Lorsqu'il arrive à Copenhague où il doit rencontrer un célèbre auteur pour négocier les droits de traduction de l'un de ses polars nordiques, l'éditeur français Delafeuille s'aperçoit très vite que les événements lui échappent : alors que sévit dans la ville un tueur en série, fiction et réalité se mettent à s'entremêler au point de devenir indifférenciables. Et si Delafeuille était lui-même devenu un personnage de polar ?
Le récit est tordu à souhait, poussant la complexité de l'intrigue jusqu'à l'absurde, dans un pastiche de polar nordique habilement caricaturé à
l'extrême. Plus que l'histoire elle-même, totalement délirante, c'est l'exercice littéraire qui m'a ici fascinée : Luc Chomarat se moque et se joue des codes du genre, dont le succès, et donc la rentabilité, attirent de plus en plus d'auteurs et d'éditeurs, dans une course au profit où s'agglomèrent le meilleur comme le pire des productions.
Il faut reconnaître que la démonstration fait preuve d'audace et d'ingéniosité, voire de virtuosité. Je me suis amusée, surprise et intriguée de la manière dont l'exercice pourrait bien se conclure. Point n'est besoin d'être familier du polar nordique pour saisir la dérision et les messages. Car, au-delà de la pitrerie tirée par les cheveux, dont on sait la maîtrise littéraire qu'elle nécessite lorsqu'elle est aussi bien menée, c'est tout l'avenir de l'écriture et de la création littéraire dont il est question ici.
Lorsque le temps globalement consacré à la lecture rétrécit comme peau de chagrin, que les livres deviennent des produits de consommation, que les contraintes commerciales et la course à la notoriété tendent à prendre le pas sur l'érudition et le talent, que les éditions papier cèdent peu à peu la place au virtuel et à l'interactivité, voire, peut-être un jour, la création humaine à l'intelligence artificielle, comment ne pas s'interroger, voire s'insurger, comme les personnages de ce thriller norvégien amenés à prendre eux-même leurs destins en main pour échapper à leur déliquescence ?
Trop déjanté pour me séduire réellement, ce vrai-faux polar est indéniablement original et intriguant. Chapeau bas à Luc Chomarat pour cet exercice de virtuosité et de dérision, qui illustre à merveille ses interrogations quant à l'avenir des livres, des auteurs et des éditeurs.
Voyage au bout de la nuit du polar nordique
"Le dernier thriller norvégien" nous emmène sur les pas de l'éditeur Delafeuille (ce nom ne s'invente pas) lui -même sur les pas du dernier auteur à succès du polar nordique, Olaf Grundozwkzson, pour acheter les droits de son dernier roman. Jusque-là, rien de bien méchant.
Sauf que,
1 : un tueur en série nommé L'Esquimau sévit dans la région de Copenhague (oui, Copenhague, au Danemark) ;
2 : Delafeuille, à peine posé sur le sol danois (pas norvégien : danois, qui a dit norvégien ?) se met à avoir un comportement et des pensées pour le moins étranges... Hallucinations ? Rêveries ? Aquavit ? Hygge ?
3 : c'est là qu'apparait Sherlock Holmes, plus vrai que nature, pour épauler notre éditeur ;
4 : le titre du dernier roman de Grundozwkzson s'intitule... "Le dernier thriller norvégien"...
Tout ça n'a aucun sens, n'est-ce pas ?
Alors si je vous disais que ce n'est le début ?
Loufoque, déjanté et absurde, un roman qui parodie le genre du policier nordique dans une vertigineuse mise en abîme absolument jouissive.
Où l'on retrouve un Luc Chomarat en grande forme qui continue sa recherche sur la création littéraire, après notamment "Le polar de l'été" et "Un petit chef d’œuvre de littérature".