Cela fait des jours qu’un semi-remorque frigorifique blanc, totalement banalisé, parcourt inlassablement le désert mexicain, ses deux chauffeurs Vieux et Gros se relayant sans interruption, de façon à ne s’arrêter que pour les pleins de carburant. A son bord s’entassent cent cinquante-sept cadavres, tous victimes de la violence, certains non identifiés, en tous les cas interdits de crémation tant qu’une enquête peut encore les concerner. La criminalité saturant morgues et cimetières dans tout le pays, le gouvernement en pleine période électorale cherche ainsi à gagner du temps
avec les morts dont il ne sait plus que faire…
Cette histoire surréaliste est inspirée d’un fait réel survenu au Mexique en 2018. Les premiers chapitres sont déconcertants : une seule et même interminable phrase y tourne en boucle au fil des pensées ressassées par Gros et Vieux, au cours de leurs longues heures de divagation sans but sur les routes droites et sans fin qui traversent la torpeur du désert. L’on y comprend peu à peu leur histoire et cette présence perpétuelle de la mort, dans ce pays où la vie ne pèse rien, et où chacun doit être prêt à tout pour préserver sa peau un jour de plus.
Puis le rythme change, alors que les incidents viennent interrompre les réflexions désabusées des deux hommes, transformant leur traversée hallucinée d’un pays aux allures de purgatoire en une véritable plongée en enfer qui n’est pas sans évoquer Le salaire de la peur de Georges Arnaud. Dès lors, tout dérape, entraînant les deux chauffeurs dans une glissade mortelle où ils tenteront comme ils peuvent de conserver le plus longtemps possible l’équilibre, en tout cas le fragile souffle qui les différencie encore de leur silencieuse cargaison.
Le récit est du noir le plus pur : implacablement désespéré, le ton décapant ne laisse aucun répit, flirtant avec l’absurde dans un humour qui fait autant rire qu’il atterre le lecteur. L’on est ébloui par la maestria de l’auteur, qui, tant par le style que par la construction du roman, a su si bien rendre l’atmosphère de peur qui pèse comme une chape sur une société résignée et terrée dans une passivité impuissante. Chacun espère y passer à travers les gouttes en fermant les yeux, n’hésitant pas à donner lui-même la mort pour éviter de la recevoir, avec pour « unique droit et seule liberté : gagner un peu de temps avant la fin. »
Déroutante au début, cette lecture s’avère une claque magistrale, une plongée saisissante dans le dangereux enfer d’une société mexicaine qui vit dans l’ombre de la mort perpétuellement en embuscade. L’on en ressort sidéré et groggy, durablement marqué par un désespoir si noir, qui n’exclut pourtant ni drôlerie ni poésie. Ce livre me marquera autant que le terrifiant 2666 de Roberto Bolaño.
Un livre marquant, inspiré d'un fait réel survenu au Mexique en 2018
Cela fait des jours qu’un semi-remorque frigorifique blanc, totalement banalisé, parcourt inlassablement le désert mexicain, ses deux chauffeurs Vieux et Gros se relayant sans interruption, de façon à ne s’arrêter que pour les pleins de carburant. A son bord s’entassent cent cinquante-sept cadavres, tous victimes de la violence, certains non identifiés, en tous les cas interdits de crémation tant qu’une enquête peut encore les concerner. La criminalité saturant morgues et cimetières dans tout le pays, le gouvernement en pleine période électorale cherche ainsi à gagner du temps avec les morts dont il ne sait plus que faire…
Cette histoire surréaliste est inspirée d’un fait réel survenu au Mexique en 2018. Les premiers chapitres sont déconcertants : une seule et même interminable phrase y tourne en boucle au fil des pensées ressassées par Gros et Vieux, au cours de leurs longues heures de divagation sans but sur les routes droites et sans fin qui traversent la torpeur du désert. L’on y comprend peu à peu leur histoire et cette présence perpétuelle de la mort, dans ce pays où la vie ne pèse rien, et où chacun doit être prêt à tout pour préserver sa peau un jour de plus.
Puis le rythme change, alors que les incidents viennent interrompre les réflexions désabusées des deux hommes, transformant leur traversée hallucinée d’un pays aux allures de purgatoire en une véritable plongée en enfer qui n’est pas sans évoquer Le salaire de la peur de Georges Arnaud. Dès lors, tout dérape, entraînant les deux chauffeurs dans une glissade mortelle où ils tenteront comme ils peuvent de conserver le plus longtemps possible l’équilibre, en tout cas le fragile souffle qui les différencie encore de leur silencieuse cargaison.
Le récit est du noir le plus pur : implacablement désespéré, le ton décapant ne laisse aucun répit, flirtant avec l’absurde dans un humour qui fait autant rire qu’il atterre le lecteur. L’on est ébloui par la maestria de l’auteur, qui, tant par le style que par la construction du roman, a su si bien rendre l’atmosphère de peur qui pèse comme une chape sur une société résignée et terrée dans une passivité impuissante. Chacun espère y passer à travers les gouttes en fermant les yeux, n’hésitant pas à donner lui-même la mort pour éviter de la recevoir, avec pour « unique droit et seule liberté : gagner un peu de temps avant la fin. »
Déroutante au début, cette lecture s’avère une claque magistrale, une plongée saisissante dans le dangereux enfer d’une société mexicaine qui vit dans l’ombre de la mort perpétuellement en embuscade. L’on en ressort sidéré et groggy, durablement marqué par un désespoir si noir, qui n’exclut pourtant ni drôlerie ni poésie. Ce livre me marquera autant que le terrifiant 2666 de Roberto Bolaño.