’écrivain sait rendre ses dialogues aussi réalistes que possibles. On se laisse prendre et entrainer vers un épilogue époustouflant qui obligera Eileen a quitté définitivement la ville. On va traversé une dernière fois la ville dans sa Dodge avant que le soleil se lève et, en vérité, on a pas vraiment envie de se retourner. Il ne nous reste plus qu’à attendre le prochain roman d'Ottessa Moshfegh…
ARCHIBALD PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)