Le lecteur de roman compulsif, celui qui en lit plusieurs par mois, voire par semaine, est toujours étonné de découvrir une oeuvre qui plonge profondément ses racines dans un passé lointain. Il s’agit toujours pour l’écrivain d’une prise de risque considérable car n’est pas historien qui veut et les chausse-trappes sont nombreuses lorsque le récit se trouve immergé dans une époque que l’on ne maîtrise pas tout à fait. L’anachronisme et l’uchronie vous guette sauf évidemment si vous nourrissez depuis des années une véritable passion pour cette période historique.
Vous avez fini par maîtriser tous les pièges du récit en immersion.
“La naissance du sentiment” de Jean-François Kervéan appartient justement à cette catégorie de romans dont la narration s’épanouit à des millénaires de notre siècle. “ A Sparte, nul ne sait jamais pourquoi Gorgophonée Carthas quitta le champ social de sa cité. Cet hiver-là fut dur, mais les Spartiates ne craignent pas le froid, la faim, le deuil – ce peuple n’a peur de rien. Chez eux, lorsque le vent cingle depuis les crêtes du Mont Parnon, personne ne couvre ses épaules d’une fourrure; tu te pèles et au bout d’un moment , en vertu du stoïcisme, tu ne te pèles plus.” Les premières lignes annoncent d’emblée le projet littéraire de l’auteur : une plongée dans la Grèce Antique dans la Grèce du Vième siècle avant JC. Chacun connait l’histoire de Sparte, cité guerrière où la faiblesse était considérée comme une tare. Les plus faibles ne pouvaient pas faire de bons guerriers et étaient donc immédiatement éliminés. C’est à partir de ce constat impitoyable que l’écrivain va introduire un domino fautif dans la longue chaîne des causes et des conséquences du mode de vie spartiate : la citoyenne Carthès, veuve et fille de grands guerriers met au monde Aphranax un fils qui présente une malformation invisible : il souffre d’asthme. Carthès va désobéir en cachant à l’autorité cette tare qui devrait coûter la vie à sa progéniture. Mais désobéir dans la Grèce Antique c’est provoquer irrévocablement le destin. Le récit est lancé et il tient toutes ses promesses car Jean-François Kervéan parvient à nous faire pénétrer au sein d’une société obsédée par les codes, qui rejettent les plaisirs et valorisent l’action et le combat pour forger un destin. Celui d’Aphranax va le voir se rapprocher du roi Leonidas qui est le seul à pouvoir l’intégrer au groupe d’élites des 300 meilleurs hoplites mais pour cela il doit passer par l'agögé, ce terrible dressage qui transforme le spartiate en machine de guerre.
“La naissance du sentiment” est un roman fort et puissant qui libère une incroyable énergie et fait la peinture d’une cité dyarchique obsédée par l’égalité des citoyens et terriblement collectiviste. On passe une excellent moment et on apprend beaucoup. Une belle réussite autant littéraire qu’historique.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Le lecteur de roman compulsif, celui qui en lit plusieurs par mois, voire par semaine, est toujours étonné de découvrir une oeuvre qui plonge profondément ses racines dans un passé lointain. Il s’agit toujours pour l’écrivain d’une prise de risque considérable car n’est pas historien qui veut et les chausse-trappes sont nombreuses lorsque le récit se trouve immergé dans une époque que l’on ne maîtrise pas tout à fait. L’anachronisme et l’uchronie vous guette sauf évidemment si vous nourrissez depuis des années une véritable passion pour cette période historique. Vous avez fini par maîtriser tous les pièges du récit en immersion.
“La naissance du sentiment” de Jean-François Kervéan appartient justement à cette catégorie de romans dont la narration s’épanouit à des millénaires de notre siècle. “ A Sparte, nul ne sait jamais pourquoi Gorgophonée Carthas quitta le champ social de sa cité. Cet hiver-là fut dur, mais les Spartiates ne craignent pas le froid, la faim, le deuil – ce peuple n’a peur de rien. Chez eux, lorsque le vent cingle depuis les crêtes du Mont Parnon, personne ne couvre ses épaules d’une fourrure; tu te pèles et au bout d’un moment , en vertu du stoïcisme, tu ne te pèles plus.” Les premières lignes annoncent d’emblée le projet littéraire de l’auteur : une plongée dans la Grèce Antique dans la Grèce du Vième siècle avant JC. Chacun connait l’histoire de Sparte, cité guerrière où la faiblesse était considérée comme une tare. Les plus faibles ne pouvaient pas faire de bons guerriers et étaient donc immédiatement éliminés. C’est à partir de ce constat impitoyable que l’écrivain va introduire un domino fautif dans la longue chaîne des causes et des conséquences du mode de vie spartiate : la citoyenne Carthès, veuve et fille de grands guerriers met au monde Aphranax un fils qui présente une malformation invisible : il souffre d’asthme. Carthès va désobéir en cachant à l’autorité cette tare qui devrait coûter la vie à sa progéniture. Mais désobéir dans la Grèce Antique c’est provoquer irrévocablement le destin. Le récit est lancé et il tient toutes ses promesses car Jean-François Kervéan parvient à nous faire pénétrer au sein d’une société obsédée par les codes, qui rejettent les plaisirs et valorisent l’action et le combat pour forger un destin. Celui d’Aphranax va le voir se rapprocher du roi Leonidas qui est le seul à pouvoir l’intégrer au groupe d’élites des 300 meilleurs hoplites mais pour cela il doit passer par l'agögé, ce terrible dressage qui transforme le spartiate en machine de guerre.
“La naissance du sentiment” est un roman fort et puissant qui libère une incroyable énergie et fait la peinture d’une cité dyarchique obsédée par l’égalité des citoyens et terriblement collectiviste. On passe une excellent moment et on apprend beaucoup. Une belle réussite autant littéraire qu’historique.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)