La narratrice et son acolyte Isora habitent un petit village des Canaries. On pourrait imaginer un cadre de vie idyllique, il n’en n’est rien. Il y a les paysages de carte postale placardés dans la vitrine de l’agence de voyages et puis il y a l’envers du décor.
Isora croupit dans l’épicerie de sa grand-mère. La narratrice, elle, est bien souvent réquisitionnée pour aider ses parents à faire le ménage dans les hôtels et villas pour vacanciers fortunés.
Quand les deux amies se retrouvent, désoeuvrées, elles déambulent et traînent leurs guêtres telles deux âmes en peine
dans le village qui semble être resté coincé dans les années 1950.
Sur le fond, l’auteur livre de manière autobiographique une enfance rude au sein d’un environnement où tout n’est que pauvreté et isolement. La relation des deux personnages est fusionnelle mais toxique. L’une est encore une enfant, l’autre est déjà cette adolescente qui aura basculé trop tôt dans le monde des adultes.
Sur la forme, c’est une fillette qui écrit comme elle parle. Elle raconte ce morceau de vie, usant et abusant d’un style cru et vulgaire qui dérange et laisse circonspect quant au dégoût qu’il suscite. A coups de « shit » (surnom de la narratrice brillamment trouvé par son amie), de « bitch » et autres termes fleuris, ce qui peut au début faire sourire devient une logorrhée insupportable et incompréhensible qui rend ce récit dégoulinant.
Ce n’est pas sans un certain soulagement que j’ai tourné la dernière page de ce roman et c’est vraiment dommage. Comme une délivrance.
Tombée dessus un peu par hasard, je me suis lancée. L’atterrissage a été violent.
La soeur que j'ai toujours voulue
Parce qu'il y a un volcan prêt à exploser mais qui n'explose jamais parce qu'on s'emmerde sur ce bout de village en plein milieu d'une île paumée parce que c'est triste d'être une grosse sans horizon parce qu'en fait l'été dans ce bled c'est pas l'été des touristes parce qu'il y a des nuages plein le ciel parce qu'on peut faire quoi d'autre que de traîner avec sa meilleure amie quand t'as dix ans et que pourquoi pas se frotter contre le tronc d'un arbre parce qu'on attend la fête du village.
Parce que la misère qu'on chevauche comme un cheval, à cru.
Un roman initiatique entre deux jeunes ados, aussi intime que toxique. l'écriture est au venin, tantôt choc tantôt douceâtre. Qui montre une page de l'existence frêle, sans fard, un peu trash un peu émotionnel, mais sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou dans la gangrène de la violence.