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Dans une Amérique imaginaire livrée à l'effacement des singularités et à la paranoïa technologique, les derniers survivants de la contre-culture des années 60 achèvent de brûler leur cerveau au moyen de la plus redoutable des drogues, la Substance Mort. Dans cette Amérique plus vraie que nature, Fred, qui travaille incognito pour la brigade des stups, le corps dissimulé sous un « complet brouillé », est chargé par ses supérieurs d'espionner Bob Arctor, un toxicomane qui n'est autre que lui-même. Un voyage sans retour au bout de la schizophrénie, une plongée glaçante dans l'enfer des paradis artificiels.
Emmanuel Curtil s'empare avec maestria de cette ouvre culte, sans doute la plus personnelle et aboutie de Philip K. Dick. Les citations en allemand sont extraites d'un poème sans titre de Heinrich Heine, du Faust de Goethe et de l'opéra Fidelio de Beethoven.
A scanner darkly
Bob Actor vit avec Luckman et Barris, et aime Dora, une dealeuse. Fred, un agent des stups mystérieux, est chargé de l'enquête sur ce groupe et sur Bob Actor en particulier. Personne ne peut décrire Fred, puisqu'il possède, comme l'ensemble de ses collègues - chacun ignorant de l'apparence de l'autre - un "complet brouillé", et grâce à cette couverture, il est seul à savoir que Bob et Fred ne sont qu'une seule et même personne. Le monde que nous décrit PKD est désepséré, celui que perçoivent une bande de toxicos pathétiques aux cerveaux cramés par la Substance M. L'écriture ne sombre jamais dans la dénonciation moralisatrice et l'histoire ressemble à celle d'un roman noir, teinté d'un humour bien particulier, lorsque certains personnage se retrouvent englués dans des hallucinations parfois cocasses, des conversations sans règles ni finalité aux dialogues poisseux et qui tournent en rond comme si le temps était figé. La description des effets de la drogue n'en reste pas moins très réaliste, et même terrifiante : le délabrement des facultés mentales est d'une rapidité effrayante et totale, le microcosme du drogué se restreint sans cesse au simple désir de la prise de drogue. Mais la substance M est aussi un archétype qui permet d'articuler la désepérance de ceux qui jouent avec la mort et la révolte que cela implique à l'encontre d'une société bien plus dévastatrice. Dick ne justifie pas l'emploi de la drogue et il ne condamne personne, ce qui contraste fortement avec la tyrannie du jugement qu'exerce toute société policière.